Ajouter un extrait
Liste des extraits
Elle essaie alors d’imaginer la montagne entière protégée par des barrières, balisée par des sentiers de gravier. Ou plutôt de béton. Le parc tout entier finirait à la manière du centre d’accueil et d’orientation. Des milliers de touristes se déversant des cars, ressemblant trait pour trait à ceux qui viennent passer la journée à Ayersville en réclamant des frites, des toilettes publiques et la promesse d’une aventure, car ils en veulent pour leur argent.
Afficher en entierLe monde est si horrible, tellement ravagé que c’en est insupportable.
Afficher en entierSophie a dû recevoir sa carte maintenant. Donc, quand tombera son anniversaire - il a noté la date dans son agenda-, il l'appellera en essayant d'avoir l'air normal. À l'aise. C'est vrai, elle a quinze ans à présent, et une chose en entraînant une autre (il verra ça plus tard, bien sûr), ils n'ont pas été beaucoup en contact et il commence à ressentir ce manque. Non... il comprendrait qu'elle ressente un manque. Il est temps qu'ils apprennent à se connaître, entre adultes.
Afficher en entier"Celle-ci ou bien celle-là?" a-t-elle demandé à Sophie qui essayait de terminer un devoir de sciences, s'engouffrant par la porte pour demeurer en équilibre instable avec ses deux cintres à la main. D'un côté la robe orange, de l'autre une autre robe aussi moche de brocard bleu à taille basse. Toutes deux sans manches, toutes deux cent pour cent synthétiques, made in India. Elle a une armoire remplie de ce genre de fringues. Et cette façon de se coiffer en ramenant ses cheveux en chignon attaché par trois pinces: après elle passe des heures à tirer des mèches pour qu'elles encadrent sa tête avec art, des mèches aux pointes toutes sèches et rouges à force d'abuser du henné, ce qui lui donne l'air d'une sorcière dépenaillée, à moitié folle. Et puis elle met ses lunettes, et là, elle a l'air d'une bibliothécaire dépenaillée, à moitié folle. Sophie a essayé de le lui dire.
Afficher en entierElle lui a tout raconté, il y a peu.
"Il nous a quittées quand tu n'étais encore qu'un tout petit bébé. Alors n'attends rien de sa part. Raye-le comme moi de ton existence."
Pendant des années, sa fille lui a renvoyé ce regard insondable dont sont capables les enfants, avec un haussement d'épaules, pourtant Sandy est certaine qu'elle conserve toutes ses cartes aux messages d'une pathétique désinvolture, bien cachées quelque part. Elle s'accroche. À une vague possibilité. Et puis l'année dernière, quand elle a passé la dangereuse barrière des quatorze ans, elle l'a stupéfié en déclarant:
"Si tu l'as rayé de ton existence, pourquoi tu parles tout le temps de lui?"
Sandy a rougi, eu très chaud.
"Je ne parle pas tout le temps de lui.
-Si.
-Non.
-Si. Quand tes copines sont là. Vous criez toutes pour en placer une, et c'est à qui aura l'ex le plus minable."
Tout ça, cette énormité complètement fausse, c'était juste pour la provoquer, bien sûr.
Afficher en entier