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Extrait ajouté par ilovelire 2016-10-06T19:26:45+02:00

Est-ce que j’ai aimé maman ? Je ne cesse de me poser la question.

Quand je me faisais une joie à l’idée de la voir, c’était parce que j’avais prévu quelque chose à son unique intention, quelque chose qu’elle saurait apprécier, qui lui ferait plaisir. J’ai vécu dans cet espoir éternel de la satisfaire, de faire en sorte qu’elle passe une bonne journée, de lui donner un souvenir qu’elle aurait plaisir à se remémorer par la suite. C’est surtout quand elle est devenue plus âgée que ce schéma s’est mis en place.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-10-06T19:26:36+02:00

J’ai posé sur la table le verre à liqueur devant elle et la bière pour moi, et j’ai allumé ma cigarette. Ses cheveux étaient foncés et humides à la racine, il faisait chaud, au moins vingt-quatre degrés à l’ombre, ses mèches bouclaient au-dessus de la sueur de son front – la coiffure classique caniche. Elle se faisait une permanente toutes les six semaines et se peignait seulement une fois par jour, après la douche.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-10-06T19:26:26+02:00

J’ai posé sur la table le verre à liqueur devant elle et la bière pour moi, et j’ai allumé ma cigarette. Ses cheveux étaient foncés et humides à la racine, il faisait chaud, au moins vingt-quatre degrés à l’ombre, ses mèches bouclaient au-dessus de la sueur de son front – la coiffure classique caniche. Elle se faisait une permanente toutes les six semaines et se peignait seulement une fois par jour, après la douche.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-10-06T19:26:19+02:00

J’ai versé un peu de cognac dans la liqueur ; elle ne le remarquerait pas même si elle ne tenait pas bien l’alcool, puisqu’elle n’en buvait presque jamais. Mais peut-être que le cognac chasserait chez elle cette mélancolie et la ferait changer de sujet de conversation, ramenant ainsi le sourire sur son visage. Je voulais la voir souriante, tout ce que je faisais, c’était pour la rendre heureuse ; certes, elle était heureuse tant qu’on s’amusait tous ensemble, mais après, dès que c’était terminé, que ça devenait du passé, la mélancolie revenait à la charge.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-10-06T19:26:07+02:00

J’ai rempli la machine, glissé la pastille lave-vaisselle dans l’emplacement réservé à cet effet, et ai lancé le programme. Le bruit des trombes d’eau pure qui ont aussitôt envahi l’ingénieux système de lavage m’a un peu calmée. J’aurais bien aimé rester tranquille avec une bière fraîche : les dernières heures avaient été pleines de voix se coupant la parole, de rires, de souvenirs partagés, de vieilles anecdotes, et cela aurait été bien de prendre le temps de digérer tout ça ; des scènes de mon enfance plus étonnantes les unes que les autres me revenaient en mémoire quand j’étais avec ces femmes. Elles m’avaient vue petite fille, une fille que je n’étais plus, et j’écoutais avidement chaque anecdote où cette petite fille faisait partie de l’action. Cela aurait été bien d’avoir ne fût-ce que quelques minutes pour pouvoir réfléchir à tout ça.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-10-06T19:26:00+02:00

J’étais donc de bonne humeur en empilant les assiettes et les verres de liqueur, et le message arriva comme un coup de tonnerre dans le ciel. Encore que les coups de tonnerre venant de maman, j’en avais connu, dans ma vie, c’est le moins qu’on puisse dire. Ils survenaient souvent quand on avait passé quelques heures avec d’autres personnes, ayant d’autres vies que nous, et que des pensées sombres avaient bouillonné à petit feu tout au fond de sa tête tandis que la conversation battait son plein.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-10-06T19:25:52+02:00

— Oui, je t’épargne la corvée de m’aimer, Anne, c’est au moins ça.

— Eh bien dis donc, tu n’y vas pas de main morte. Pourquoi tu me dis ça maintenant ?

Elle portait un chemisier couleur coquille d’œuf la serrant légèrement au niveau de sa forte poitrine, un chemisier que je lui avais repassé un peu plus tôt dans la journée pour la remercier d’être allée faire les courses pour moi dès l’ouverture du magasin, à neuf heures.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-10-06T19:25:48+02:00

Après que maman se fut installée à Oslo, j’avais pris l’habitude d’inviter ses anciennes amies chez moi quand elle venait pendant l’été me rendre visite à Trondheim, même si elle protestait toujours en disant que ce serait beaucoup trop de travail pour moi. Une fois n’est pas coutume, elle sous-estimait mon niveau d’activité quotidien, à moins qu’elle ne fasse la coquette, trouvant que je n’avais pas à me donner autant de peine pour distraire ses vieilles amies.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-10-06T19:25:38+02:00

— Cela a dû être épouvantable pour toi de m’avoir comme mère, Anne. Quand tu étais petite.

— Ah bon ?

— Oui, ma pauvre.

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Extrait ajouté par Edith972 2016-06-23T00:37:18+02:00

Nous portâmes un toast et bûmes, laissâmes le verre plein de maman suivre ses cendres, et les nôtres, vides, tomber dans les profondeurs de la mer. Enfin, nous jetâmes les roses à la surface de l'eau. Même les enfants, qui entre-temps s'étaient mis à courir sur le pont en poussant des cris, s'étaient tus ; ils jetèrent eux-mêmes les fleurs et les suivirent des yeux. On n'entendait que le vent dans les voiles et les vagues qui clapotaient contre la vieille coque de bois.

Maintenant maman pouvait enfin respirer, entourée de roses jaunes et de liqueur à l’œuf.

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