Extraits

Sans même l'avoir remarquée, Winnie venait d'arriver et elle se tenait juste à côté de lui.

« À quelle heure part notre train ? » demanda-t-elle.

Il lui sourit avec les yeux et répondit: « Dix-neuf heures trente. »

Winnie patienta alors les bras croisés sur la frêle silhouette qu'elle cachait sous le même sweat à capuche que la veille. Elle portait également le même jean délavé et couvert de crasse. Elle portait de vieux tennis usés, trop grands et sans lacets, ses chaussures lui tenaient donc mal le pied.

Thaddeus vit immédiatement que Winnie semblait quelque peu perturbée. Il se demandait même si elle n'était pas sur le point de faire demi-tour et de s'enfuir. « Est-ce que ça va ? » lui demanda-t-il.

Winnie pensait à Ruby, la dernière image qu'elle avait d'elle était celle de son petit corps fragile zippé dans un sac mortuaire en plastique. Les policiers lui avaient posé quelques questions, mais pas beaucoup. Il ne leur avait pas fallu bien longtemps pour comprendre les circonstances de sa mort. Mais Winnie ne voulait plus y penser - cela appartenait au passé, et elle ne voulait pas y retourner. Ainsi, elle écarta légèrement sa frange indisciplinée, puis elle regarda Thaddeus et dit: « Je suis juste un peu nerveuse, c'est tout.

— Je te promets que tu n'as rien à craindre », sourit-il. Il ramassa ensuite le sac de vêtements en un mouvement rapide, puis il le lui tendit.

Chapitre premier

Thaddeus Blake était assis dos à la Tamise et il regardait attentivement ce qu'il se passait derrière les voitures bloquées dans les embouteillages. Son regard était figé sur une jeune fille assise sur les marches de la station de métro Embankment. Cette soirée de février étant glaciale, Thaddeus Blake vit la jeune fille cacher ses mains sales dans les manches de son sweat à capuche déchiré. C'était aujourd'hui le septième soir qu'il venait s'asseoir de l'autre côté de la route pour l'observer, pour la voir implorer les passants qui sortent du travail de lui donner quelques pièces de monnaie. La plupart des gens l'ignoraient ou ne se rendaient même pas compte de sa présence en raison de sa frêle silhouette. Certains lui donnaient quelques pièces, mais d'autres, bien souvent des hommes d'un certain âge, s'arrêtaient devant elle pour discrètement lui dire quelques mots. La jeune fille leur répondait toujours en se mettant terriblement en colère contre eux et en leur hurlant dessus. Mais ce qu'elle disait était toujours étouffé par le vacarme des bus et des taxis.

Parfois, lorsqu'elle récupérait suffisamment d'argent pour s'acheter à manger ou à boire, elle disparaissait. Thaddeus restait alors dans l'obscurité, vêtu d'un magnifique costume presque noir et d'une chemise blanche absolument impeccable ornée d'une cravate de soie rouge sang. Les mains croisées sur ses genoux, les jambes également croisées au niveau des chevilles, il restait là, à attendre son retour. Elle finissait toujours par revenir, parfois quelques minutes plus tard seulement, et elle retrouvait sa place, sur les marches de la station de métro. À deux reprises il l'avait vue accompagnée d'une fille très jeune, peut-être âgée de quatorze ans. Il n'en savait trop rien. Elle aussi avait une allure de sans domicile fixe, mais contrairement à son amie, la plus jeune s'écroulait parfois sous l'effet de la drogue ou de l'alcool – probablement les deux à la fois.