Extraits

Assise seule au comptoir de la cuisine, Nobuyo qui, sans doute pour éviter de faire la vaisselle, mangeait à même la marmite avec les baguettes servant à cuisiner, déclara soudain, les yeux fixés sur le dos de la petite :

— Quitte à ramener un enfant ici, tu aurais dû en prendre un susceptible de nous rapporter une rançon.

Osamu entra quelques secondes après et s’arrêta à côté de lui sans un mot. Comme d’habitude, à ce moment-là, ils n’échangèrent pas un regard. C’était une règle tacite entre eux, lorsqu’ils se mettaient au travail.

S’ils allaient tous les mercredis au supermarché, ce n’était pas vraiment dans le but de faire des courses. Il s’agissait plutôt d’une activité vitale pour assurer le quotidien de la famille Shibata. Le mercredi était le jour des « ventes spéciales » si bien que les clients étaient particulièrement nombreux. Çà et là dans le magasin étaient collées des affichettes annonçant « vos points triplés aujourd’hui », mais Shôta ne comprenait pas très bien ce que cela représentait en termes de gain. Quand il entra dans le supermarché avec son père, il était cinq heures. Ils visaient la tranche horaire où il y avait le plus d’affluence – l’heure où les gens venaient faire leurs courses pour le dîner.

Shôta avait vu la petite fille pour la première fois l’été précédent.

Elle regardait passer les gens, assise là comme si elle était punie, sous la rangée de boîtes aux lettres métallisées à côté de l’entrée d’un immeuble vétuste de quatre étages, entre un vélo d’enfant abandonné et un carton oublié.