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Neel, en fils toujours obéissant, avait laissé s'effacer dans sa tête ce langage qui poutant, sans qu'il le sache, était resté vivant - et à présent, en entendant Deeti chanter, il reconnut que sa musique l'avait secrètement nourri: il avait toujours adoré les dadras, chaitis, barahmasas, horis, kajris - des chansons pareilles à celles que Deeti chantait. En l'écoutant, il comprenait pourquoi le bhojpuri était la langue de cette musique: de tous les parlers entre le Gange et l'Indus, aucun ne l'égalait dans sa cpacité à exprimer les nuances de l'amour, du désir et de la séparation, la souffrance de ceux qui partent et de ceux qui restent.
Comment se faisait-il que, en choisissant les hommes et les femmes destinés à être arrachés à cette plaine asservie, la main du destin se fût posée si loin à l'intérieur, très à l'écart des côtes peuplées, sur des gens parmi les plus obstinément enracinés dans le limon du Gange, un sol qui devait être semé de douleur pour produire sa récolte d'histoires et de chants? Comme si le sort avait enfoncé son poing dans la chair vive du pays pour en arracher un morceau de son coeur souffrant.
Afficher en entierLa vérité, monsieur, est que les hommes font ce que leur pouvoir leur permet. Nous ne sommes aucunement différents des pharaons ou des Mongols sinon que nous, quand nous tuons, nous nous sentons obligés de prétendre que c'est pour une cause supérieure. C'est cette prétention à la vert, je vous le promets, que l'histoire ne nous pardonnera jamais.
Afficher en entierTout en écoutant le bruissement des voiles, elle s'aperçut qu'une graine était restée logée sous l'ongle de son pouce. Une graine de pavot. Elle l'expira, la roula entre ses doigts et leva les yeux au-dessus des voiles bien étarquées, vers la voûte remplie d'étoiles. Tout autre soir elle aurait cherché dans le ciel la planète qu'elle avait toujours pensé être l'arbitre de sa destinée, mais aujourd'hui c'est la minuscule sphère qu'elle tenait entre le pouce et l'index que son regard retomba. Elle scruta la graine comme si elle n'en avait jamais vu auparavant et, soudain, elle comprit que ce n'était pas la planète là-haut qui gouvernait sa vie : c'était cette minuscule petite boule, à la fois généreuse et dévorante, miséricordieuse et destructrice, nourrissante et vengeresse. C'était là son Shani, son Saturne.
Afficher en entierEN entrant dans Ghazipur,sur le char à boeufs de Kalua, Deeti, malgré la sinistre nature de sa tâche, se sentit l'esprit étrangement léger: comme si elle savait dans son coeur que c'était la dernière fois qu'elle ferait ce trajet avec sa fille et qu'elle fût décidée à en tirer le meilleur.
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