Ajouter un extrait
Liste des extraits
Nos souvenirs sont aussi mouvants qu'un tas de neige poudreuse en plein vent. Aussi trompeurs qu'une assemblée de fantômes s' interrompant les uns les autres. Seule demeure en moi la certitude que ma réalité n'est pas celle d'autrui. Partager un souvenir, c'est risquer d'entacher ma mémoire des faits. (...) Comme la fine pellicule de glace sur l'eau d'un étang, la vérité est trop fragile pour mériter notre confiance.
Afficher en entierIls disent que je dois mourir. Ils disent que j’ai volé à ces hommes leur dernier souffle et qu’ils doivent voler le mien. Comme si nous étions des bougies – je vois palpiter leurs flammes graisseuses dans l’obscurité et le mugissement du vent. Et je crois entendre des pas déchirer le silence. D’horribles pas qui viennent à moi, qui viennent pour éteindre et emporter ma pauvre vie dans un ruban de fumée grise. Je me disperserai dans l’air nocturne. Ils nous éteindront tous, un à un, jusqu’à ce qu’ils ne s’éclairent plus qu’à la lueur de leurs propres bougies. Où serai-je alors ?
Parfois, je crois revoir la ferme brûler dans la nuit. L’étau de l’hiver meurtrit mes poumons. Au loin, le feu se reflète dans la mer. L’eau ondule et semble vaciller sous les flammes. Je me suis retournée cette nuit-là. Un instant seulement, pour voir l’incendie. Quand je passe ma langue sur ma peau, je sens encore le goût du sel. Et l’odeur de roussi.
Il n’a pas toujours fait aussi froid.
J’entends des pas venir à moi.
Afficher en entierLa trahison d'un ami est pire que celle d'un ennemi.
Afficher en entierAprès l'avoir dévêtue, elle s'était attaquée à la crasse qui noircissait son corps. Agnes avait tenté de se laver seule, passant faiblement le linge mouillé sur ses membres émaciés, mais la crasse était si profondément incrustée dans sa peau qu'elle semblait avoir pénétré ses pores. Au bout d'un moment, Margrét avait retroussé ses manches, serré les dents et arraché le linge des mains d'Agnes. En la frottant, elle avait, malgré elle, cherché sur son corps les difformités dont Lauga la pensait affublée. Celles qui la désigneraient comme une meurtrière. Elle n'avait rien trouvé.
Afficher en entierJe m'abandonne au rythme de mon corps. La faux m'entraîne vers le bas, Elle plie et coupe, plie et coupe, mue par son propre poids. D'avant en arrière, d'arrière en avant, je ne suis plus que balancement. Offerte au soleil, emportée par le vent, tirée par la faux, entièrement livrée aux longs mouvements qui me poussent toujours plus loin. Même si je le voulais, je ne pourrais plus m'arrêter.
J'aime cette sensation, cette perte de contrôle. Osciller doucement d'avant en arrière. Oublier peu à peu ce qu'est l'immobilité. Comme au début avec Natan, quand mon coeur cognait à mes oreilles. Quand j'aurais pu mourir du bonheur d'être désirée. Quand l'odeur de son corps, mêlée à celle du soufre et des herbes pilées, à la sueur de son cheval et à la fumée de sa forge, me faisait trembler de plaisir. Frissonner d'anticipation.
Je m'enivre d'été et de lumière. J'aimerais manger le ciel par poignées entières. Plier, couper. Plier, couper. L'herbe gémit sous les faux qui glissent leurs doigts d'argent dans les épis.
Afficher en entier« Agnes jeta un regard à la marmite, puis s’affaissa brusquement au sol. Margrét crut d’abord qu’elle avait perdu connaissance – non : elle voulait boire. Penchée au-dessus du faitout, elle y puisait à pleines mains et s’abreuvait avec l’impatience d’une bête à l’étable. L’eau graisseuse coulait sur son menton et dans son cou avant de s’immiscer dans les plis crasseux de sa robe. Sans réfléchir, Margrét plaqua sa main sur le front de la jeune femme et la tira vivement en arrière. Agnes tomba en poussant un cri. L’eau gargouillait encore dans sa bouche de manière si pathétique que Margrét en eut le cœur serré. Les yeux mi-clos, la bouche ouverte, Agnes ressemblait à ceux que la boisson, la maladie ou un deuil trop brutal ont rendus fous. Elle gémit, frotta sa bouche et sa robe du plat de la main, puis elle se dressa sur ses coudes et tenta de se relever.
— J’avais soif.
Margrét poussa un long soupir. Son cœur cognait dans sa poitrine.
— Demandez-moi une tasse, la prochaine fois. »
Afficher en entierCette précision lui valut un regard incrédule, bientôt suivi d'un grand éclat de rire.
- Seigneur... Ils ont choisi une souris pour apprivoiser un chat.
Afficher en entierSeule compte l'opinion que les gens ont de vous. Elle définit qui vous êtes.
Afficher en entierQui ne lit pas est aveugle.
Afficher en entierNos souvenirs sont aussi mouvant qu'un tas de neige poudreuse en plein vent. Aussi trompeurs qu'une assemblée de fantômes s'interrompant les uns les autres. Seule demeure en moi la certitude que ma réalité n'est pas celle d'autrui. Partager un souvenir, c'est risquer d'entacher ma mémoire des faits.
Afficher en entier