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Dans le paysage imaginaire de Virginia Woolf ces deux pôles entre lesquels sa vie s’inscrit ne sont jamais antinomiques. Ils s’attirent. Telles deux facettes constitutives de son être auquel l’élément aquatique contribue à donner une unité. Du côté de Londres comme du côté de St. Ives l’eau est partout. Omniprésente. Envahissante. Fascinante. Elle est ce par quoi tout commence et tout finit. L’éblouissement primal et la fascination ultime. St. Ives et la rivière de l’Ouse. L’enfance et la mort. Entre les deux, des romans envahis par les flots, scandés par le ressac, semblables à « des îlots de lumière » que Virginia aura à cœur de capturer dans ce mouvement même qui est celui de la vie.
Afficher en entierC’est dans cette propriété située dans le village de Rodmell non loin de Lewes que les Woolf se réfugieront pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans ce décor champêtre Virginia composera avec une aisance et une joie qui ne dureront pas l’ouverture maritime de ce roman en forme d’élégie. Par la magie de l’écriture, à trente ans d’intervalle, de nouveau tout est là. Inchangé. Les cris des enfants amortis par le ressac, le gros crabe froid qu’ils s’amusent à déloger, l’eau chargée de sable et le petit seau si lourd à bout de bras. Le paradis perdu à portée de la main. Telle est la force de l’écriture : abolir le temps, supprimer les distances, réunir les contraires. Sur la page blanche Virginia Woolf s’autorisera toutes les libertés et cherchera sa vie durant à retrouver la luminosité si particulière de ce site paré de tous les attraits : l’enfance.
Afficher en entierSi j’étais peintre, écrit-elle, je rendrais ces premières impressions en jaune pâle, argent et vert (…) Je représenterais des pétales recourbés ; des coquillages ; des choses semi-translucides ; je tracerais des formes arrondies à travers lesquelles on verrait la lumière, mais qui demeureraient imprécises.
Afficher en entierCe qu’elle préfère, ce sont les jours de régate. Tous ces drapeaux et ces petites personnes aussi agitées sur terre que sur mer qui donnent l’impression de s’être évadées d’un tableau français. Un pays où elle n’est encore jamais allée et qu’elle ne connaît que par une tante de sa mère qui prétend avoir du sang français dans les veines. Un fait fort exotique à ses yeux et dont elle ne manquera pas de s’enorgueillir. À St. Ives, Virginia rêve et accumule sans le savoir le terreau de son œuvre future. Chaque été elle se gorge jusqu’à en avoir le tournis de cette sensation de douceur et de plénitude qu’elle n’éprouve qu’ici.
Afficher en entierLa vie de Virginia commence par un éblouissement. Non pas la vie réelle mais la vie imaginaire à laquelle la romancière consacrera toute son existence. Dès l’enfance, il y a d’un côté la vie, de l’autre les rêves. Plus tard il y aura la réalité et les livres. Au départ un petit village au cœur des Cornouailles, province anglaise où Virginia passe ses vacances d’été en famille. St. Ives : le nom est à lui seul une invitation au rêve. La promesse d’un départ. La récompense de toute une année. Il faut avoir supporté les longs hivers pluvieux à Londres, s’être beaucoup ennuyé dans Kensington Square, avant de s’embarquer au mois de juillet pour une longue traversée jusqu’à ce petit village niché dans l’ongle du gros orteil de l’Angleterre. Comme toute famille victorienne qui se respecte, les parents de la petite Virginia Stephen ont deux maisons.
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