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Mercredi 1er janvier 1997
L’année a débuté cette nuit, réveillon chez mon ami François Sureau. Il a trente-neuf ans, comme moi. Sa femme Ayyam va accoucher dans une semaine d’une fille qui devrait se rénommer Maryam. On dîne par petites tables. Je parle avec François du livre que je suis en train de lire, Hauts fonctionnaires sous l’Occupation de Claude Gruson et François Bloch-Lainé : deux inspecteurs des Finances octogénaires qui dialoguent sur leur attitude pendant la guerre.
Ils le font avec une transparence – cette absence de prudence que les grands commis n’acquièrent qu’avec l’âge de la retraite – qui honore les hommes qu’ils auront été : la génération des prosélytes du service public, les reconstructeurs aux lèvres serrées. Ce qu’ils racontent, avec honnêteté, n’est pas si brillant ; en 1940-1941, le mouvement de conquête qui pousse les grands fauves de la fonction publique, tenus sous le boisseau par la IIIe, vers la prise des postes et l’avènement de leur propre gloire. La clef de tout ça, c’est le contrôle parlementaire : avant 1940, une génération démiurgique et candide de technocrates piaffants devait rendre compte au Parlement, voir chaque jour ses élans réformateurs bridés par les lenteurs comme opiacées de la IIIe République. Soudain, le contrôle est levé : ces boy-scouts émancipés prennent les manettes et jouent avec les boutons. Vichy donne à la caste naissante des fonctionnaires-techniciens une maquette en grandeur réelle, avec, suspendues à la francisque, les clefs du royaume. Ils ne s’abstiennent pas de les décrocher. Diverses forfaitures s’ensuivront.
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