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La jeune femme le regarda avec circonspection, interdite par sa réaction démesurée. Jamais dans ses pires moments, et il en avait eu sa part ces derniers mois, il ne s'était montré à ce point vulgaire. L'homme charmant et bien élevé qui avait jadis ravis son cœur s'était métamorphosé en une créature démoniaque crachant des mots orduriers dignes d'une scène de l'exorciste. Inquiète, elle préféra ne rien répondre. Il cherchait un moyen d'expugner sa hargne et elle faisait une cible facile dans le huis-clos de leur chambre.
Afficher en entierVivre avec Olivier au quotidien revenait à marcher sur une corde raide au-dessus d'un gouffre vertigineux sans aucun filet ni filin de protection. Épuisant, parfois terrifiant, l'exercice périlleux pompait son énergie vitale et minait sa force morale. Sur le long terme, sa capacité d'attention et sa réactivité s'émoussèrent, remplacées par une passivité et une résignation contraires à sa vraie nature. Ses pensées embrouillées se télescopaient dans une telle confusion qu'elle ne parvenait plus à raisonner clairement, engluée dans une dynamique relationnelle malsaine. De sorte qu'elle n'était pas en mesure de prendre conscience du processus de défense déloyal dont usait son mari, passé maître dans l'art de la manipulation psychologique.
Afficher en entierAlice l'écoutait d'une oreille distraite depuis la cuisine, attentive à ne pas faire brûler le repas qu'elle concoctait d'une main tremblante, le ventre noué par la crainte de dire ou de faire quelque chose qui lui déplairait. Un mot de travers ou un geste maladroit lui vaudrait systématiquement une remarque ironique ou un reproche désagréable teinté de méchanceté. De plus en plus souvent, il l'accusait d'avoir déplacé un objet qui avait disparu ou de l'avoir cassé, ce dont elle ne se souvenait jamais. La faute en revenait systématiquement au traitement médicamenteux qui l'abrutissait, du moins s'en persuada-t-elle. Toutefois, ses amnésies répétées empoisonnaient le quotidien et la faisaient douter à chaque instant de ses propres perceptions et de ses souvenirs, la plongeant dans un perpétuel désarroi. L'impression de marcher sur un fil tendu au-dessus du vide en permanence la vidait peu à peu de son énergie.
Afficher en entierLe regard orageux de son mari laissait présager une scène qu'elle n'était pas en mesure d'affronter, et encore moins de supporter en l'état actuel des choses. Semblable à une tempête tropicale, la fureur d'Olivier enfla subitement et emplit tout l'espace, assombrissant son beau visage plissé de colère. Ses yeux réduits à deux fentes insondables exprimaient tant de haine qu'elle en frémit d'effroi. Le voile d'amour qui occultait sa raison se déchira brutalement et la nature explosive de son compagnon lui apparut à cet instant avec une clarté effrayante. Ainsi qu'à l'approche d'un ouragan, l'air devint électrique, l'atmosphère s'épaissit, oppressant la jeune femme au point de manquer d'air.
Afficher en entierEngluée dans le mécanisme des punitions et récompenses qui semaient la confusion dans son esprit, Alice accueillait passivement les décisions de son mari.
Afficher en entierSi son esprit perturbé et fragilisé par son deuil récent refusa d'admettre ou de voir les évidences qui n'auraient pas manqué de sauter aux yeux de ses proches, son corps les exprima à sa manière. Sa silhouette élancée devint anguleuse, ses rondeurs fondirent comme neige au soleil, ses traits se creusèrent, et des ombres violettes cernaient perpétuellement ses yeux naguère brillants de vivacité.
Afficher en entier- Décidemment, tu n'as pas envie de comprendre ! Ou bien tu as décidé de jouer la gourde de service ! Alors je vais aller droit au but ! Choisis, Jade ou moi, mais certainement pas les deux !
- Il est hors de question que je choisisse entre vous deux ! Jade est mon amie et tu es mon mari !
- Je ne te laisse pas le choix, c'est elle ou moi, et tu te décides maintenant !
- Sinon quoi ?
- Sinon je pars dans la seconde et tu ne me verras plus jamais. Je t'en donne ma parole !
Sous le choc, Alice respira par à-coups à plusieurs reprises, cherchant son souffle comme un poisson hors de l'eau. Olivier s'était mis debout et la dominait de sa haute taille avec une détermination qui lui fit froid dans le dos.
Afficher en entierConfuse, Alice le fixa sans rien dire, de plus en plus déstabilisée par ses sautes d'humeur. En quelques minutes, l'amant tendre et passionné avait cédé le pas à un ouragan furieux, puis à un enfant penaud qui cherchait le pardon dans un acte de contrition. Elle eut beau essayer de reprendre le cheminement de ses pensées pour expliquer ces virevoltes émotionnelles en un laps de temps aussi court, elle ne parvint pas à cerner le personnage alors qu'elle pensait le connaître par cœur. Comme le silence s'éternisait, il revint à la charge, à la manière d'un boxeur qui travaillerait son adversaire au corps pour l'épuiser et abattre ses dernières résistances.
Afficher en entierBien qu'Olivier revînt dîner régulièrement à la maison par la suite, Henri ne put se faire un jugement à son sujet. Directeur d'une agence de communication, le jeune homme jouissait d'un niveau de vie aisé, sans être riche. Habile orateur, il pouvait tenir une discussion tant sur la politique que sur l'économie ou l'actualité, et il affichait une assurance désinvolte en toutes circonstances. Pourtant, sans que jamais il lui eût donné matière à douter de ses véritables intentions, quelque chose en lui d'indéfinissable le mettait mal à l'aise. Malgré toutes ses qualités, il le trouvait trop poli, trop gentil, trop aimable, trop serviable, trop lisse, trop généreux, trop attentionné envers Alice pour être honnête. Dans ce monde rongé par la corruption, l'hypocrisie et l'appât du gain, de tels traits de caractères cumulés lui apparaissaient paradoxalement presque suspects. Par respect pour sa fille et sans preuve tangible, il choisit de garder ses impressions mitigées pour lui.
Afficher en entierSi encore il me frappait, me battait comme plâtre pour expurger la hargne qu'il porte en lui, sur lui, aussi lourde qu'un manteau de laine gorgé d'eau. Les coups laissent des traces, des ecchymoses, des marques qui finissent par s'estomper au fil du temps, avant de disparaître complètement sans laisser de trace qui puisse en témoigner. Alors que ses reproches acides me blessent telles des lames affutées, entaillent ma confiance en moi toujours plus profondément, des paroles insidieuses, douloureuses, indélébiles. Invisibles.
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