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C’est au moment où je vois ses yeux embués de larmes que je me rend compte que je le crois et suis persuadé de la véracité de ses paroles. On ne peut simuler ainsi des larmes et un chagrin de cette importance.
Afficher en entierJe n’ai pas le temps de retourner m’asseoir afin de penser aux événements de la journée que mon téléphone sonne.
—Allô ?–Il était temps que tu répondes ! s’exclame Lucie à l’autre bout du fil. Je t’ai envoyé au moins quinze messages ces deux dernières heures !
—Oui, et ?
—D’ordinaire tu réponds dans les trois secondes et demie, et ici, rien, pas le moindre signe de vie. J’étais prête à venir chez toi voir si tu n’avais pas fait un AVC dans ta salle de bain !
Je lève les yeux au ciel. Elle est sans cesse dans l’exagération, c’est phénoménal.
—Comme tu le vois, on ne se débarrasse pas aussi facilement de moi.
Un silence s’installe. Elle cherche sûrement par quel côté attaquer.
—Je peux savoir pourquoi tu ne répondais pas ?
—Je faisais une sieste.
—À d’autres. Je te connais comme si je t’avais fait, mon petit. En temps normal, à cette heure, tu es soit en train de manger une pizza surgelée devant la télévision, soit dehors avec Loïc, ou alors, tu es dans ton lit, un livre entre les mains et de la musique dans les oreilles.
Elle fait une petite pause, le temps de chercher ses mots pour poursuivre. Néanmoins, je suis assez subjugué par sa connaissance de mon quotidien. On dirait presque une détective privée, elle connaît mieux mes habitudes que moi ! Si je ne savais pas à quoi tout cela lui servait–c’est à dire mieux me coincer pour que je lui dise tout ce qu’il se passe de croustillant dans ma vie–, j’en serais presque effrayé.
Afficher en entierQuand je vois son regard perdu, je comprends qu’il n’a pas saisi un traître mot de ce que je viens de lui dire.
—Et puis merde, je pense que je t’aime !
Afficher en entierJe sors alors mon smartphone du fond de ma poche, le rallume et sonne à ma collègue. Une sonnerie, deux sonneries, et elle répond.
—Allô mon petit Kurt ! Que me vaut l’honneur de recevoir ton appel ?
—Ah ah ah, très drôle, lui dis-je d’un ton sarcastique. Je suis plié. Bon, trêve de plaisanterie, ça te dit de venir partager un café avec Loïc et moi ?
Quelques secondes se passent avant que je n’entende un cri de l’autre côté du fil. J’éloigne prestement le téléphone de mon oreille, ne voulant pas perdre l’ouïe. Elle va finir par me rendre sourd avant que j’aie atteint le cap des trente ans si elle continue sur sa lancée !
—C’est un oui, je suppose ? lui demandé-je en rapportant le cellulaire à mon oreille.
—À ton avis, crétin ? Tu penses vraiment que je vais rater une occasion comme celle-ci ?! C’est mal me connaître ! Je vais pouvoir l’interroger vu que tu ne veux rien me dire ! Je vous rejoins où ?
Elle ne changera jamais… Cependant, elle a visé juste. Où est-ce qu’on va bien pouvoir aller ? Je lève les yeux vers Loïc qui attend, le dos contre le mur, me fixant de ses yeux noirs.
—On va où ? lui demandé-je, essayant de ne pas laisser transparaître mon trouble dans ma voix.
—Au Tam-Tam, ils servent de super cocktails !—C’est bon, j’ai entendu ! Je suis là dans dix minutes, grouillez vos culs super sexy !
Avant même que j’aie eu le temps de répondre, elle me raccroche au nez. Vu comment Loïc se retient de rire face à ma mine dépitée, je crois que mon ego brisé en mille et un morceaux n’est pas près de s’en remettre.
—Bon, vu qu’elle sera là bientôt, on y va ?
Afficher en entier–Pas besoin de t’attarder sur des sujets qui te mettent mal à l’aise, tu sais ? le préviens-je.
—Je suis parfaitement au courant, mais j’ai envie d’être transparent dès le départ.
La façon dont il a formulé sa phrase me semble étrange, me laissant une drôle d’impression. Cependant, je le laisse poursuivre. Après tout, si je lui parlais d’un sujet aussi personnel, j’apprécierais qu’il me laisse tout débiter avant de poser ses questions.
—J’étais sûr et certain que ça n’irait pas plus loin que les fiançailles, car je suis au courant depuis des années que je suis gay.
Loïc : 1.
Kurtis : 0.
Afficher en entierJe pousse un profond soupir. Dans quel merdier est-ce que je me suis encore fourré? Quand il revient s’asseoir à la table, posant ma tasse devant moi, je ne peux m’empêcher de le jauger du regard, scrutant le moindre de ses faits et gestes, comme s’ils allaient me révéler la raison de ses agissements.
–Tu admires mon corps de dieu grec ? me demande-t-il, sûrement pour détendre l’atmosphère. Pauvre de lui, si seulement il savait le nombre de fois où j’ai fantasmé sur son soi-disant corps de rêve quand on était plus jeune…
Afficher en entierJe la retrouve quelques instants plus tard, au beau milieu du rayon cuisine, une crêpière à la main, en train de lire les indications se trouvant sur l’étiquette, les yeux plissés comme si elle cherchait une chose en particulier.
—Non, mais tu n’es tout de même pas sérieuse là ! m’exclamé-je, pris d’un fou rire monumental. Qu’est-ce que tu comptes faire avec ça ?
Elle me regarde avant de me faire un sourire en coin et de brandir la poêle vers moi, comme un chevalier brandirait son épée. Elle est un peu flippante comme ça… Ce n’est pas le fait qu’elle me menace avec qui m’inquiète, c’est surtout tout ce qu’elle pourrait en faire grâce à toutes ses idées farfelues…
—En garde, manant ! Ou alors, agenouille-toi devant la toute-puissance de la crêpe !
Alors là, elle m’a perdu, la pauvre ! Je suis plié en deux. Des larmes coulent de mes yeux et je rigole tellement que j’ai du mal à respirer. Entre deux hoquets, j’arrive à lui dire :
—Je n’en peux plus de toi. Tu n’es vraiment pas sortable, je te jure !
Afficher en entierIl se retourne faisant face à la vendeuse, lui tend un billet de vingt, mais celle-ci refuse.
—Non, je ne vends pas aux sales tapettes !
Je me retourne à mon tour, mes yeux lancent des éclairs. Le regard de la vendeuse, typée asiatique, est féroce, sa bouche tordue dans une grimace de dégoût. Loïc est immobile, sans aucun doute surpris par la remarque de la femme.
—Viens chéri, dis-je en l’attrapant puis en le tirant à ma suite. Je préfère ne pas donner d’argent aux Asiatiques ; après tout, ils se servent de leurs enfants pour se faire de l’argent, autant ne pas les engraisser davantage.
Le visage de la femme exprime alors de la surprise. Il faut croire qu’elle pensait que nous allions partir sans dire un mot. La pauvre, elle ne nous connaît pas, moi et ma grande gueule. Je retiens le nom de son échoppe, le notant dans un coin de mon esprit. Je pense que je vais aller laisser un petit commentaire sur Google, quand je vais rentrer.
Afficher en entierMalheureusement pour moi et heureusement pour mon amie, l’homme qui était jusqu’ici rester en retrait s’avance vers nous.
– Kurtis, comme dans Kurtis Maluik ?
– Lui-même ! répond Lucie à ma place, se fichant des convenances. Vous vous connaissez ?
Personnellement, je ne pense pas. Mais après tout, je n’ai pas encore eu l’occasion de voir le visage de notre interlocuteur, il est donc difficile pour moi de répondre.
– Oui, on était à l’école ensemble, en secondaire.
Afficher en entier– Allez-vous en… finis-je par dire à voix basse.
– Oh mais c’est qu’elle parle la tapette ! s’exclame mon ancien ami.
Je ferme une nouvelle fois les yeux avant de les rouvrir et de me lever du banc où j’étais jusqu’à présent assis. Mieux vaut m’en aller avant que ça ne dégénère. Encore.
– Qui a dit que tu pouvais te lever ?
– Laissez moi passer.
Je sens que cette année va encore bien se dérouler…
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