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Les divers valets et employés se précipitèrent hors de leurs tentes avec des lanternes ; un spectacle affreux les attendait. Ronder gisait, le crâne fracassé avec de profondes traces de griffes en travers de son cuir chevelu, à quelque dix mètres de la cage, qui était ouverte.
Afficher en entierC'était horrible ! Il n'y a pas de mots pour dépeindre le cadre d'un visage quand le visage n'est plus. Deux très beaux yeux noirs vivants émergeaient tristement d'une ruine effroyable et ajoutaient à l'horreur de cette vision. Holmes leva les mains dans un geste de pitié et de protestation. Ensemble nous quittâmes la pièce.
Afficher en entier« Leonardo entra de plus en plus dans ma vie. Vous voyez comme il était bel homme. Je sais maintenant quelle âme habitait ce corps ! Comparé à mon mari, il ressemblait à l'ange Gabriel. Il me prit en pitié, il m'aida. Finalement notre intimité se transforma en amour : un amour profond, profond ! Passionné. L'amour auquel j'avais toujours rêvé mais que je n'avais jamais espéré ressentir. Mon mari le soupçonna, mais il était aussi lâche que brutal, et Leonardo était le seul homme qu'il redoutait. Il se vengea à sa manière en me torturant plus que jamais. Un soir, mes cris attirèrent Leonardo à la porte de notre roulotte. Nous frôlâmes la tragédie cette nuit-là, et bientôt mon amant et moi nous comprîmes que nous ne pourrions l'éviter. Mon mari n'étant pas digne de vivre, nous décidâmes qu'il devait mourir.
Afficher en entierLa pièce sentait le moisi et le renfermé ; elle était mal aérée. Après avoir gardé des fauves en cage, la pensionnaire semblait, par l'effet d'une quelconque revanche du destin, être devenue à son tour une bête en cage. Elle s'assit sur un fauteuil branlant dans le coin le plus sombre. De longues années d'inaction avaient engraissé sa silhouette mais elle avait dû être fort belle car son corps était encore plein et voluptueux. Un voile noir très épais recouvrait son visage ; fendu à la hauteur de la lèvre supérieure, il nous permit néanmoins de voir une bouche parfaite et un menton à l'ovale délicat. Certainement elle avait été une femme remarquable. Sa voix bien modulée ne manquait pas d'agrément.
Afficher en entier– Hé bien ! tous les deux nous avons été troublés. C'était diablement difficile de reconstituer l'affaire. Placez-vous au point de vue du lion. Il est libéré. Que fait-il ? Il s'élance ; une demi-douzaine de bonds en avant l'amènent sur Ronder. Ronder fait demi-tour pour s'enfuir (les traces des griffes sont situées sur le derrière de la tête), mais le lion le fait rouler sur le sol. Et voilà qu'au lieu de continuer à foncer et à s'évader, il revient sur la dompteuse qui était restée près de la cage, il la renverse et la défigure… puis encore, il y a les hurlements de Mme Ronder, qui semblent reprocher à son mari une certaine défaillance. Mais qu'aurait pu tenter le pauvre diable pour la secourir ? Vous voyez la difficulté ?
Afficher en entier« Parmi les bêtes, il y avait un très beau lion d'Afrique du Nord, Sahara King. Ronder et sa femme avaient l'habitude de s'exhiber dans sa cage. Voici une photographie prise au cours d'une représentation. Vous observerez que Ronder était un colosse très porcin, tandis que sa femme était remarquablement belle. L'enquête établit que Sahara King avait manifesté certaines velléités inquiétantes ; mais, selon la coutume, la familiarité avec les fauves entraîna une confiance excessive, et ils ne tinrent pas compte de ces symptômes.
Afficher en entierÀ peine notre visiteuse avait-elle quitté la pièce que Sherlock Holmes bondit avec une énergie farouche sur la pile des recueils de faits notables qu'il entassait par terre dans un coin. Pendant quelques minutes, le bruit des pages qu'il feuilletait emplit le salon ; un grognement de satisfaction m'apprit qu'il avait mis la main sur ce qu'il cherchait. Il était si énervé qu'il ne prit pas la peine de se relever : il s'assit sur le plancher comme un étrange bouddha : jambes croisées, et entouré de gros livres dont l'un était ouvert sur ses genoux.
Afficher en entierIl serait déraisonnable de supposer que chacune des affaires que traita Holmes lui fournît l'occasion de déployer les dons exceptionnels d'intuition et d'observation que je me suis efforcé de mettre en lumière. Tantôt il devait se donner beaucoup de mal pour cueillir le fruit, tantôt il n'avait qu'à se baisser pour le ramasser. Mais c'est souvent dans les affaires qui le mirent le moins en évidence que nous entrevîmes des tragédies humaines particulièrement terribles ; je vais en analyser une ; j'ai légèrement modifié les noms et les lieux, mais je rapporterai les faits sans en rien changer.
Afficher en entierSi l'on veut bien songer que M.Sherlock Holmes a exercé son activité pendant vingt-trois ans et que pendant dix-sept de ces vingt-trois ans j'ai pu collaborer avec lui et prendre des notes sur ses exploits, on conviendra que je dispose d'une masse considérable de documents. Le problème n'est donc pas de trouver, mais de choisir. Voici par exemple la longue rangée des agendas qui remplit toute une étagère. Et voici des malles et des valises bourrées de papiers: de quoi ravir non seulement l'étudiant en criminologue, mais aussi tous les amateurs de scandales sociaux et officiels de la fin de l'ère victorienne. Mais que se rassurent les auteurs de lettres angoissées qui nous supplient de ne pas compromettre l'honneur de leurs familles ni la réputation d'un aïeul célèbre: ils n'ont rien à craindre! La discrétion et le sentiment élevé de ses devoirs professionnels qui ont toujours animé mon ami président à notre choix: aucun abus de confiance ne sera commis. Toutefois je désapprouve formellement de récentes tentatives en vue de s'emparer et de détruire ces papiers. Je connais leur origine. Je suis autorisé par M.Holmes à déclarer que si elles se renouvellent, toute l'histoire du politicien, du phare et cormoran sera livrée à la curiosité du public.
A bon entendeur, salut!
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