Extraits

Elle lui décocha un regard noir, et il nota que des mains tremblaient légèrement au dessus des fagots improvisés.

- J’etais soucieuse, je l’avoue. Mais je me demande bien pourquoi.

Il passa ses mains noircies dans sa tignasse coiffée à la mode Pierrafeu, puis frotta son visage, ôtant au passage une grosse couche de cendres. Un moment encore, il resta sans réaction. Le choc, sans doute.

Suspendu à ses lèvres, elle n’entendit pas la fin de sa réponse au milieu du chaos. Brutalement, l’appareil perdit plusieurs mètres d’altitude en plongeant à pic. Déborah se retint de hurler en s’agripant à Daniel.

Elle agitait le rouleau molletonné sous le nez de Daniel, puis se figea. Il affichait maintenant un air particulièrement idiot, louchant sur son décolleté.

– En vrai, vous êtes canon ! lâcha-t-il, enfin.

Il en rajouta une couche en sifflant comme un malpropre.

– Vous… me reluquez ? Encore ?

Elle faillit s’étrangler.

– Je vous admire. Ce n’est pas du tout pareil.

– Pervers !

– Je préfère employer le mot « esthète ».

– Vicieux ! Obsédé ! Espèce de… de…

À la recherche de l’expression parfaite, elle tourna un instant à vide. Et n’eut de toute manière guère le loisir d’achever sa phrase. D’un coup, sans aucune raison apparente, Daniel poussa un cri rauque et s’administra une paire de gifle. Franchement, elle n’aurait pas fait mieux. C’était juste un peu… bizarre. À moins qu’elle ne contrôle ses gestes grâce à la seule force de son esprit ? Elle éclata de rire, charmée par l’idée. Jusqu’à ce qu’il recommence, s’infligeant une série de claques toutes plus virulentes les unes que les autres. Tour à tour, il abattit une main sur son front, sa joue, son menton… à croire qu’il se passait à tabac, tout en dansant d’un pied sur l’autre.

– Daniel ?

Peut-être était-il possédé par une ex-petite amie vengeresse ? À nouveau, il lâcha un cri déchirant.

– Quelle horreur ! Y en a partout !

– Quelle mouche vous a piqué ?

Attaqué par un ennemi invisible, il tournait sur lui-même comme une toupie, agitant les bras au-dessus de la tête. C’était très original – un peu comme un zombie en pleine crise d’épilepsie. Elle en aurait bien ri si elle n’avait senti au même moment une petite piqûre sournoise, lancinante et douloureuse… dans sa fesse droite. Elle laissa à son tour échapper un cri de surprise. Et ce n’était que le début des hostilités. Une seconde plus tard, elle succombait à un assaut en règle.

"...

Cette femme était un vrai bourreau de travail - enfin, si l'on pouvait considérer Déborah comme une femme, et rien n'était moins sûr. Une machine de guerre, oui. Un cyborg à la rigueur. Mais une femme... non, non.

..."

"...

Ne manquait qu'une petite musique sexy, un zoom et un ralenti. Une longue jambe émergea de la voiture sous l'étoffe d'un pantalon Armani. Puis un mètre quatre-vingt-cinq de muscles, de peau halée, d'élégance et de charisme sorti de l'habitacle.

..."

Reprenant leur marche le premier, il la dépassa alors sans lui accorder un regard, avant de trébucher en se prenant les pieds dans une racine. Peut-être existait-il une sorte de justice divine – à moins que Dieu ne soit une femme ? Emporté par son élan, il bascula tête la première dans un grand fossé invisible depuis la piste. Incrédule, Déborah le vit disparaître de son champ de vision. Puis elle entendit un grand bruit – une sorte de « plouf » très impressionnant.