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- Danglard, vous croyez toujours que je ne fous rien sous prétexte que je ne fous rien. La réalité n'est jamais si simple et vous le savez mieux que quiconque.
Afficher en entierAussi, si les gens ne faisaient pas toute une histoire avec Noël, il y aurait moins de tragédies. Ils sont déçus, les gens, forcément. Et ça fait des drames.
Seul dans son bureau, le commissaire Adamsberg griffonnait, un carnet callé sur les cuisses, les pieds posés sur sa table. Il avait pris la garde de nuit avec Deniaut, qui somnolait ç l'accueil. C'était le 24 décembre, c'était spécial, tous les autres gars étaient dehors. Ils allaient fêter l'entrée en scène de l'hiver. Une minorité d'entre eux n'aurait raté ça pour rien au monde et une majorité n'avait trouvé aucun moyen d'y échapper.
Pour Jean-Baptiste Adamsberg, c'était différent: il redoutait Noël et s'y préparait. Noël et sa cohorte d'accidents, Noël et sa légion de drames. Noël, la nuit des brutes.
Afficher en entierAdamsberg traînait sur les quais de Seine. Comme beaucoup de provinciaux, il aimait cette ballade alors que les Parisiens trouvaient que ça sentait surtout la pisse. La grosse chaleur de la journée avait tiédi les pierres du parapet sur lequel il s'était assis. Le commissaire, patient, attendait l'orage. Celui-ci commença par un bon coup de vent et par de petites gouttes d'eau hésitantes qu'il lui firent craindre qu'il n'avorte. Mais, finalement, il y eut tout. Les explosions, les éclairs redoublés, le déluge de flotte. Assis, les mains posées sur le parapet, Adamsberg n'en perdait pas une miette. Les gens avaient fui en courant. Il était seul dans le nord, au bord de la Seine. De l'eau coulait déjà en torrents sous ses pieds. Ce vacarme venait à merveille après ces journées où il n'avait fait que boucler des dossiers, attendre le facteur et regarder Vasco de Gama cracher des noyaux. Son pantalon lui collait pesamment aux cuisses. Il avait l'impression de ne plus pouvoir bouger, d'être englouti sous la masse d'eau mais d'être en même temps le centre et l'ordonnateur de l'orage. Cette puissance immense acquise gratuitement sans effort ni mérite le ravissait.
Afficher en entierMonsieur le Commissaire,
Vous avez peut-être une belle gueule mais, dans le fond, vous êtes un vrai con. En ce qui me concerne, j'ai tué en toute impunité.
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Forcément les gens s'exaspèrent. La tension de ce long compte à rebours au terme duquel doit jaillir l'insouciance, ça leur met les nerfs en bouillie, aux gens. Depuis cinq semaines, le vieux type à barbe blanche et robe rouge a envahi les murs, jovial et prometteur. Il est increvable, ce type. Il a pourtant la tête d'un gars qui a forcé toute sa vie sur le pinard. Mais rien à faire, inusable. Il n'a jamais l'air de sentir le froid, non plus. Jamais un rhume. C'est un héros béat et ses bottes sont rondes et propres.
Dès l'apparition du vieux type, la tension monte cran par cran. Le pays tout entier, soumis, se crispe et se prépare à son inévitable joie.
Noël tombe un jour comme les autres. Mais de partout, des êtres soucieux et muets se dirigent dans leurs habits neufs vers les pôles de la liesse. Chacun a pensé aux autres. Chacun part chargé d'offrandes. Noël, la nuit du don, de la grande trêve.
A Noël, tout le monde s'engueule, la majorité sanglote, une partie divorce, quelques-uns se suicident.
Et une toute petite partie, suffisante pour mettre les flics sur les dents, tue. C'est un jour comme les autres en beaucoup moins bien.
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