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Aussi noir que la nuit millénaire, l’astéroïde géant dérivait à travers le vide. Ce vagabond venait de loin, le long des voies cosmiques. Il avait suivi des courants spatiaux, contourné des puits de gravité, croisé des soleils éclatants et approché des lunes désolées. Des étoiles mortes avaient été témoin de son voyage, le long d’une trajectoire qui semblait le fruit du hasard… Mais où est le hasard dans la destinée ? Il avait frôlé l’atmosphère d’une douzaine de mondes reculés, sa puissante emprunte magnétique avait provoqué tout autant de cataclysmes et plongé dans l’oubli des espèces mineures dont l’univers n’aurait aucune idée de l’existence et qu’il ne pourrait jamais pleurer.
Il était immense, un orbe noueux, déchiré de crevasses, grêlé de cratères voraces et comme muni d’une conscience propre. Une queue de vapeur opaque le suivait, tel un doigt fantomatique tentant de s’en emparer. Des éclats noirs s’échappaient de sa masse pour plonger dans un plan plus sombre encore, comme des lames de nuit. Et lorsque le Warp l’engloutit pour vomir à nouveau sa silhouette impie dans la réalité, son voyage toucha à sa fin. Un monde était suspendu sur son passage, rouge et chaud sur le fond nocturne de l’espace. Le ciel de ce monde était brûlant, ses montagnes noires et ses déserts incandescents.
Cela faisait déjà plusieurs siècles que la course du Rocher Noir avait été réglée. La propre main de l’Architecte lui avait donné la première impulsion. Ceux disposant du don de vision, ceux capables de percevoir les grandes conjurations à l’échelle galactique, auraient pu saisir ce lien inexorable qui l’attirait vers le monde rouge et prédire l’apocalypse. Il leur aurait suffi d’observer.
Le Rocher Noir en avait croisé de nombreux et même transporté sur son dos au cours des ans. Le dernier avait été tenace, lent à succomber, même exposé à l’emprise glacée du vide. Des systèmes entiers avaient capitulé sous son appétit destructeur, dévorés sur son passage tels de minuscules archipels balayés par la voracité d’un tsunami.
Il était la destinée.
Le monde rouge était là, devant lui, entouré par un anneau de nuages pyroclastiques.
Une planète infernale, une fournaise dans laquelle l’univers forgeait les civilisations.
Nocturne.
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