Extrait

Le noir, la chaleur, le vide qui m’aspire. Une odeur douce, un parfum de peau sucrée, que j’associe au plaisir et à l’abandon. Le contact ferme d’une chair compacte sous ma joue puis le néant, une seconde ou une éternité.

Bref, je suis tombée dans les pommes mais je mets un moment à le réaliser, et un autre à me situer. J’émerge lentement, par vagues successives, de ma perte de conscience. Allongée en terrain inconnu mais moelleux, les jambes surélevées, j’entends gronder une voix masculine. Le bruit des pas, rapides et lourds, claque sur le plancher.

– Dans les vapes, ouais. Elle a à peine posé le pied dans le quartier qu’elle s’évanouit comme une fillette. Je vous avais dit qu’elle n’avait pas les épaules. Comment voulez-vous que je bosse avec ça ?

J’entends la réponse mais ne la comprends pas. Ma concentration est entièrement mobilisée pour tenter de trouver à qui appartient cette voix grave, ce ton acerbe. Peine perdue, mon esprit s’éclipse à nouveau, après un sursaut d’indignation.

Ça ? C’est moi le ça  ?

Quand je refais surface, j’ai les idées plus claires mais la situation reste inchangée. Je suis toujours étendue sur un canapé et ça râle au téléphone. Cette fois, je suis en mesure de reconnecter mes neurones et d’identifier l’auteur des tirades acides, Sachs, mon coéquipier. La mission d’infiltration, le MMS avec la maison en flammes et les menaces… tout me revient par flashs désordonnés. Je crois aussi me souvenir être tombée dans des bras tatoués. L’image de mon baron s’impose à mon esprit.