Extraits

— Tu n’as pas à l’être, je te trouve magnifique.

Elle se pencha et l’embrassa tendrement. Il répondit presque timidement, pressant

légèrement ses lèvres contre les siennes, comme s’il craignait de lui faire mal. Elle

prit son visage entre ses mains et se concentra. Elle voulait capturer chaque seconde

de cet instant. L’odeur de la virilité de William l’envoûta et elle voulut approfondir

son baiser. Elle fit le contour de ses lèvres du bout de la langue et il ne lui résista pas.

William eut un sourire amer. D’un simple geste de la main, il alluma quelques chandelles pour que Darcie puisse voir qu’il n’avait pas l’intention de l’agresser. Debout devant les portes fenêtres qui conduisaient à son balcon, il fixait les étoiles brillantes de la nuit. Une brise fraîche secouait les branches des arbres de la forêt qui entourait son manoir.

Le médecin avait préconisé du repos pour Darcie, mais grâce à Dieu, elle n’avait rien de grave. Bien que rassuré sur son état, William éprouvait une grande tristesse. La première chose qu’elle avait pensée à son réveil avait été de s’enfuir. Et il ne pouvait pas la retenir.

Elle était marquée sur presque toute la partie droite du visage. De la tempe au menton. Elle avait eu la chance de ne pas avoir perdu sonœil droit. Son nez et sa bouche avaient été relativement épargnés par la morsure des flammes. Les cicatrices s’arrêtaient à la base de son cou. Julian aimait lui raconter la façon dont il avait bravé le feu qui incendiait sa maison pour la sauver. Et mêmeà l’instant où il l’avait découverte, pleurant de douleur, la peau brulée à vif, il lui disait n’avoir jamais rien tenu d’aussi précieux dans ses bras.

Son baiser n’avait absolument rien à voir avec celui qu’elle lui avait donné la veille. Le sien était passionné et Darcie en eu le souffle coupé. Quand elle entrouvrit les lèvres, il immisça sa langue dans sa bouche. Darcie tremblait comme une feuille. Elle ignorait jusquelà qu’un tel baiser pouvait exister. Sa langue dansa avec la sienne, explorant sa bouche avec curiosité. Avide de plaisir, Darcie caressa le dos mouillé du Lord, se laissant aller totalement à son étreinte passionnée.

Valérie, celle qui les servait ce soir-là, faisait de son mieux pour entrer dans les bonnes grâces de Darcie. Etant donné le côté sombre et solitaire de William, elle aurait cru que la future compagne de son maitre se montrerait hautaine et distante envers eux, comme Lady Amélia. Or, cette jeune femme était souriante et chaleureuse. De plus, elle mangeait avec appétit, savourant le repas avec un plaisir évident. Valérie savait que les employés du Lord allaient tous adorer leur maitresse ! William sourit en lisant les pensées de Valérie.

— J’ai admiré ce soir son… professionnalisme et ses talents en tant que gouvernante. Etant donné que ma sœur doit revenir bientôt, je me demandais s’il était possible qu’elle quitte vos services pour venir chez moi. Ou peut-être devrais-je m’adresser directement à elle. Dit-il, se tournant vers la gouvernante, la scrutant avec curiosité. Il fit un pas dans sa direction, et lui demanda cérémonieusement : — Darcie, accepteriez-vous de travailler pour moi, dès demain ?

En dépit de ses défauts, ils avaient partagé un amour profond et George avait espéré la voir se trouver un bon parti. Il ne voulait pas la laisser orpheline et sans le sou. Mais rien ne jouait en la faveur de la jeune femme. Physiquement, elle avait hérité de la stature imposante de son père et de ses cheveux roux indisciplinés. Et malgré son doux visage et sa vive intelligence, qui voudrait d’une femme plus grande que lui pour épouse?

Darcie sourit en se remémorant la question qu’elle avait posée à son père le soir où elle avait dû se rendre à son premier bal. Avant même d'apparaître en tant que débutante, elle avaitsu qu’elle était loin de répondre aux canons de beauté de son époque. A côté de jeunes filles sveltes aux cheveux soyeux, elle avait ressemblé à un subtil mélange d’ogresse et de sauvageonne. Fort heureusement, son père avait renoncé– en grande partie par manque de moyens il faut bien l’avouer – à lui faire subir une deuxième saison.

Un regard qui continuait à la hanter, d’autant plus qu’elle allait être confronté à lui les mois qui allaient suivre. Comment survivrait-elle? Son excitation du début s’était muée en une peur sans précédent. Cet homme ne lui avait pas vraiment laissé le choix. Autant elle était heureuse de quitter les Wynter, autant elle craignait cet inconnu et ce qu’il lui réservait.

Aprèsl’éclat de la soirée, elle avait dû quitter dès le lendemain la maison des Wynter. Eva et sa mère la méprisaient clairement. Monsieur Wynter avait eu la gentillesse de lui louer une chambre dans un hôtel de la ville pour régler toutes ses affaires et Darcie en avait profité pour se renseigner sur son futur employeur.

Mais on savait très peu de chose sur Lord William Darkwood. Excepté qu'il avait un frère prénommé Julian et une petite sœur qu'ils élevaient ensemble depuis le décès de leurs parents. Il s'agissait de personnes extrêmement discrètes et qui sortaient très rarement en publique. Lorsque le jour fut venu, Darcie n’était guère rassurée par ses nouvelles fonctions. Mais elle était là, se dirigeant vers sa nouvelle vie.

Le fiacre eut une secousse et s'arrêta. Un grand portail s’ouvrit devant eux pour les laisser pénétrer dans une vaste allée bordéed’arbres à l’épais feuillage. Darcie se retourna sur son siège et observa deux hommes fermer les barreaux derrière elle, alors que la voiture s'ébroua à nouveau dans l’allée qui l’amenait au manoir. Elle se sentit prise au piège.