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Sultan Hafiz Mahmood suivait d’un regard distrait le pétrolier de 120 000 tonnes Naftomar en train de foncer de toute la vitesse de ses vieilles machines dans sa direction, afin de s’échouer le plus loin possible sur la plage de Gaddani. Le sable fin était déjà semé de dizaines de carcasses de navires de tous les pays, démantelés sur place. À une trentaine de kilomètres à l’ouest de Karachi, Gaddani était un des plus importants chantiers de démolition navale du monde. Sur ses quatorze kilomètres de sable, les restes des navires déjà décortiqués s’alignaient comme de tristes méduses d’acier échouées là pour l’éternité.
— Look! lança à Sultan Hafiz Mahmood le responsable d’une des équipes de démolition, montrant du doigt le Naftomar.
Le vieux pétrolier avait presque atteint la plage, et son étrave s’enfonça dans le sable perpendiculairement au rivage. Pendant quelques instants encore, il continua sa course, creusant le sable meuble, puis s’arrêta enfin, ses machines calant dans un dernier hurlement de bielles. Dès qu’il se fut immobilisé, la centaine d’ouvriers baloutches vêtus de tenues locales marron, munis d’échelles de corde, de postes de soudure, de tout un matériel hétéroclite et archaïque, se lança à l’assaut du pétrolier. Avec leurs moyens limités, ils étaient capables de transformer en un mois un navire de trente mètres de haut en un sabot noirâtre à peine plus haut qu’une barque de pêche! Dans un premier temps, tous les éléments amovibles étaient déposés, classés puis entassés dans des entrepôts voisins construits en bordure de la plage, s’étendant sur des kilomètres. Une noria de camions les emportait ensuite à Karachi, à trois heures de route, où tout était recyclé. Gaddani, avec Cox Bazaar, au Bangladesh, était le plus grand chantier de récupération du monde.
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