Extraits

Pour "nom de scène", Marie choisit le second prénom de sa mère Olympe qui évoque "quelque chose de céleste" et renvoie au séjour des dieux. Marie veut aller haut, mais il y a peut-être là aussi un effet de mode. Quant au nom "de Gouges" qu'elle se donne désormais, précédé du prénom "Olympe, il semble être une déformation de son patronyme Gouze à une époque où l'orthographe est incertaine. La particule qui précède ce nouveau patronyme maintient une ambiguïté proprement théâtrale : elle peut être interprétée comme l'affirmation d'une filiation ("fille de"), sans prétention nobiliaire. Elle peut aussi suggérer une ascendance noble. Le nom par lequel elle est passée dans l'Histoire trahit ainsi une filiation, cachée, plus valorisante, et, sans doute, conforme à la vérité.

Telle est Olympe de Gouges : celle qui invente son personnage pour mieux affirmer sa liberté, celle qui veut vivre pleinement comme femme dans une société dirigée et modelée par les hommes.

Comment grandir lorsque son père n'est pas son père ? Comment exister comme femme à une période de l'Histoire où les hommes ont le pouvoir et visent à le conserver, même lorsqu'ils se mêlent d'organiser une révolution ? Comment faire entendre sa voix en ce XVIIIe siècle qui grouille de paroles, où la rue résonne de cris, les salons de conversations et l'espace politique des tribunes enflammées, où "les êtres sont acculés à devenir de pures voix, disposant de peu d'autres moyens, articulant leurs désirs dans l'échange des voix", alors que grandit le silence divin ?