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- Avec Billy Guidraux et M. Hill Tauzin, dans ma Lincoln Confidential. Nous nous trouvons à une quinzaine de kilomètres au sud de Jackson Point. Dis-moi, tu crois que ce paquebot sur roues pourra arriver jusqu'au derrick ?
- Il n'a pas plu depuis plusieurs jours. Vous ne devriez pas avoir de problème. Et si vous vous embourbez, les gars de Dooley vous dégageront.
Il faisait allusion aux ouvriers qui travaillaient sur le site du forage.
- C'est aussi ce que je me suis dit. Quand est-ce que tu comptes nous rejoindre ?
Waters ne répondit pas immédiatement.
Afficher en entierLa sonnerie du téléphone lui parvint faiblement à travers les portes-fenêtres. Au bout d'une minute, il entendit Lily qui l'appelait 11 rentra et décrocha le combiné dans le bureau.
- Allô ?
- Mais c'est mon pote Rocky !
Personne excepté Cole Smith ne l'appelait ainsi, et à l'entendre son associé avait déjà ingurgité quelques scotchs.
- Où es-tu ? s'enquit Waters.
Afficher en entierLe souvenir de cette scène possédait toujours le même pouvoir destructeur sur l'âme de Waters, s'il se laissait aller à ouvrir les vannes de sa mémoire. C'est ainsi qu'il survivait depuis quatre ans, sans la moindre intimité sexuelle : avec toujours présente à l'esprit l'horreur vécue ce jour-là. Sa femme avait été blessée, aussi profondément, aussi sûrement qu'un soldat qui a reçu une balle en pleine poitrine, et lui devait vivre avec les conséquences de ce drame.
Afficher en entierDurant les quatre années qui avaient suivi ce jour, Waters s'était interdit de penser à ce qui s'était produit ensuite - pas plus d'une ou deux fois, en tout cas. Evelyn, la mère de Lily, lisait une revue dans le couloir, et elle s'était précipitée dans la salle d'examen quand sa fille avait commencé à hurler. Le médecin avait expliqué la situation de son mieux, et Evelyn avait tout fait pour réconforter sa fille. Et là, dans les deux minutes qu'il avait fallu au coeur du foetus pour cesser définitivement de battre, l'âme de la mère s'était brisée.
Afficher en entierA vingt heures trente ils montèrent coucher Annelise. John redescendit le premier et attendit Lily au pied de l'escalier, comme toujours. Il n'entretenait aucune illusion sur la suite. Sa femme l'embrassa brièvement, sans le regarder, et retourna dans l'alcôve terminer son courrier.
Afficher en entierPendant que le père et la fille travaillaient, Lily s'était installée dans l'alcôve, où elle avait coutume de prendre place pour payer les factures, et rédigeait une lettre destinée au ministère de l'Environnement et du Patrimoine, une tentative de plus dans sa campagne obstinée pour ajouter Linton Hill au Registre national. Waters admirait sa ténacité mais se souciait peu qu'une plaque en cuivre soit un jour apposée sur la façade de leur domicile. Il avait acheté Linton Hill parce que la maison lui plaisait, non pour se parer d'un blason quasi féodal prouvant son statut, comme tant de gens aisés à Natchez l'avaient fait.
Afficher en entierLily avait une formation de comptable, et ses capacités mathématiques étaient formidables, mais l'intelligence d'Annelise semblait tracer son propre chemin, comme celle de son père, et Lily elle-même le remarquait souvent.
Afficher en entierSur le chemin du retour, Waters s'arrêta à son bureau pour prendre les cartes et sa serviette, et il ne dit rien de son escapade à Lily quand il arriva chez eux.
Il s'installa à la table de la cuisine, à côté d'Annelise, et étudia les relevés qui, il l'espérait, décrivaient au mieux la structure souterraine autour du puits qu'il devait sonder durant la nuit. Pendant qu'il vérifiait toutes les données, sa fille bataillait avec ses exercices de mathématiques. De temps en temps elle riait de son «air sérieux», et il riait avec elle. Tous deux avaient la même tournure d'esprit et un sens de l'humour qui parfois excluait Lily. Waters s'était souvent demandé si ces similitudes étaient attribuables aux gènes ou aux rapports humains
Afficher en entierElle se tenait sur la ligne de touche du terrain de football, trop loin de lui pour que Waters la remarque vraiment. Comme pour les autres pères présents, sa première vision d'elle fut une silhouette aux courbes déliées, avec cette crinière noire qui rendait toutes les mères jalouses, sans raison précise. Il ne s'attarda pas à noter plus que cela. Il entraînait l'équipe de sa fille.
Afficher en entierEve Sumner fit son apparition au premier jour de l'automne. Pas le jour du début officiel de cette saison - il n'y avait rien d'officiel avec Eve -, mais celui où l'air, rafraîchi d'un coup, s'était infiltré sous la chemise de John Waters exactement comme s'il avait été torse nu. Il faisait soudain assez froid pour enfiler un blouson, mais il n'avait pu s'y résoudre parce qu'une chaleur étouffante avait sévi pendant trop longtemps, que l'air avait pris un goût métallique, et que son sang bouillait et coulait plus vite dans ses veines, accéléré par le changement de température et la chute de pression atmosphérique sur sa peau. Son pas était plus léger, le vent le poussait en avant, au fond de sa poitrine quelque chose s'éveillait, comme s'éveillent les cerfs au fond des bois tandis que les feuilles tirent sur leurs branches pour s'envoler. Bientôt on chasserait et on abattrait ces cerfs, on brûlerait ces feuilles rassemblées en tas, mais en ce premier jour tout restait inachevé, figé dans le grand ballet immobile de l'attente, telle une respiration suspendue. Et c'est comme apportée par cette première brise annonciatrice de l'automne que lui apparut Eve Sumner.
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