Extraits

C'est finalement au plus fort de l'hiver que j'ai compris qu'il existait en moi un invincible printemps.

L'amour peut-il triompher de la folie ? Certains morts demeurent-ils parmi nous ?

Au moment où il passe devant moi, je lui agrippe le bras. Tout son corps sursaute, effrayé.

-Il faut que je te parle. Là, tout de suite!

Ca sonne comme un ordre. Ce n'était pas mon attention, mais les mots sont sortis tous seuls de ma bouche. Il me regarde et je dois avouer qu'il a quelque chose d'assez fascinant. Et maintenant je sais: ses yeux! Il a un oeil bleu et un oeil vert. Comme David Bowie. Ma mère est folle de David Bowie depuis qu'elle est adolescente, et à cet instant je crois comprendre pourquoi.

Thomas regarde un moment son regard si envoûtant. Puis il me dit:

-Lâche-moi!

Il se dégage et s'éloigne.

Je lui cours après et le saisit de nouveau par le bras. Il continue d'avancer tranquillement tout en essayant de me faire lâcher prise.

Chapitre 7: page 42

Tu as déjà vécu un truc pareil ? Tu te réveille au milieu de la nuit, ta chambre est gelée, tu grelottes, tu claques des dents, ta couette est sur le sol, et tu as la nette impression que c'est la petite fille de ton rêve qui te l'a enlevée. Tu n'as peut être jamais senti une telle présence ? Moi si. Et crois-moi, non seulement ça me fiche la trouille, mais surtout, ça commence à me rendre folle. Je ne dors pas assez, car elle vient désormais toutes les nuits : elle se glisse dans mes rêves, me regarde de ses yeux implorants en criant quelque chose que je n'arrive pas à entendre, parce que ses mots sont couverts par un bruit infernal en arrière plan.

Au début, j'avais pitié d'elle. Maintenant, j'ai presque pitié de moi. Car elle me perturbe vraiment et je ne sais pas comment me débarrasser d'elle.

Soudain je sens un courant d'aire dans le bas de mon dos. Il y a quelqu'un derrière moi. Tout contre moi.

La peur revient, insidieuse. Je ne bouge pas.

Puis des lèvres se penchent ver mon oreille et chuchotent:

-Il y a un garçon qui aimerait te parler.

J'aperçois quelques médailles sur l'étagère au-dessus de son bureau. Je me lève pour mieux les voir.

-Tu fait du karaté?

Il hoche la tête. Ah, il n'est vraiment pas causant!

-Et tu te débrouilles bien? dis-je en donnant un coup de pied en l'aire.

Il saisie mon pied au vol.

-Oui, vachement bien!

Je suis en déséquilibre et je finis par tomber sur le lit de Thomas. La honte! Pendant quelques millièmes de secondes, on se regarde droit dans les yeux. Puis mon regard glisse sur son nez - un très jolie nez, d'ailleurs! - et sur ses lèvres. Et ses yeux, oh, mon Dieu... ils sont fascinants!

- Au fait, pourquoi tu as un oeil bleu et un oeil vert?

J'ai soudain l'impression que quelqu'un se tient dans l'embrasure de la porte et me regarde. Je prends mon courage à deux mains, me retourne et crie:

-Eh bien, approche, viens dans la lumière, petite fille !

"Il n'y a que deux façons de vivre sa vie : l'une en faisant comme si rien n'était un miracle, l'autre en faisant comme si tout était un miracle."

Je donnerais n'importe quoi pour être un type normal. Pour le devenir, il faut que je me tienne à distance des morts. Que j'évite de parler d'eux. C'est ma seule chance d'échapper aux médicaments et aux diagnostics de schizophrénie, psychose, hyperactivité, syndrome d'Asperger, trouble schizoïde, halluciantions, etc.

L'opération avait pour nom "Opération Carthage"...

- Carthage? Ca me fait penser à cette citation de Canton L'ancien, 150 av.J.C.:"Carthage doit être détruite..."

Il sourit, amusé, avant de répéter, en latin s'il vous plaît:

- Ceterum censeo Carthaginem esse delendam.