Les extraits ajoutés par yatta1201
La salle de torture était prête. Il y avait des harnais pour pendre les prisonniers par les pieds, des rangées de matraques impressionnantes, des sels, des seringues remplies de liquides sombres, des lanières de cuir élimées, des garrots, des pinces, des tenailles et du matériel pour broyer les pieds. Un égout traversait la pièce dont la moindre surface était incrustée de sang séché. J'étais menotte, les mains remontées dans le dos, presque nu, le visage recouvert d'un bandeau militaire noué serré. Ça faisait une semaine que je passais mes nuits à être interrogé, heure après heure, sur les raisons de ma venue au Pakistan.
Je ne pouvais que leur dire la vérité : je me rendais d'Inde en Afghanistan, où j'avais l'intention de tourner un documentaire sur le trésor perdu des Moghols. Mon équipe de tournage et moi avions été arrêtés dans une rue résidentielle et emmenés dans un centre de torture secret que nos geôliers appelaient «La Ferme».
Je m'évertuais à expliquer à l'interrogateur militaire que nous étions innocents de tout crime. Mais pour la police militaire de la province nord-ouest du Pakistan, un citoyen britannique avec un nom musulman, venu par voie de terre d'un pays ennemi - l'Inde -, déclenchait toutes les sonnettes d'alarme.
Nuit après nuit, les yeux bandés, avec pour fond sonore permanent les cris d'autres prisonniers, je répondais toujours et encore aux mêmes questions : quel est le but réel de votre voyage ? Que savez-vous des bases d'Al-Qaida situées de l'autre côté de la frontière en Afghanistan ? Et même : pourquoi êtes-vous marié à une Indienne ? C'est seulement au bout d'une semaine qu'on m'a ôté mon bandeau et qu'à mesure que mes yeux s'adaptaient à la lumière aveuglante des lampes j'ai entraperçu pour la première fois la chambre de torture.
Les interrogatoires avaient lieu uniquement la nuit, même si les journées ne différaient guère des nuits à La Ferme : le néon du haut plafond de ma cellule ne s'éteignait jamais. Je restais accroupi à guetter les bruits de clés ou de pas sur le sol de pierre. Ça signifiait qu'on venait une fois de plus me chercher. Je m'armais de courage, récitais une prière et essayais d'avoir l'esprit clair. Un esprit clair est un esprit calme.
Les clés cliquetaient et les barreaux de ma cellule s'entrouvraient juste assez pour qu'un bras m'empoigne.
D'abord le bandeau, ensuite les menottes.
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