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Parfois, je regrette qu'elles soient là, ces photos ; alors je regarde celles de ma soeur Charley. Il y en a beaucoup. La Charley que je n'ai jamais connue, un an, grassouillette, avec un duvet roux sur la tête. Celle de trois ans qui regarde la caméra avec es yeux semblables aux miens. J'y suis aussi, sur cette photo-là, et je n'ai pas encore mes yeux de grand. Elle sourit mais je vois qu'elle serre très fort mon bras de bébé dodu dans son petit poing et j'imagine que ça a dû me faire mal. A mon avis, ça ne lui a pas tellement plu que je naisse. Sur cette photo, ses yeux sont verts. Et ils brillent. "C'est moi qu'il faut regarder", crient ces yeux là. "Regardez-moi, et pas ce petit tas de rien du tout par terre, là."
Afficher en entierMon esprit s'arrête ; j'ai la sensation de m'élever au-dessus du corps inerte et sans vie qui repose sur les draps, saturé d'apaisement et de fatigue. Je ne sais comment, je suis à la fois éveillé et endormi, et je regarde mes parents me veiller ensemble. Papa et maman. J'essaie de leur expliquer ce qui s'est passé, mais j'ignore s'ils peuvent m'entendre.
Ne vous en faite pas, dis-je tout bas, elle ne pourra jamais mourir vraiment parce q'elle est en nous, et moi, je sais où elle est, je sais à quelles ténèbres elle fait face, mais elle n'est pas seule, parce que nous aussi on est en elle.
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CHARLEY.BRACKINTON. AVANT.
La nuit où c'est arrivé
Je suis dans l'eau, les vagues sont hautes, grises et froides, la houle m'entoure.
Qu'est-ce que je fais là?
Une vague me soulève à sa hauteur et je contemple l'immensité grise du monde qui orécède le matin, juste avant que le soleil, en se levant, sépare le ciel de la mer.
Là-bas, au loin, sur le flottement gris, surgit un éclair lumineux. C'est la lumière de ma chambre! Elle illumine les contours de la maison, un bloc blanc, indistinct, perché sur la falaise, luttant fièrement contre la grisaille. Ouf! Je suis là, Hal!Ici!
- Hal!
La lumière s'éteint.
- Hal, je suis là!
Mais la lumière ne revient pas.
La vague m'entraîne vers la bas, toujours plus bas, et quelque part au-dessus de moi une ombre opaque se dresse sur les flots.
Je me détourne de ce souvenir mais la sensation a le temp de m'étreindre tout entière.
- au secours.
Afficher en entier" Je balaie du regard l'étendue de sable déserte : si je me concentre assez fort, si j'y vois assez clair, si je trouve le bon interrupteur, je pourrai peut-être la ramener à la vie, la réveiller je ne sais comment.
Et là une pensée m'effleure à peine, m'échappe de peu. La plage est déserte mais, curieusement, le tableau ne colle pas : comme quand on ne sait plus où on a posé ce qu'on tenait en main une seconde plus tôt - parfois, on ne sait même plus ce que c'était.
Je n'entends pas maman entrer et s'approcher de moi. Elle pose la main sur mon épaule et je fais un bond.
- Hé là ! Ce n'est que moi, dit-elle.
- Je...je...
Je bredouille, je n'arrive pas à m'exprimer parce que pendant une seconde d'absurdité totale j'ai cru,, j'ai vraiment cru que c'était Charley, et tout à coup ça sort pêle-mêle malgré moi, sans que je puisse rien faire pour protéger maman.
- J'ai rêvé d'elle, m'man, et quand je me suis réveillée, elle n'était toujours pas là.
Elle encaisse mes paroles. Les mots, c'est comme des balles de revolver, parfois. Pan ! Pan ! Pan ! "
Afficher en entierLe placard dans lequel je suis enfermée heurte violemment le sol ; j'en suis ébranlée de la tête au pieds , et par un rai de lumière , là où les portes sont à peine entrebâillées , il me semble entendre des voix . Un grand nombres de voix .
-Au secours !
Afficher en entierLa maison où on passe nos vacances est entièrement blanche. On voit bien que c'est une villa de bord de mer qui date des années trente parce qu'elle a tout à fait l'air d'un bateau échoué. Elle est très près de la plage, mais en haut de la dune, si bien qu'en regardant en bas on a l'impression d'avoir le monde à ses pieds. On y vient chaque été. Une éternité, il me semble.
Afficher en entierOn dirait un ange qui fait sécher ses ailes, dit papa.
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