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Lors d’une journée d’été dans les Bayous, ordinairement ensoleillée comme c’est le cas généralement dans ce coin du sud des États-Unis, il faisait chaud. J’étais encore petite. Habillée d’une simple culotte de coton grossière, j’étais nue. Un délice pour les moustiques qui se délectaient de ma peau pendant que ma mère donnait le sein à Jasmine, ma sœur cadette.
De mon côté, je tentais désespérément d’apprivoiser un escargot qui essayait d’échapper aux assauts de mes mains maladroites. J’étais amusée de voir qu’il sécrétait le même genre de bave que celle qui dégoulinait de ma bouche ouverte. Étions-nous de proches parents, lui et moi ? Ça m’intriguait bien assez, au point d’occuper toute ma concentration.
Je me souviens d’avoir levé les yeux vers le ciel soudainement. Un pressentiment ? Peut-être l’avais-je entendue approcher sans bruit comme elle le fait souvent. Elle qui glissait dans les herbes telle une sylphide sortie tout droit des marais. Elle se tenait là, au-dessus de moi.
Ma Jaja s’était positionnée de telle manière qu’elle était devenue ombre du soleil. Sur l’instant, je n’ai pas perçu que c’était elle. J’ai pris peur, aveuglée par l’astre de lumière qui l’entourait. J’ai froncé les sourcils par réflexe au point d’en avoir les larmes aux yeux. J’ai même commencé à couiner en pensant être face à un étranger qui aurait pu s’en prendre à moi.
D’une simple phrase, elle m’a rassurée. Je connaissais ce timbre de voix. Celui qui me berçait et qui me consolait déjà, comme toutes les autres fois :
― Anyen pa séché pi vit pasé jé Ti Bon Ange...
Comme elle tendait sa main vers moi, je l’ai prise en toute confiance. Sentant sa peau s’accommoder de la pression de ma petite patte maladroite, j’ai deviné le passage d’un fluide. Une aura qui m’a englobée à tel point que mes larmes se sont séchées aussitôt, comme par enchantement.
La magie existait dans les marais.
Elle avait un nom.
C’était Li Jaja di Bayou...
Je ne me suis jamais sentie en danger à ses côtés. Même si parfois elle tchipe des mises en garde lorsque je redeviens une gamine écervelée. J’ai juste à regarder l’un de ses sourcils arqués pour la comprendre ; de suite, je rentre dans le droit chemin. Il en va de ma survie d’apprendre les règles qui me sont imposées.
Je pouvais en mourir, tu sais...
Notre union s’est symbolisée par la simple communion de nos deux mains lors de cette journée. Le sentiment de ne plus être seule ou, comme j’aurais pu le croire à tort, de n’être qu’une enfant comme les autres.
Ma différence, elle la comprenait.
Mon salut passait par elle. Pourtant, une crainte s’est installée. La peur de la voir disparaître. Un jour, je le savais, on viendrait me l’enlever, et ce, pour l’éternité, plus tard, ailleurs...
Pas maintenant, s’il te plaît...
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