Vous utilisez un bloqueur de publicité

Cher Lecteur,

Nous avons détecté que vous utilisez un bloqueur de publicités (AdBlock) pendant votre navigation sur notre site. Bien que nous comprenions les raisons qui peuvent vous pousser à utiliser ces outils, nous tenons à préciser que notre plateforme se finance principalement grâce à des publicités.

Ces publicités, soigneusement sélectionnées, sont principalement axées sur la littérature et l'art. Elles ne sont pas intrusives et peuvent même vous offrir des opportunités intéressantes dans ces domaines. En bloquant ces publicités, vous limitez nos ressources et risquez de manquer des offres pertinentes.

Afin de pouvoir continuer à naviguer et profiter de nos contenus, nous vous demandons de bien vouloir désactiver votre bloqueur de publicités pour notre site. Cela nous permettra de continuer à vous fournir un contenu de qualité et vous de rester connecté aux dernières nouvelles et tendances de la littérature et de l'art.

Pour continuer à accéder à notre contenu, veuillez désactiver votre bloqueur de publicités et cliquer sur le bouton ci-dessous pour recharger la page.

Recharger la page

Nous vous remercions pour votre compréhension et votre soutien.

Cordialement,

L'équipe BookNode

P.S : Si vous souhaitez profiter d'une navigation sans publicité, nous vous proposons notre option Premium. Avec cette offre, vous pourrez parcourir notre contenu de manière illimitée, sans aucune publicité. Pour découvrir plus sur notre offre Premium et prendre un abonnement, cliquez ici.

Livres
723 162
Membres
1 048 027

Nouveau ? Inscrivez-vous, c'est gratuit !


Inscription classique

En cliquant sur "Je m'inscris"
j'accepte les CGU de booknode

Ajouter un extrait


Liste des extraits

« Maman ! Maman ! J'y arrive, regarde, j'arrive à tenir sur la tête ! »

La voix fluette de Wolf me ramena sur la terre ferme, me tirant d'un gouffre de tristesse et faisant taire la douleur de mon utérus déserté. Il était devant moi, son petit visage écarlate, tête en bas dans le sable, le ventre à l'air, violacé par le froid, ses petits pieds nus dressés vers les nuages d'un gris de plomb. Il tomba, rit, se releva d'un bond et me lança un regard crâneur.

« Tu as vu ça, M'man ? Merel, t'as vu ? J'y arrive moi aussi ! »

Merel ignora son frère cadet et poursuivit son chemin, en quête de coquillages pour son collier. Elle avançait dans l'eau peu profonde d'un pas hésitant, orteils rétractés, pantalon retroussé, les poils de ses fines jambes hérissés par le froid.

« M'man, Merel ne regarde pas ! »

J'étais assise sur ma veste en jean. Les bras autour des genoux, je me berçais le plus discrètement possible, afin de rendre supportables les élancements de douleur dans mon ventre. Je contemplais mes enfants, leur façon de courir, de jeter du sable, puis de s'immobiliser soudain devant une méduse morte ou un joli coquillage.

Ce matin-là, j'avais quitté la maison à sept heures. Ma décision était prise. J'étais enceinte de Geert, mais il était hors de question que j'élève seule un enfant de plus. J'avais la nausée tellement j'avais faim, mais j'étais incapable d'avaler quoi que ce soit. Je pensais à mes enfants, eux qui avaient eu leur chance. Leurs cheveux en bataille, les yeux de Wolf, encore gonflés de sommeil, Merel, qui venait se blottir contre moi dans le lit.

Geert serait furieux. Loin d'être un père exemplaire, il aimait son fils et ma fille, et cet enfant, il l'aurait aimé aussi, inconditionnellement, même s'il était incapable de s'en occuper. Mais ce n'était pas possible. Ce n'était pas possible et il était temps que je devienne raisonnable. Je ne voulais pas d'une discussion interminable qui dégénérerait immanquablement en injures obscènes, en reproches de part et d'autre et d'un Geert qui finirait par s'effondrer, et qu'il me faudrait consoler.

Le bébé devait disparaître. Il était là par ma faute, c'était donc à moi de supporter la douleur de la séparation. Je ne pouvais en faire porter le poids à Geert. Ma décision était la bonne.

Je pensai à cette mère colombienne que j'avais vue dans l'émission « Perdu de vue ». Son désarroi devant la photo de sa fille, qu'elle avait abandonnée parce qu'elle n'avait pas le choix, tout simplement. Le regret d'avoir donné la cadette. Son espoir d'une vie meilleure pour cette enfant, ses prières quotidiennes pour qu'un jour elle cherche à la retrouver. Être contrainte de se séparer de son enfant, même sans le connaître, c'était pour une mère la pire des choses qui puisse arriver.

Après l'intervention, j'étais rentrée à la maison pour me doucher et me mettre au lit. « Prenez une aspirine et mettez-vous bien au chaud sous la couette », m'avait dit le gynécologue. Mais la maison vide m'oppressait. Le panneau sur lequel figuraient les photos de Merel et de Wolf tout petits. Les jouets éparpillés. Les petites fesses de bébés à la télévision. De muets reproches. Cette mère venait de tuer son enfant. Et maintenant elle était au lit. Je me sentais écrasée par la culpabilité. Il fallait que je sorte. Et comme chaque fois que j'étais sur le point de craquer, je pris la voiture pour aller à la mer. À l'endroit où j'étais née, en bordure des dunes. « Le vent marin chasse les soucis », disait mon père.

1

Au claquement du volet de la boîte aux lettres, au bruit sourd du courrier tombant sur le paillasson, je compris qu'il était plus de onze heures. Je venais de passer au moins deux heures à regarder tomber la pluie. Les mégots débordaient du cendrier et mon café était froid.

Je m'arrachai de mon lit avec peine et me dirigeai lentement vers la porte pour ramasser le tas d'enveloppes humides. Deux avis d'imposition, un relevé bancaire, une convocation chez le dentiste pour le contrôle bisannuel et une carte postale. Une photo en noir et blanc, d'adorables petits pieds de bébé. Des petits pieds tout roses qui sentaient l'agneau et les savonnettes Zwitsal, des petits pieds que j'aurais voulu caresser et couvrir de baisers, des petits pieds dont je devais faire mon deuil. Quel cynique hasard ! Mon ventre était encore irradié de douleur.

Vous ne sentirez rien, m'avait dit le médecin. Peut-être une vague sensation rappelant les règles, rien de plus. Elle se trompait. Ça faisait cinq jours maintenant, et je me tordais encore de douleur.

Je ramassai la carte d'une main tremblante et caressai les orteils rétractés, le petit talon délicat. Je ravalai mes larmes et retournai la carte.

Maria !

Tu n'es qu'une vipère. Une salope qui a assassiné son enfant. Tu ne mérites pas tes enfants. Tu ne mérites pas de vivre. Ça fait des années que je te suis. Quelqu'un devra te punir, salope !

Je t'ai à l'œil.

Je relus ces mots, trois, quatre fois, avant d'en saisir le sens. Puis je jetai la carte loin de moi. Quel est l'imbécile qui écrit des choses pareilles ? me demandai-je tout en sachant pertinemment de qui il s'agissait. Il n'existait qu'une seule personne qui m'en veuille au point de me traiter de vipère et de salope, la seule à savoir que je m'étais fait avorter : Geert. J'avais supprimé son enfant. J'ouvris la porte, m'attendant à le trouver en face de moi, un méchant sourire aux lèvres, mais il n'y avait personne, à part un chat qui miaulait.

Quel idiot ! Il avait complètement perdu la tête.

Tremblante de colère, je versai l'eau dans la cafetière électrique et mis le café dans le filtre en renversant un peu de poudre sur l'évier. J'allumai une cigarette, les yeux fixés sur le misérable filet d'eau brunâtre qui coulait goutte à goutte dans le récipient. Il ne manquait plus que ça ! Après toutes les épreuves que j'avais traversées, le combat que j'avais mené pour me détacher de lui, voilà qu'il allait me harceler. Par la vitre, j'observais les fenêtres de mes voisins de derrière. Je ne les connaissais pas, leurs rideaux étaient toujours fermés. Ça ne pouvait qu'être lui !

Il s'agissait d'une vraie menace. Je devrais peut-être prévenir la police. Ne m'avait-il pas traitée de putain, à peine quatre jours plus tôt ? Il était parti en hurlant car je venais de lui avouer que je m'étais fait avorter. Il était tellement furieux qu'il était capable d'un tel acte. Était-ce sa vengeance ? Je ne pouvais le croire. Si tant est qu'il puisse faire du mal à quelqu'un, c'était à lui-même qu'il s'en prendrait.

Mais qui d'autre était au courant ? Qui d'autre avait des raisons de me haïr à ce point ?

Je me souvenais de notre dispute le jour où, en rentrant avec les enfants, je l'avais trouvé assis sur le trottoir. Je me sentais trop mal pour discuter, trop faible pour imaginer un mensonge susceptible de justifier l'état dans lequel je me trouvais. J'avais l'intention de me taire, mais finalement, je le lui avais annoncé de but en blanc.

Il était devenu livide. D'abord, il avait cru que c'était l'enfant d'un autre que j'avais fait disparaître. Quand j'eus réussi à le convaincre qu'il n'y avait personne d'autre et que c'était de son enfant qu'il s'agissait, sa colère avait explosé. « Pourquoi ? s'était-il écrié. Qu'est-ce que ça change qu'on en ait deux ou trois ?

— Pour toi, ça ne change rien ! avais-je hurlé à mon tour. Pour moi, ça change tout ! J'aspire à autre chose dans la vie. Tu m'entraînes dans ta dépression et je n'en peux plus. Un enfant de plus ne ferait qu'aggraver les choses. Tu ne comprends donc pas ? »

Mon café était prêt. Je le versai dans une grande tasse sur laquelle était imprimé : « Pour mon petit footballeur préféré. » J'en bus une gorgée. Je ne savais pas quoi faire. Appeler la police ? Non. Ce serait exagéré. Il fallait d'abord que je parle avec Geert. Aujourd'hui même. Il avait beau être furieux et se sentir humilié, il avait dépassé les bornes. J'étais certaine qu'il le regretterait, qu'il avait écrit ces mots dans un accès d'ivresse et d'amertume, la nuit dernière, au cours d'une insomnie.

Afficher en entier