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La mémoire de la chronologie, des dates, des causes et des conséquences n’avait commencé que lors de sa conscription. Depuis la guerre d’Algérie, il savait le poids d’une journée, d’une heure, d’une minute. Il sentait le temps s’écouler, chaque battement de son cœur était un grain qui tombait dans un sablier. Un homme politique n’était pas crédible s’il n’avait pas de montre au poignet, mais Robert ne regardait la sienne que lorsqu’il lui fallait se débarrasser d’un importun. Elle était pour lui un accessoire de théâtre qui ne marquait l’heure exacte que deux fois par jour : à 8 h 07 et à 20 h 07 (la trotteuse était bloquée à vingt secondes). Il n’avait pas besoin de regarder le réveil au-dessus de l’épaule d’Éva pour savoir qu’il était 3 heures du matin, peut-être 3 h 01. Le réveil n’était là que parce qu’il rassurait Éva, lui n’en avait pas l’utilité. Même avec quarante de fièvre et après deux nuits blanches, s’il décidait d’ouvrir les yeux à 6 h 15, il ouvrait les yeux à 6 h 15. Lors de ses nombreux voyages à l’étranger, il ne lui fallait que quelques minutes pour assimiler le décalage horaire. Il le sentait instinctivement comme d’autres sentent l’eau sous la terre. Il comprenait le temps. Mais ce talent inutile ne lui était pas venu seul, il faisait partie d’une super promo spéciale à prendre ou à laisser : son horloge interne était accompagnée d’un échantillon gratuit de peur. C’était la peur qui faisait tourner les aiguilles du temps.
Encore un bruit en bas. Il avait rêvé ou bien… ?
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