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Extrait ajouté par morganenao 2014-09-11T19:33:39+02:00

Alors que Debs n'avait que 7 ans, Mme Shaw, sa maîtresse d'école, lui avait offert un exemplaire en cuir relié d'Oliver Twist. Depuis lors, et grâce à cette femme, elle adorait les livres. Pour leur beauté extérieure et leur poids, mais aussi pour le pouvoir d'évasion qu'ils représentaient, notamment celui de l'éloigner du petit appartement étouffant de sa mère sur Walthamstow, avec ses figurines de ballet sans âme et ses programmes de télé.

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Extrait ajouté par lamiss59283 2012-02-22T10:08:38+01:00

Callie

L’eau est froide. Je m’y attendais, même si en ce début d’été le soleil, telle une boule à facettes, projette ses rayons sur l’étang à travers les feuilles des saules pleureurs. Je sors vite mon pied trempé pour en frotter les extrémités sensibles et glacées. Une petite feuille jaune est collée à ma cheville. Je ne suis pas certaine de pouvoir me jeter à l’eau ce coup-ci.

— Il y a un truc gluant là-dessous, dis-je.

Suzy fait une grimace, celle qui d’habitude persuade Henry de manger ses brocolis.

— Allez, elle est miam-miam !

Nous éclatons de rire. Suzy se lève, me dominant de son mètre soixante-dix. D’un mouvement rapide, elle ôte sa robe d’éponge grise, puis ses tongs, et s’approche du bord de l’eau en bikini noir. Une dame âgée nage dans sa direction, d’une brasse efficace et sûre, un bonnet de bain bleu posé sur ses bouclettes comparables à de la laine d’acier. Suzy sourit en attendant patiemment que la baigneuse s’éloigne.

Allongée, je me redresse sur les coudes. Il y a une vingtaine de femmes sur la pelouse, seules ou en groupes. Certaines lisent, d’autres bavardent. Deux d’entre elles, côte à côte, rient, leurs jambes entremêlées. Suzy attend toujours que la vieille dame s’écarte doucement de son chemin. Il me faut une seconde pour me rendre compte que je dévore du regard le corps de ma copine, un corps que j’ai pourtant vu cent fois nu courir après ses enfants dans les vestiaires de la piscine ou topless dans la cuisine lorsqu’elle retire son haut taché de sauce. Mais d’habitude, il est toujours entravé par un enfant. Ça fait bientôt deux ans et demi maintenant que Suzy et moi nous connaissons. Et elle a toujours un enfant accroché quelque part : à sa poitrine nourricière, juché sur sa hanche ou se tortillant sous son bras.

Je m’aperçois combien Suzy fait jeune, à peine marquée par ses trois grossesses. Elle a une taille large, le ventre plat, dépourvu des quelques bourrelets que Rae a laissés sur le mien. Sa poitrine généreuse tient toute seule, acceptant le soutien de son bikini sans pour autant en avoir besoin. Sa peau est lisse et laiteuse, sa silhouette svelte et athlétique. Après avoir pris une profonde inspiration, elle tend les bras avec l’assurance de la fille qui s’est baignée toute son enfance dans les lacs du Colorado et plonge dans l’étang de Hampstead Ladies, chassant un canard étonné.

Je m’allonge à nouveau en essayant de me concentrer sur l’endroit où nous sommes. Une mouche bourdonne sous mon nez. Un certain calme règne autour du plan d’eau. Ce petit monde est caché derrière les arbres de Hampstead Heath, où les femmes nagent, s’étirent et sourient, loin des hommes. Peut-être cette ambiance ressemble-t-elle à celle d’un harem.

Oui, me dis-je. Que rêver de mieux que d’être assise sous un soleil estival, un vendredi après-midi, sans enfant à surveiller ni travail à effectuer ?

Et pourtant, je n’en tire aucun plaisir.

Le soleil chaud me picote le visage, ce qui m’est légèrement désagréable. Je tâche de me détendre en me focalisant sur les sons qui m’entourent. J’ai pris l’habitude de relever les bruits intéressants et de les garder pour plus tard, en cas de besoin. Ils sont tous répertoriés dans ma tête, du plus faible fredonnement au plus charmant murmure du vent. Aujourd’hui, j’enregistre le chant d’un pinson, le bruissement des brasses de Suzy dans l’eau, le craquement d’une branche sous un écureuil.

Rien à faire. J’ai beau étirer mes jambes le plus possible, la tension qui noue mes fesses et mes hanches ne se relâche pas. Mon esprit mouline à toute vitesse. Il faut que j’en parle à Suzy. Je ne peux pas garder le silence plus longtemps ; je lui cache déjà suffisamment de choses. Je me redresse une nouvelle fois et la cherche du regard. Elle a traversé l’étang et revient vers la rive.

Oh, et merde ! Maintenant que je suis là… Je me lève et me dirige vers les marches, puis descends avec précaution dans les eaux sombres. Un panneau indique qu’il y a des tortues d’eau douce et des écrevisses là-dessous.

— Bravo, c’est bien ! lance Suzy en applaudissant pour m’encourager.

Je manifeste mon scepticisme en roulant des yeux. L’eau est froide et boueuse. Je frissonne, sentant le froid m’encercler au fur et à mesure que mon corps s’immerge.

— Arrête d’hésiter et nage ! hurle mon amie.

Son fort accent américain ricoche sur l’eau, si bien que la femme maître-nageur se tourne de son côté. Je m’élance loin du bord. La natation n’a jamais été mon fort. Suzy se rapproche de moi en dos crawlé, les yeux braqués vers le ciel et la cime des arbres.

— C’est tellement agréable ! La semaine prochaine, je nous réserve une journée au spa dont tu m’as parlé à Covent Garden.

Mes jambes sont attirées par le fond, je bois la tasse et tousse en me débattant. Je n’ai pas pied.

— Hé, ça va ? me demande-t-elle en me tenant par le bras. On va jusqu’au milieu de l’étang et on revient.

Avant de la suivre, je me mouche et reprends mon souffle.

— Suze, je ne peux pas gaspiller d’argent pour ce genre de truc en ce moment.

— Ne sois pas ridicule, ma belle. C’est moi qui t’invite.

Et elle tiendra parole, je le sais. Les Howard n’ont jamais de problèmes financiers. Les affaires de Jez sont florissantes, même en ces temps incertains. Et l’argent n’a pas la même valeur affective pour Suzy que pour moi. Il ne pèse pas sur son foyer comme une mère critique et intrusive qui interviendrait dans la moindre décision, broyant ses rêves en disant : « L’année prochaine, peut-être. »

Constatant que je me débrouille bien toute seule, Suzy m’abandonne. Je me demande quelle direction prendre. Étrange sensation que celle de nager dans un bassin naturel, sans autre rebord à atteindre que des rives en pente criblées de racines. Les distances ne sont pas marquées par des plots. Suzy n’a pas tort, en fin de compte : c’est agréable. Sauf que mon esprit souffre de l’absence de cadre, de début et de fin.

Derrière moi, un bruit d’éclaboussure attire mon attention. La vieille dame sort de l’eau en montant les marches. Je suis surprise de constater qu’elle doit avoir dans les quatre-vingt-dix ans. Sa peau bronzée forme sur son corps comme un vieux drapé à mille plis. Je me souviens de ma grand-mère qui, après la mort de son mari, est restée assise devant la télé pendant vingt ans à attendre son tour. Une vieille dame se plante devant la télévision, une autre va se baigner dans un étang, un jour d’été, au milieu des martins-pêcheurs et des nénuphars. À quoi tient cette différence d’attitude ?

Cette femme se déplace sans se préoccuper de son aspect physique. Cela lui donne un air confiant lorsqu’elle croise deux jeunes femmes en train de discuter avec animation, les yeux dissimulés derrière d’énormes lunettes de soleil de marque, leurs membres délicats ambrés d’autobronzant. Elles ont probablement épousé des hommes d’affaires de Hampstead. J’imagine que la vieille dame, elle, est une ancienne suffragette ou une célèbre botaniste qui toute sa jeunesse a parcouru l’Amérique du Sud à dos d’âne en quête de nouvelles plantes. Peu importe. Je sens qu’elle n’a pas de temps à perdre avec des petites jeunes comme ces deux-là. Ou comme moi. Elle a sans doute mérité le droit de passer ses journées à se divertir. Alors que nous, c’est un autre qui paie pour nous offrir ce plaisir, et cette femme le sait pertinemment.

C’est mal. Il faut que ça cesse.

Après avoir pris une profonde inspiration, je nage à toute vitesse vers les marches. Mes mains mouillées s’agrippent à la rampe. En m’extirpant de l’eau, j’ai l’étrange impression que mon corps s’est alourdi. Sous le poids de la culpabilité, sans doute.

Je dois trouver les mots pour le dire à Suzy. Jouer cette comédie m’est devenu insupportable.

À Pâques, Suzy semblait avoir conçu de nombreux projets pour nous deux. Depuis son arrivée à Londres, elle se plaignait de n’avoir encore jamais eu une seule journée libre sans ses enfants ; même quand Jez était à la maison, il prétendait ne pas pouvoir s’occuper des trois petits à la fois. Du coup, elle en gardait toujours un avec elle, quoi qu’elle fît. Cependant, Peter et Otto étant entrés dans une crèche privée en mai, et Henry et Rae terminant leur année de cours préparatoire, Suzy tient enfin l’occasion de mettre en pratique la liste d’activités qu’elle a préparée en se basant sur le magazine Time Out et son guide de Londres. Nous avons passé quasiment toutes nos journées de juin dehors. Suzy sait que je suis fauchée, alors on s’est contentées des loisirs gratuits. On a fait du roller à Regent’s Park, ignorant le panneau d’interdiction.

« Encore faudrait-il qu’ils nous attrapent ! » avait lancé Suzy avec emportement.

Elle attendait depuis si longtemps de pouvoir foncer à travers les allées du parc sans être ralentie par une poussette ou une trottinette… De mon côté, même si je n’aime pas enfreindre les règles, je la suivais. Un autre jour, on a pris un sandwich à Trafalgar Square après avoir admiré des Botticelli et des Rembrandt à la National Gallery. On a jeté un coup d’oeil au 10 Downing Street à travers les barrières et vu Big Ben de près. Suzy m’a même traînée à la Tour de Londres, où elle a insisté pour payer l’entrée. En faisant la queue derrière des touristes allemands pour contempler les joyaux de la Couronne, je n’ai pu réprimer un sourire. Avant la naissance de Rae, je ne faisais jamais ce genre de choses. Puis je me suis rappelée que Suzy venait d’Amérique et non du Lincolnshire, comme moi. Pas étonnant qu’elle veuille suivre le parcours touristique. Quand Tom et moi avions passé un week-end à New York, j’avais insisté, moi, pour monter en haut de l’Empire State Building.

Et aujourd’hui, c’était la balade à l’étang de Hampstead Ladies !

— On devrait venir ici tous les jours, déclare Suzy alors que nous nous rhabillons. Comme tout le monde.

Les remarques de ce type déclenchent chez moi la même réaction que l’étang. Elles me donnent envie de me débattre, de chercher une base solide et familière à laquelle m’accrocher. En vain.

Il est 15 h 25. Suzy a appuyé sur le champignon et mis seize minutes pour traverser le nord de Londres et rejoindre Alexandra Park dans sa décapotable jaune. Elle effectue un dérapage contrôlé et pile devant l’école, sans se préoccuper du panneau « Stationnement interdit ».

— Va les récupérer, ma cocotte ! hurle-t-elle à mon intention afin de couvrir l’horrible rock américain qu’elle met toujours à fond en voiture, pas le moins du monde perturbée par les regards réprobateurs des mères qui franchissent les grilles de l’école.

Malgré mon embarras, j’éclate de rire et saute sur le trottoir. Nous savons toutes les deux ce que nous avons à faire. Je vais chercher Rae et Henry ; Suzy s’occupe de récupérer Peter et Otto à la garderie. Pas besoin d’échanger le moindre mot. Notre routine est bien huilée : comme pour des chevaux dans un manège, il suffit d’un geste de la tête ou du pied vers l’école, l’aire de jeux ou la piscine.

— Je les emmène au parc, lui dis-je en claquant la portière.

— Cool, baby ! Sur ce cri joyeux, Suzy démarre en agitant la main au-dessus sa tête.

Dès que je me retourne, mon regard tombe sur le porche de l’entrée et son inscription en brique qui date du siècle dernier : école de filles. Mes épaules s’affaissent instantanément. Le mur imposant de l’Alexandra Palace s’élève à l’arrière de l’établissement, menaçant. On dirait qu’il va engloutir le petit bâtiment victorien tel un raz-de-marée. Je passe les grilles en courant, prends à droite vers la section des tout-petits et décoche un de mes demi-sourires aux autres mamans. Il paraît qu’à Londres, avoir des enfants vous permet de faire connaissance avec vos voisins. Eh bien les miens, de voisins, doivent sortir de l’ordinaire, alors. Quelques mères m’adressent un signe de tête puis se replongent dans leur agenda. Elles prennent date pour inviter les amis de leurs enfants. J’ai plusieurs fois essayé de comprendre ce qui clochait chez moi, et voici l’explication la plus plausible : « Callie » et « Tom » habitent à deux adresses différentes sur la liste de contacts de Rae. Contrairement à Felicity et Jonathan, à Parminder et David ou à Suzy et Jez. Si les mamans refusent de se lier d’amitié avec moi sous prétexte que je suis divorcée, au chômage et mère célibataire, Suzy jure qu’elle déclinera leur invitation à boire un verre dans une de ces maisons de style Édouard VII du Driveway, la seule rue en dehors de la nôtre qui garantisse l’inscription dans cette petite école. Selon Suzy, il s’agit là du prix à payer pour « mettre nos gamins dans une école chic et prisée ». Et puis, « tu vaux bien mieux que ce troupeau de vaches chiantes et coincées qui osent te battre froid ». Je voudrais bien la croire, mais ce n’est pas évident. Ça me plairait d’appartenir à leur groupe. Si une de ces mères invitait Rae à jouer chez elle, je crois que je tomberais à genoux et lui baiserais les pieds.

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