Extraits

Le téléphone sonne, je suis surprise, mais Timaël ne répond pas, il reste immobile dans son lit.

Un moment plus tard la sonnerie se fait à nouveau entendre, il se lève en titubant pour arracher les fils et balancer le téléphone à travers la pièce.

Je recule précipitamment devant cet accès de colère. Ce n'est pas lui ça, il n'est que calme et douceur habituellement. Je ne comprends pas ce changement.

Ce matin il ne sort pas de son lit et reste couché sur le côté, les jambes recroquevillées contre sa poitrine. Il semble plus fragile que jamais, les yeux cernés, grands ouverts sur une réalité qui semble le tuer à petit feu. Je ne sais quoi faire, je fais les cent pas dans sa chambre, criant de colère, de désespoir de ne pouvoir l'aider.

Les jours passent et son état s’aggrave, il prend des médicaments et ne sort plus de la maison, il dort de longues heures sous l'effet des tranquillisants.

Mon cœur est mort depuis longtemps mais ça ne l'empêche pas de saigner pour Timaël... Pourquoi cet homme si magnifique, si particulier se laisse-t-il aller dans la dépression, sans que personne ne s'en aperçoive ou ne vienne lui tendre la main ?

Les jours défilent et je sens que quelque chose ne va pas, je le vois sombrer de plus en plus dans la dépression. Il se ferme au monde et ne dort plus.

Ses yeux si beaux et habituellement lumineux semblent complètement vides et éteints.

Il rentre de plus en plus tôt et reste des heures prostré dans son canapé, son téléphone reste silencieux et les visites se font de plus en plus rares.

Je me fais du souci, je le vois s'éteindre petit à petit et ne peux rien y faire.

C'est une torture de le voir si seul face à ses tourments, sans que je ne puisse l'aider.

Je croyais pourtant très fort au paradis, est-ce la colère ou la violente envie de vengeance qui me rongeaient à cette époque qui m'ont fermé les portes du ciel ?

Est-ce ma mort tragique qui fait que j'erre comme une âme en peine depuis des siècles ?

Je ne sais pas pourquoi je suis là... Bloquée dans cette vieille maison construite par mes parents.

Je sais que je suis morte...

Je me rappelle... Ce soir de tempête où j'avais ouvert ma porte à un inconnu pour lui donner un abri alors que mon mari était absent pour vendre nos récoltes en ville.

Le temps d'un instant, je me place devant lui face au miroir pour avoir l'impression que c'est moi qu'il regarde. Juste quelques secondes... Pour avoir le sentiment d'exister à ses yeux...

Je ne sais plus à quoi je ressemble, n'ayant aucun reflet. Je me rappelle seulement mes longs cheveux blonds et mes grands yeux bleus, mon visage aux traits fins.

Je regarde ce sublime visage avec ses pommettes hautes, ce nez droit et cette bouche... Cette bouche charnue qui m'obsède jour après jour. Ses épaules larges et musclées qui donnent envie de s'y blottir au chaud. Ses cheveux noirs un peu trop longs et décoiffés la plupart du temps.

Il pleut, les gouttes de pluie martèlent les vitres pour venir mourir sur le rebord de la fenêtre, un peu comme mes larmes coulent le long de mes joues pour venir mourir aux coins de mes lèvres.