Extraits

« Il doit forcément être quelque part, putain ! rugit-il en frappant du poing sur son bureau, extériorisant ainsi toute sa frustration. Y a forcément quelque chose qui nous échappe. »

La culpabilité enfla dans le cœur de Kieran qui ressentait la terreur de ses pairs à travers le lien de meute qu’il partageait avec eux, même si l’odeur prégnante de la peur qui flottait dans l’air était un indice explicite.

« Le sourire qui accompagna cette réponse bouleversa Kieran. Le cœur battant, il plongea son regard dans celui étincelant d’Aly et lui rendit son sourire.

— Ton sourire est la plus belle chose que j’ai vue jusqu’à présent, murmura-t-il en lui caressant la joue du bout du pouce. Merci pour ce cadeau… »

« Son loup gémit de tristesse à cette pensée. Il le rassura : elle ne lui plaisait pas davantage. Il l’avait reconnu et accepté comme étant son Mehraí Thál’ee, son Unique. L’être créé par le destin pour être sa partie manquante, celui qui le complèterait comme personne d’autre ne pourrait jamais le faire. Il n’avait plus aucun doute là-dessus. »

Kieran et les deux Bêtas prirent place dans un fauteuil pour l’un, le canapé pour les autres. Vaughan, l’Exécuteur d’Aoden, chargé de traquer et tuer les loups dangereux et les hors-la-loi, préféra rester debout. Adossé contre le mur, les bras croisés, il observait en silence. C’est fou le nombre d’informations que la posture d’un corps pouvait révéler.

Les visiteurs étaient rares dans ce coin perdu du fin fond du Montana. La plupart du temps, il s’agissait de randonneurs égarés. Rien qui eût pu menacer la tranquillité de la petite communauté de Yaak Valley. Alors pourquoi ce jour aurait-il été différent ?

Après une douche, Vaughan tailla proprement sa barbe et enfila ses vêtements propres avant de descendre. Avisant River avachi dans le canapé, il lui tacla l’arrière du crâne, s’attirant un « retourne mourir, connard ! » courroucé. Il ricana et se laissa tomber à ses côtés.

La voiture fit une embardée et Vesper lâcha une bordée de jurons, inondant l’automobiliste qui manqua de lui couper la route de toute la panoplie d’insultes de son répertoire. S’il n’avait pas été sur le point de tourner de l’œil et de rendre tripes et boyaux sur les sièges en cuir du SUV, Vaughan en aurait ri…

— Où est le loup ? demanda River qui, jusqu’à présent, était resté en retrait.

— Il se repose.

— Pouvons-nous le voir ?

— Nous irons après, accorda l’Alpha.

— A-t-il dit quelque chose ? Que s’est-il passé là-bas ? insista Kieran.

— Nous n’en savons encore rien, soupira Aubrey. Ses paroles étaient incohérentes… Nous n’avons encore rien pu tirer de lui. J’ai envoyé une équipe de loups sur place, mais quand ils sont arrivés, il n’y avait déjà plus personne…

— Plus personne ? s’étonna Kieran. Tu veux dire qu’ils ont tous été enlevés ?

— C’est l’explication la plus logique.

— Cela change la donne, marmonna Kieran, réfléchissant à haute voix. Cela démontre que le cas de la meute de Yaak n’était pas un coup isolé. Je mettrais ma main au feu que ces deux attaques sont liées. Ce qui amène aux questions suivantes : combien de meutes clandestines existe-t-il dans le pays et combien entre elles ont été attaquées sans que nous en ayons connaissance ?

— La vraie question, renchérit Fohen, c’est comment parvenir à prévenir toutes ces meutes du danger qui les menace ? Clandestines ou non, elles méritent notre protection.

— Je suis d’accord, approuva Kieran. Putain ! J’ai vraiment l’impression qu’on nous prend pour des cons et je déteste ça ! Peux-tu nous emmener sur place ?

— Fohen va vous y conduire, accorda Aubrey. Je resterai ici au cas où le loup se réveillerait. Je vous tiendrai informés.

Kieran était un sanguin qui avait tendance à réagir à l’instinct : il cognait d’abord et réfléchissait après aux conséquences.