Extraits

« Alors, Juliette, commence-t-il d’une voix aux accents paternalistes. Je peux vous appeler Juliette ?

– Bien sûr, monsieur.

– J’ai évidemment lu votre C.V. mais j’aimerais que vous me parliez de votre parcours.

– O.K. Je commence où ?

– Disons, après le bac.

– Ben… j’ai eu une maîtrise de littérature contemporaine à l’université de Nantes. Ensuite, je suis montée à Paris et j’ai travaillé trois ans chez Dreamclothes comme chargée du merchandising à l’étalage et en vitrine. Ça m’a donné une bonne expérience dans le prêt-à-porter…

– Quel est le rapport entre la littérature et le merchandising produit ? m’interrompt-il soudain, en fronçant ses sourcils broussailleux.

– Je… j’avais suivi mon petit ami de l’époque, de Vannes à Paris, et il me fallait un boulot. J’ai saisi une opportunité qui se présentait, c’est tout.

– Bien, bon. Et puis vous êtes allée travailler dans une agence immobilière du XVIIème arrondissement ?

– Oui, j’ai été agent commercial pendant sept ans.

– Encore une fois, j’ai du mal à saisir la cohérence de votre trajet. Pourquoi l’immobilier ? me demande-t-il d’un ton ouvertement suspicieux.

– Ben… l’homme avec lequel je vivais à l’époque a monté cette agence. Plus exactement, nous l’avons montée parce que c’est moi qui ai fait les démarches pour obtenir le prêt, qui me suis occupée du dépôt des statuts, de…

– Bien, bon. Et vous n’avez exercé aucune activité professionnelle depuis… trois ans ?

– C’est pas tout à fait ça. L’agence marchait bien. Il y avait toujours quelque chose à faire. Parfois, je faisais l’argumentaire quand un acquéreur avait du mal à se lancer ou qu’un vendeur ne voulait pas céder sur une promesse de vente.

C’est aussi moi qui formais les nouveaux négociateurs, soit une demi-douzaine ces trois dernières années. Quand on s’est ouverts à la gestion locative, j’ai déterminé les marges, les critères de sélection des…

– Mais vous n’avez pas fait tout ça gratuitement ?

– Ben si !

– Bon… Qu’est-ce qui vous fait croire, Juliette, que vous pourriez faire une bonne vendeuse aux Galeries Parisiennes ?

– Je connais le prêt-à-porter, j’ai des notions de gestion des stocks et je sais rendre un rayon attractif. Ça me semble déjà important, non ?

– Oui, c’est important.

– Ensuite, ma longue expérience dans l’immobilier m’a appris à cerner rapidement les clients. J’aime trouver le bon produit pour le bon client. Parce que c’est comme ça qu’ils reviennent !

– Bien, bon. Vous avez une bonne élocution et votre présentation est… irréprochable… »

Il lorgne allégrement ma poitrine, puis part dans une laborieuse présentation de l’organigramme, me parle de « l’esprit Galeries Parisiennes » et du « pacte de confiance qui lie le magasin à ses employés ». Une demi-heure plus tard, son monologue enfin terminé, nous ressortons de son bureau, traversons les allées du magasin, visitons d’innombrables rayons. Tout en continuant de m’abreuver d’informations, il me conduit jusqu’à mon éventuel futur rayon : Peignoirs, Chaussons et Robes de chambre. La vendeuse du rayon voisin, une belle jeune femme noire, m’observe avec un mélange de curiosité et de sympathie…