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-Il serait temps que nous parlions de Ruth.

-Tout à fait.

Mais le regard de Seth restait imperturbablement arrimé au sien.

-Seth...il faudrait arrêter de me fixer ainsi.

-Je ne pense pas,non,repondit-il aimablement.

Elle ne put s'empêcher de sourire.

-Et moi qui vous croyais si scrupuleusement poli.

Le bras posé sur son dossier,il semblait sûr de lui,détendu.

-Vous êtes très belle,Lindsay.Et il se trouve que j'ai la passion du beau.

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- Tu ne réalises sans doute pas, mais c’est terrifiant d’aimer quelqu’un comme toi, Lindsay. Tu es si libre et généreuse que tu me parais parfois aussi insaisissable que l’Ariel bondissante que tu incarnais tout à l’heure sur scène.

- Seth…

Lorsqu’il lui offrit son regard, elle ne vit plus en lui ni maîtrise ni réserve.

- J’avais déjà désiré des femmes, Lindsay. Mais jamais je n’avais ressenti cette dépendance absolue, ce besoin de l’autre qui confirme à l’obsession. Et plus tu me devenais indispensable, plus je te sentais m’échapper.

- Je ne m’échappais pas, Seth.

Avant qu’il ne puisse prononcer un mot, elle se glissa d’autorité entre ses bras. Il se raidit, mais elle leva le visage vers lui, chercha avidement ses lèvres. Dès le premier effleurement, le baiser se fit impérieux, exigeant, passionné. Une onde de désir acheva de ramener Lindsay à la vie.

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- … Qu’est-ce qui vous fait sourire, Seth ?

- Je me demandais quand il m’était arrivé pour la dernière fois de raccompagner une fille chez elle et de trouver la lumière du perron allumée, pendant que la maman veillait à l’intérieur… Je crois que ça doit remonter à mes dix-huit ans.

Les yeux de Lindsay brillèrent.

- Je suis soulagée de découvrir que vous avez été jeune et innocent, vous aussi. Et que s’est-il passé avec la jeune fille? Vous l’avez embrassée ?

- Naturellement. Pendant que sa mère écartait discrètement un coin de rideau pour surveiller la scène.

Lindsay sourit malicieusement en tournant la tête vers les vitres du salon.

- Je crois que nous sommes tranquilles en ce qui concerne la mienne. Elle doit dormir du sommeil du juste.

Posant les mains sur les épaules de Seth, elle se pencha pour lui effleurer les lèvres d’un bref baiser amical. Mais lorsque leurs bouches entrèrent en contact, elle oublia ses intentions premières. L’effet fut immédiat et distinctement cataclysmique.

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- Croyez-vous qu’il y ait matière à s’étonner si je suis fortement attirée par votre personne, alors que ma première impression de vous a été résolument défavorable et que rien ne me prouve encore que ma première opinion n’ait pas été la bonne ?

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** Extrait offert par Nora Roberts **

1

La température avait chuté et le vent frais de septembre poussait devant lui d’inquiétants nuages noirs. Sur le bord de la route, les arbres avaient jauni et des touches d’or et de rouge embrasaient les frondaisons. Quelques rayons de soleil perçaient entre les nuées, irisant le paysage.

L’air sentait la pluie et Lindsay Dunne marchait d’un pas vif, consciente que le temps risquait de tourner à tout moment. Elle repoussa avec impatience les fines mèches de cheveux blonds que le vent s’obstinait à ramener devant ses yeux.

Si elle n’avait pas été aussi pressée, elle aurait apprécié la promenade. En temps normal, elle aimait la marche à pied, le chatoiement de l’automne, la course majestueuse des nuages. Mais après la sale journée qu’elle venait de passer, Lindsay n’avait qu’une hâte : rentrer chez elle avant qu’un nouveau problème ne vienne s’ajouter à la liste déjà longue de ses mésaventures.

Depuis trois ans qu’elle était revenue dans le Connecticut pour enseigner la danse, elle avait connu quelques moments épiques. Mais la succession de contretemps accumulés ce jour-là arrivait en tête du hit-parade des « journées marquées par la poisse ». Non seulement elle avait eu des problèmes de plomberie dans le studio, mais une mère d’élève avait réussi à la coincer plus d’une heure dans un couloir pour lui rebattre les oreilles avec les prouesses de sa fille ; puis deux costumes s’étaient déchirés coup sur coup. Une de ses meilleures danseuses était tombée malade et avait passé l’après-midi à vomir dans les toilettes.

Et, cerise sur le gâteau : sa voiture avait fait la sourde oreille lorsqu’elle avait tourné la clé de contact.

Après avoir multiplié les tentatives, puis soulevé le capot pour scruter le moteur d’un regard d’impuissance, Lindsay avait fini par se faire une raison. Serrant les dents, elle avait jeté son sac de danse sur une épaule et s’était lancée résolument sur les routes pour parcourir à pied les cinq kilomètres qui séparaient le studio de la maison familiale.

« Je suis idiote, j’aurais dû appeler Andy pour me dépanner », finit-elle par admettre en voyant les nuages s’amonceler à une vitesse effrayante. Mais sous le coup de l’énervement, elle n’avait écouté que sa mauvaise humeur. Calmée par dix minutes de marche rapide, Lindsay soupira en glissant les mains dans ses poches. Sans doute aurait-elle réagi de façon moins épidermique si elle n’avait pas été aussi tendue à la perspective du spectacle de ce soir.

Enfin… pas à la perspective du spectacle proprement dit, en fait. Ses danseuses étaient au point et la dernière répétition avait été plus que satisfaisante. Quant à ses recrues les plus jeunes, elles étaient tellement adorables que les spectateurs leur pardonneraient volontiers quelques petites maladresses.

En vérité, c’était les « avant » et les « après-spectacle » qui angoissaient Lindsay. Et tout particulièrement les mères possessives qui venaient l’assaillir, sitôt la représentation terminée. Inévitablement, il y aurait des plaintes au sujet des rôles attribués à leurs filles chéries. D’autres parents encore tenteraient de la persuader d’accélérer la cadence. « Pourquoi notre future Anna Pavlova ne danse-t-elle pas encore sur pointes ? » « Et comment se fait-il que notre fille apparaisse moins longtemps sur scène que la petite Mary Jones ? » « Et quand notre petite Sue passera-t-elle enfin au cours intermédiaire ? »

Lindsay avait beau expliquer qu’il fallait laisser du temps au temps et que ce serait une grave erreur de brusquer des organismes en pleine croissance, certaines familles ne voulaient rien entendre. Pour venir à bout des récriminations des plus obstinées, elle avait généralement recours à un subtil mélange de flatterie et d’intimidation. Et dans l’ensemble, elle ne s’en tirait pas si mal pour calmer les récalcitrants. Sans doute parce qu’elle avait une longue expérience personnelle en matière de parents obsédés par le talent de leur progéniture.

N’avait-elle pas eu affaire toute sa vie à une mère dévorée par l’ambition pour sa fille ?

A partir du moment où Lindsay était née, Mae Dunne n’avait jamais eu qu’une seule obsession : voir son enfant devenir ballerine. Mae elle-même avait eu la vocation d’emblée. Bien que petite et compacte, avec des jambes légèrement trop courtes pour sa taille, elle avait réussi, à force de travail et de volonté, à se hisser à une place honorable dans le corps de ballet d’une petite compagnie de ballet new-yorkaise.

Mariée à presque trente ans, Mae avait fini par accepter qu’elle ne serait jamais elle-même danseuse étoile. Pendant quelques années, elle avait exercé comme professeur de danse. Mais son propre sentiment d’échec avait fait d’elle une piètre enseignante.

La naissance de Lindsay avait été pour elle comme une illumination, en revanche. Mae s’était juré qu’elle ferait de sa fille ce qu’elle n’avait jamais réussi à être elle-même : une « prima ballerina », une étoile parmi les étoiles. Dès cinq ans, Lindsay avait franchi la porte de sa première école de danse. Et sa vie depuis n’avait été qu’une longue succession de cours, de représentations, de musique classique et de pointes. Son alimentation avait toujours été surveillée de près ; sa taille mesurée presque quotidiennement — jusqu’au moment où il avait été établi avec certitude qu’elle ne dépasserait pas un mètre soixante.

Mais Mae s’était déclarée satisfaite du petit gabarit de sa fille. Les pointes, après tout, grandissaient les ballerines. Et une danseuse trop élancée avait toujours plus de difficultés à trouver un partenaire.

Si Lindsay avait hérité de la petite taille de sa mère, la nature l’avait pourvue d’une silhouette idéalement fine et déliée, en revanche. Après une brève période un peu ingrate, elle avait émergé des limbes de l’adolescence, parée d’une beauté gracile de faon, avec une chevelure aérienne, une peau ivoire et de grands yeux bleus à l’expression intense. Son ossature était fine, masquant la force musculaire acquise au fil des années. Et elle avait une grâce naturelle que la pratique intensive de la danse n’avait fait qu’accentuer.

Mae, comblée, avait vu en sa fille la réponse à toutes ses prières.

Car Lindsay n’avait pas seulement un physique de ballerine. Elle avait également le talent, la ténacité et la passion requises. Mae n’avait pas eu besoin de professeurs pour le lui confirmer. Son œil exercé de danseuse avait discerné chez sa fille la coordination et la technique, l’endurance et les capacités.

A dix-huit ans, Lindsay était entrée dans une compagnie new-yorkaise de renom. Et, à la différence de sa mère, elle n’avait pas stagné au sein du corps de ballet. Deux ans plus tard à peine, elle avait été promue première danseuse. Si bien que deux années durant, Mae avait vécu sur un nuage, persuadée que ses plus beaux rêves devenaient réalités.

Puis le drame était survenu qui avait contraint Lindsay à quitter New York du jour au lendemain pour retourner s’établir dans le Connecticut.

Pour gagner sa vie, elle avait ouvert sa propre école de danse à Cliffside. Et il n’avait plus jamais été question depuis de se produire en public. Si Mae en concevait une immense amertume, Lindsay, elle, se montrait beaucoup plus philosophe. La danse occupait toujours une place majeure dans sa vie, après tout. Et elle adorait enseigner.

Lindsay leva les yeux vers le ciel à présent entièrement couvert et songea avec nostalgie à la veste qu’elle avait bêtement laissée sur le siège avant de sa voiture. Elle frissonnait dans son justaucorps bleu clair sans manches sur lequel elle s’était contentée d’enfiler un jean. Pour se réchauffer, elle accéléra l’allure et se mit à courir. Accoutumés à être sollicités, ses muscles réagirent sans effort et elle trouva même dans cet exercice un plaisir inattendu.

Jusqu’au moment où le déluge se déclencha. D’emblée, la pluie tomba à seaux, torrentielle. Découragée, Lindsay s’immobilisa pour scruter les nuages d’un noir d’encre qui tourbillonnaient furieusement.

— Et maintenant ? Quelle nouvelle tuile pourrait encore me tomber sur la tête ? lança-t-elle, comme en défi aux éléments.

La réponse ne tarda pas à se faire entendre : un puissant coup de tonnerre lui explosa aux oreilles. Riant toute seule sous la pluie battante, Lindsay décida que l’heure était venue de se montrer raisonnable. La maison des Moorefield était juste de l’autre côté de la rue. Et Andy se ferait un plaisir de la raccompagner chez elle.

Trempée jusqu’aux os, elle fit volte-face et s’élança pour traverser la chaussée.

Un violent coup de Klaxon lui fit tourner la tête en sursaut. En voyant la voiture émerger de l’épais rideau de pluie, elle fit un bond en arrière, glissa sur l’asphalte mouillé et tomba de tout son long dans une flaque.

Lindsay ferma un instant les yeux lorsqu’elle entendit un crissement suraigu de pneus, un hurlement de freins. Dans dix ans, sans doute, elle serait capable de rire de l’incident. Mais là, c’était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase.

Trop c’était trop.

— Vous êtes complètement folle ou quoi ?

Lindsay entendit la voix ulcérée rugir à travers le fracas de la pluie et souleva les paupières. Debout au-dessus d’elle se tenait un géant furieux. Ou un démon, peut-être ? se demanda-t-elle en dévisageant la créature avec inquiétude. Noir de cheveux comme de vêtements, il avait quelque chose de machiavélique. Peut-être à cause de ses sourcils épais et légèrement relevés aux extrémités. A moins que ce ne soit dû au contraste entre ses yeux d’un vert très pâle et le hâle de son visage ?

L’homme avait un nez assez long, accentuant encore l’aspect anguleux de ses traits. Ses vêtements trempés dessinaient un corps parfaitement charpenté que Lindsay aurait sans doute admiré d’un œil professionnel si elle n’avait pas été focalisée à ce point sur l’expression courroucée du personnage.

— Vous ne dites rien ? Vous êtes blessée ?

Le ton du géant exprimait la colère plus que la sollicitude. Lindsay secoua la tête et continua à le dévisager en silence. Avec une exclamation d’impatience, il la saisit par le bras et la releva, la soulevant de quelques centimètres avant de la reposer sur ses pieds.

— On ne vous a jamais appris à regarder avant de traverser ? lança-t-il sèchement.

Finalement, l’homme n’était pas aussi immense que Lindsay l’avait cru au premier abord. Il était grand, certes, mais n’avait rien de démesuré. Elle commença à se sentir plus ridicule que terrifiée.

Consciente que les torts étaient de son côté, elle se résigna à lui présenter ses excuses.

— Je suis vraiment désolée. J’ai regardé, mais je ne vous ai pas…

— Regardé, dites-vous ? Dans ce cas, vous feriez mieux de mettre vos lunettes au lieu de les garder planquées au fond de votre sac de cours. Je suis sûr que vos parents seraient furieux d’apprendre que vous vous promenez dans la rue sans vos bésicles.

Ulcérée par son ton paternaliste, Lindsay rétorqua sèchement.

— Je ne porte pas de lunettes.

— Dans ce cas, il faudra peut-être songer à vous en faire prescrire.

— J’ai une vue excellente.

— Alors que faisiez-vous au milieu de la chaussée ?

Décidément, ce type était insupportable.

— Je me suis excusée, protesta-t-elle, les mains sur les hanches. Ou du moins, je l’aurais fait si vous aviez eu la correction de me laisser terminer ma phrase. Qu’est-ce que vous voudriez au juste ? Que je me jette à vos pieds pour implorer votre pardon ? D’ailleurs, si vous n’aviez pas eu la main aussi lourde sur le Kaxon, je ne serais pas tombée dans cette flaque. Or je ne crois pas vous avoir entendu exprimer le moindre regret à ce sujet.

Il la dévisagea, impassible.

— Ce n’est pas ma faute si vous êtes gauche et empotée, ma pauvre fille.

— Gauche et empotée… Moi ?

Cette fois, Lindsay vit rouge. Qu’il l’envoie chuter dans une flaque, elle pouvait l’admettre à la rigueur. Qu’il se montre cassant, désagréable et grossier, passe encore. Mais qu’il ose l’affubler de qualificatifs pareils ? Ça, non, jamais !

— Dites, vous êtes caractériel ou quoi ! Vous avez failli m’écraser, vous me faites une peur bleue, vous m’envoyez rouler dans une flaque pour venir me hurler dessus ensuite comme si vous aviez affaire à une gamine frappée de myopie aggravée. Et maintenant, vous avez le culot de me dire que je suis empotée ?

L’homme la dévisagea un instant en silence, manifestement décontenancé par la virulence de sa réaction.

— Eh bien… Vous avez du mal à reconnaître vos torts, on dirait.

A la profonde stupéfaction de Lindsay, il lui saisit le poignet et l’entraîna d’autorité avec lui. Elle laissa échapper un léger cri de frayeur.

— Mais qu’est-ce que vous faites ?

— Je nous mets à l’abri de cette fichue averse.

Il ouvrit la portière côté conducteur et la poussa sans ménagement à l’intérieur. Par automatisme, Lindsay se glissa sur le siège passager pour lui faire de la place.

— Je peux difficilement vous planter là sous ce déluge, maugréa-t-il en s’installant au volant.

Il passa les doigts dans la masse de cheveux épais que la pluie avait plaqués sur son front. L’attention de Lindsay se porta sur sa main et elle en oublia un instant l’antipathie qu’il lui inspirait. « Il a des mains sensibles… des mains de pianiste », songea-t-elle rêveusement.

Mais lorsqu’il tourna de nouveau les yeux vers elle, sa fascination retomba immédiatement.

— Où comptiez-vous aller, comme ça ? s’enquit-il d’un ton abrupt, comme s’il s’adressait à une adolescente en fugue.

Lindsay redressa la taille et rejeta ses cheveux trempés dans son dos.

— Je rentrais chez moi. A environ deux kilomètres d’ici…

Seth haussa les sourcils en scrutant son visage. Avec ses cheveux mouillés et son absence de maquillage, elle avait l’air incroyablement menue et juvénile. Pas étonnant qu’il l’ait prise d’abord pour une adolescente. Mais les yeux d’un bleu profond frangés de cils noirs naturellement recourbés avaient une expression tout à fait adulte. Et la bouche sensuelle, à seconde vue, était celle d’une femme, pas d’une jeune fille.

De ces traits purs, dépourvus de tout artifice, émanait une aura troublante qui se situait au-delà de la simple beauté. Mais avant que Seth ait pu définir ce que cette fille avait de si particulier, il la vit frissonner violemment.

— Puisque vous n’avez rien de mieux à faire, apparemment, que de sortir marcher sous la pluie, prévoyez au moins de vous habiller en conséquence, lui conseilla-t-il d’un ton suave en lui jetant une veste en daim fauve sur les genoux.

Lindsay ouvrait la bouche pour rétorquer qu’elle n’avait besoin de rien lorsqu’elle fut interrompue par deux éternuements successifs. Les mâchoires crispées, elle se résigna à enfiler le vêtement sans rien dire.

L’inconnu démarra et ils roulèrent dans un profond silence, souligné par le fracas de la pluie martelant le pare-brise. En examinant le profil buté, la bouche sévère, le regard sombre, Lindsay réalisa avec un léger pincement d’angoisse qu’elle n’avait encore jamais croisé cet homme à Cliffside. Dans la petite ville de bord de mer où elle avait passé toute son enfance, elle connaissait tout le monde, au moins de vue. Et nul doute qu’elle aurait mémorisé les traits de cet individu si elle avait déjà eu l’occasion de le rencontrer, ne serait-ce qu’une seule fois.

L’atmosphère à Cliffside était si paisible que les gens, dans l’ensemble, se montraient peu méfiants, même avec les étrangers. Mais Lindsay avait vécu suffisamment longtemps à New York pour mesurer les dangers très réels liés à sa situation. D’un mouvement à peine perceptible, elle se rapprocha de sa portière.

— Il est un peu tard pour vous inquiéter de ça maintenant, vous ne croyez pas ? dit-il d’un ton lourd d’ironie.

Lindsay tourna la tête brusquement et crut voir l’ombre d’un sourire sur ses lèvres. Sur le qui-vive, elle se redressa.

— Tenez, c’est la maison en cèdre, juste là, lui indiqua-t-elle sèchement, décidée à prendre ses sarcasmes de haut.

Silencieuse et puissante, la voiture s’immobilisa devant la barrière de bois blanc. Rassemblant toute sa dignité, Lindsay se tourna vers l’inconnu pour le remercier. Avec la ferme intention de se montrer glaciale.

— Changez-vous sans tarder, conseilla-t-il avant qu’elle ait pu ouvrir la bouche. Et la prochaine fois, regardez des deux côtés avant de traverser.

Trop suffoquée par la colère pour formuler une réponse cohérente, Lindsay émit un son inarticulé. Elle poussa sa portière et le gratifia d’un ultime regard furibond.

— Merci. Vous avez été trop aimable, lança-t-elle juste avant de claquer sa portière avec force.

Contournant la voiture au pas de course, elle se précipita à l’intérieur de la maison, oubliant qu’elle portait toujours sur elle la veste en daim d’un inconnu.

Elle s’immobilisa dans le vestibule, ferma les yeux et s’obligea à respirer calmement. L’incident l’avait mise hors d’elle et à juste titre. Mais elle n’avait aucune envie de relater ce malencontreux épisode à sa mère.

Or le malheur voulait qu’elle ait des traits trop expressifs, un regard trop révélateur. En tant que ballerine, cette transparence émotionnelle avait joué en sa faveur. Lorsqu’elle dansait Giselle, elle devenait Giselle. Et son public pouvait suivre sur son visage le déroulement de la tragédie que vivait son personnage.

Sur scène, elle se confondait avec son rôle ; elle faisait corps avec la musique. Et c’était un formidable atout. Mais dans la vie de tous les jours, elle aurait préféré pouvoir endosser une personnalité plus impassible. Si sa mère surprenait son énervement, elle exigerait des explications ainsi qu’un récit détaillé. Puis, immanquablement, viendraient les conseils et les critiques.

Or un sermon en règle de la part de Mae était la dernière chose à laquelle Lindsay aspirait en cet instant. Trempée, fatiguée et bien décidée à se faire discrète, elle posa le pied sur la première marche de l’escalier.

Trop tard, hélas.

Déjà, une porte s’ouvrait dans son dos et elle entendit le pas traînant, irrégulier qui ne cessait de lui rappeler l’accident qui avait coûté la vie à son père.

— C’est toi, maman ? Je m’apprêtais juste à monter me changer.

Repoussant les cheveux mouillés qui lui tombaient sur le front, Lindsay se retourna pour sourire à sa mère. Toujours soucieuse de son allure, Mae était coiffée et maquillée à la perfection. Mais le perpétuel mécontentement qui marquait ses traits gâchait l’effet de jeunesse qui aurait pu résulter des soins attentifs qu’elle accordait à son physique.

— Qu’est-ce qui t’est arrivé, Lindsay ? Tu as l’air d’un rat mouillé, ma pauvre fille.

— Je suis tombée en panne de voiture. Et je me suis fait surprendre par la pluie juste avant de me faire raccompagner… Il faudra que je demande à Andy de me ramener au studio ce soir, d’ailleurs, précisa-t-elle, sourcils froncés.

— Tu as oublié de lui rendre sa veste, commenta Mae en prenant lourdement appui sur la rampe.

Par temps humide, elle souffrait de sa hanche plus violemment encore qu’à l’ordinaire.

— Sa veste ?

Lindsay baissa les yeux et découvrit les manches en daim trop longues qui lui arrivaient à mi-cuisses.

— Oh non, mais quelle idiote ! Je n’ai vraiment aucune tête !

— Il n’y a quand même pas de quoi en faire un drame, observa Mae d’un air agacé. Puisque tu revois Andy ce soir, tu la lui rendras tout à l’heure.

— Andy ? Euh… oui, bien sûr, acquiesça Lindsay, consciente que ce malentendu providentiel lui évitait de fournir des explications.

Elle redescendit d’un pas et posa la main sur l’épaule de sa mère.

— Tu as l’air fatiguée, maman. Tu as fait ta sieste, au moins ?

— Lindsay, pour l’amour du ciel, arrête de me traiter comme si j’étais une enfant !

Blessée, Lindsay retira sa main.

— Je suis désolée. Je vais monter me changer.

Elle se détournait déjà lorsque Mae la rattrapa par le bras.

— Chérie… Je regrette. Tu sais que la pluie me met toujours dans un sale état. Et ça agit sur mon humeur.

— Oui… oui, je sais.

La voix de Lindsay se radoucit. Une averse torrentielle ainsi que des pneus lisses avaient été à l’origine de l’accident qui avait bouleversé leurs deux vies et mis fin à celle de son père.

— Et puis ça me rend folle que tu sois là, à gâcher ta jeunesse pour prendre soin de moi, alors que tu devrais être à New York en train de te produire sur scène.

— Maman !

— Cela fait des mois que je te le répète, Lindsay. Ta place n’est plus ici. Je suis parfaitement capable de me débrouiller seule. Et je n’en peux plus de te voir gâcher une magnifique carrière.

Sans attendre sa réponse, Mae se détourna et se dirigea vers le séjour de sa démarche laborieuse. Lindsay suivit sa mère des yeux jusqu’à ce qu’elle disparaisse de sa vue. Puis, poussant un profond soupir, elle gravit l’escalier à pas lents. Si sa place n’était pas ici, où était-elle ? Une fois dans sa chambre, elle se renversa contre le battant clos et examina son petit univers. La pièce était spacieuse et claire, avec ses deux grandes fenêtres. La commode en noyer lui venait de sa grand-mère. Les livres qu’elle avait lus enfants étaient alignés sur des étagères. Et elle avait gardé la collection de coquillages qu’elle avait constituée au fil des années en se promenant au bord de l’océan tout proche. Le tapis d’Orient élimé, lui, remontait à sa période new-yorkaise. C’était un des rares objets qu’elle avait emportés avec elle lorsqu’il avait fallu quitter le studio qu’elle louait à Manhattan. Le rocking-chair près de la fenêtre venait du marché aux puces de Cliffside. Quant à la toile originale d’un jeune peintre contemporain en vogue, elle l’avait acheté dans une galerie new-yorkaise sur un coup de tête. Sa chambre, au fond, reflétait assez bien les deux univers qui avaient été les siens.

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La température avait chuté et le vent frais de septembre poussait devant lui d'inquiétants nuages noirs. Sur le bord de la route, les arbres avaient jauni et des touches d'or et de rouge embrasaient les frondaisons. Quelques rayons de soleil perçaient entre les nuées, irisant le paysage.

  L'air sentait la pluie et Lindsay Dunne marchait d'un pas vif, consciente que le temps risquait de tourner à tout moment. Elle repoussa avec impatience les fines mèches de cheveux blonds que le vent s'obstinait à ramener devant ses yeux.

  Si elle n'avait pas été aussi pressée, elle aurait apprécié la promenade. En temps normal, elle aimait la marche à pied, le chatoiement de l'automne, la course majestueuse des nuages. Mais après la sale journée qu'elle venait de passer, Lindsay n'avait qu'une hâte : rentrer chez elle avant qu'un nouveau problème ne vienne s'ajouter à la liste déjà longue de ses mésaventures.

  Depuis trois ans qu'elle était revenue dans le Connecticut pour enseigner la danse, elle avait connu quelques moments épiques. Mais la succession de contretemps accumulés ce jour-là arrivait en tête du hit-parade des « journées marquées par la poisse ». Non seulement elle avait eu des problèmes de plomberie dans le studio, mais une mère d'élève avait réussi à la coincer plus d'une heure dans un couloir pour lui rebattre les oreilles avec les prouesses de sa fille ; puis deux costumes s'étaient déchirés coup sur coup. Une de ses meilleures danseuses était tombée malade et avait passé l'après-midi à vomir dans les toilettes.

  Et, cerise sur le gâteau : sa voiture avait fait la sourde oreille lorsqu'elle avait tourné la clé de contact.

  Après avoir multiplié les tentatives, puis soulevé le capot pour scruter le moteur d'un regard d'impuissance, Lindsay avait fini par se faire une raison. Serrant les dents, elle avait jeté son sac de danse sur une épaule et s'était lancée résolument sur les routes pour parcourir à pied les cinq kilomètres qui séparaient le studio de la maison familiale.

  « Je suis idiote, j'aurais dû appeler Andy pour me dépanner », finit-elle par admettre en voyant les nuages s'amonceler à une vitesse effrayante. Mais sous le coup de l'énervement, elle n'avait écouté que sa mauvaise humeur. Calmée par dix minutes de marche rapide, Lindsay soupira en glissant les mains dans ses poches. Sans doute aurait-elle réagi de façon moins épidermique si elle n'avait pas été aussi tendue à la perspective du spectacle de ce soir.

  Enfin... pas à la perspective du spectacle proprement dit, en fait. Ses danseuses étaient au point et la dernière répétition avait été plus que satisfaisante. Quant à ses recrues les plus jeunes, elles étaient tellement adorables que les spectateurs leur pardonneraient volontiers quelques petites maladresses.

  En vérité, c'était les « avant » et les « après-spectacle » qui angoissaient Lindsay. Et tout particulièrement les mères possessives qui venaient l'assaillir, sitôt la représentation terminée. Inévitablement, il y aurait des plaintes au sujet des rôles attribués à leurs filles chéries. D'autres parents encore tenteraient de la persuader d'accélérer la cadence.

  « Pourquoi notre future Anna Pavlova ne danse-t-elle pas encore sur pointes ? » « Et comment se fait-il que notre fille apparaisse moins longtemps sur scène que la petite Mary Jones ? » « Et quand notre petite Sue passera-t-elle enfin au cours intermédiaire ? »

  Lindsay avait beau expliquer qu'il fallait laisser du temps au temps et que ce serait une grave erreur de brusquer des organismes en pleine croissance, certaines familles ne voulaient rien entendre. Pour venir à bout des récriminations des plus obstinées, elle avait généralement recours à un subtil mélange de flatterie et d'intimidation. Et dans l'ensemble, elle ne s'en tirait pas si mal pour calmer les récalcitrants. Sans doute parce qu'elle avait une longue expérience personnelle en matière de parents obsédés par le talent de leur progéniture.

  N'avait-elle pas eu affaire toute sa vie à une mère dévorée par l'ambition pour sa fille ?

  A partir du moment où Lindsay était née, Mae Dunne n'avait jamais eu qu'une seule obsession : voir son enfant devenir ballerine. Mae elle-même avait eu la vocation d'emblée. Bien que petite et compacte, avec des jambes légèrement trop courtes pour sa taille, elle avait réussi, à force de travail et de volonté, à se hisser à une place hon^able dans le corps de ballet d'une petite compagnie de ballet new-yorkaise.

  Mariée à presque trente ans, Mae avait fini par accepter qu'elle ne serait jamais elle-même danseuse étoile. Pendant quelques années, elle avait exercé comme professeur de danse. Mais son propre sentiment d'échec avait fait d'elle une piètre enseignante.

  La naissance de Lindsay avait été pour elle comme une illumination, en revanche. Mae s'était juré qu'elle ferait de sa fille ce qu'elle n'avait jamais réussi à être elle-même : une « prima ballerina », une étoile parmi les étoiles. Dès cinq ans, Lindsay avait franchi la porte de sa première école de danse. Et sa vie depuis n'avait été qu'une longue succession de cours, de représentations, de musique classique et de pointes. Son alimentation avait toujours été surveillée de près ; sa taille mesurée presque quotidiennement — jusqu'au moment où il avait été établi avec certitude qu'elle ne dépasserait pas un mètre soixante.

  Mais Mae s'était déclarée satisfaite du petit gabarit de sa fille. Les pointes, après tout, grandissaient les ballerines. Et une danseuse trop élancée avait toujours plus de difficultés à trouver un partenaire.

  Si Lindsay avait hérité de la petite taille de sa mère, la nature l'avait pourvue d'une silhouette idéalement fine et déliée, en revanche. Après une brève période un peu ingrate, elle avait émergé des limbes de l'adolescence, parée d'une beauté gracile de faon, avec une chevelure aérienne, une peau ivoire et de grands yeux bleus à l'expression intense. Son ossature était fine, masquant la force musculaire acquise au fil des années. Et elle avait une grâce naturelle que la pratique intensive de la danse n'avait fait qu'accentuer.

  Mae, comblée, avait vu en sa fille la réponse à toutes ses prières.

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