Extraits

- Seigneur, Toby, qu'est-ce qui ne va pas ? Qu'est-ce que j'ai fait ?

- Qu'est-ce que tu as fait ? (Sa voix se brisa.) Tu as été parfait. Tu ne comprends pas ? Parfait, putain. Tu m'as donné des choses que j'ai désirées et dont j'ai rêvé toute ma foutue vie. Par ailleurs, je n'avais jamais connu ça sexuellement. Et maintenant, je suis juste censé... censé... quoi ? Me contenter de moins que ça ? Faire comme si rien n'avait changé, alors que tu as tout renversé ?

J’adore ça, putain. J’aime lui faire du mal, et je l’aime. Je suis haletant et en sueur, et mon cœur gronde, et je ne sais pas vraiment si je vais jouir, rire, pleurer ou… ou quoi. Je me mets de côté, regroupe les lanières, et lance le fouet vers lui avec tout ce que j’ai, les envoyant s’écraser sur lui comme des poignées d’aiguilles. Il sursaute et hurle, semble si puissant et désarmé à la fois, cet homme enchaîné qui encaisse la douleur pour moi, qui ne craint pas d’être faible pour moi, et n’a pas honte d’avoir peur. Le plus courageux, le plus fort, le plus bel homme que j’aie jamais rencontré. Puis je me débarrasse du fouet, et m’enroule autour de Laurie, me presse contre toutes les zones brûlantes et meurtries que j’ai laissées sur son corps, et il me dit :

— Oh, Seigneur, oui, Toby, touche-moi s’il te plaît.

Sa voix est si désespérée que je l’entends uniquement parce que je pense à la même chose.

Et je l’embrasse, le mords et l’égratigne avec mes ongles, et en fait, je pleure vraiment, mais quelque part, ce sont de bonnes larmes, qui font siffler Laurie quand je répands du sel sur toute sa peau irritée.

J’avais eu l’intention de le compter comme un étranger parmi d’autres, quelqu’un que je pouvais autoriser à soutirer de mon corps une de ces choses dont je mourais d’envie, en échange de ce jeu de soumission en ombres chinoises. Mais ce que nous nous étions presque donné mutuellement n’avait rien à voir. Pas étonnant que j’aie fui. Que pouvait-il se produire entre moi et cette créature fragile et féroce ? Avais-je un jour été aussi grave ou désespérément jeune, aussi à vif et brûlant d’envie ? Une envie dont l’étrange pouvoir m’enflammait également.

“This isn’t submission.” “Isn’t it?” “No.” He looks up at me, tired as well, but he’s never looked more beautiful to me than in this moment, strong and open and unafraid like when he surrenders his body. “It’s love.”

« — L’un des quelques avantages de vieillir, c’est que tu finis par t’apercevoir que certaines choses ne valent simplement pas la peine de t’en soucier. […] »

« La pire chose dans le fait d’être assez vieux pour avoir un peu de jugeote, c’était de vous rendre compte que vous ne l’étiez pas. »

« Je n’avais pas envie de me lancer dans le processus complexe des excuses. Cette terrible impuissance qu’on ressent quand on est incapable de faire quoi que ce soit à part attendre une clémence qu’on ne peut gagner et qu’on ne mérite pas. Je détestais être pardonné presque autant que je craignais le rejet. Ça donnait trop le sentiment d’avoir une dette qu’on ne pouvait pas payer. »

« Au beau milieu d’une fête dans l’est de Londres, sous les yeux d’innombrables inconnus, pour un gamin de dix-neuf ans à qui je n’avais même pas pris la peine de demander son prénom, je rassemblai le peu de grâce dont je pouvais me souvenir, et me mis à genoux. Je joignis les mains derrière mon dos. Certains doms, peut-être même la majorité, auraient probablement souhaité que je baisse la tête, mais je ne savais pas encore avec certitude pour qui je le faisais, et je voulais, moi, le regarder. La pièce sembla se figer, car personne ne m’avait jamais vu dans cette position auparavant. J’avais saigné et hurlé, mais jamais posé un genou par terre. Et dans ce silence, mon gamin retint son souffle. C’était comme avoir sa bouche sur ma bite. Il avait les yeux écarquillés, aussi opaques qu’un vitrail le jour le plus éclatant qu’on puisse imaginer. Il chancela légèrement et posa une main contre le mur pour se stabiliser. »

« Je ne sais même pas comment décrire cet homme. Je ne suis même pas sûr qu’il y ait un mot pour cela. Pas un que j’aurais déjà entendu, en tout cas. Je les parcours mentalement comme si je l’aidais à les essayer tels des habits, mais aucun ne lui va. Il n’est pas séduisant, ni mignon. « Beau » n’est pas le bon terme non plus, parce qu’il ne l’est pas. En fait, je pense qu’il est peut-être vaguement laid, mais quoi qu’il en soit, le regarder fait pétiller mon estomac comme du paracétamol dans du Pepsi. Il a l’air d’un loup, plutôt sérieux, buriné et un peu trop tout ; il a le nez trop long, la bouche trop large et le menton trop pointu. Il a du gris dans les cheveux et, de profil, il a l’air affreusement dur, tout en lignes et en angles, bourré de secrets. Et il émane de lui cette drôle de distance. Il n’est pas froid – pas exactement –, mais il a ce côté presque sauvage, comme lorsque vous regardez un documentaire sur la nature, que vous voyez un documentaire sur la nature, que vous voyez un tigre et que vous vous dites Seigneur, c’est magnifique, et mon Dieu, il pourrait carrément m’arracher le visage en même temps. Ce n’est pas quelque chose sur lequel vous pouvez mettre le doigt, comme la taille (même s’il est plus grand que moi) ou la puissance (même s’il est plus fort que moi), mais il y a quelque chose. Ce pouvoir. Comme si sa banalité était juste un masque qu’il porte. Je l’ai observé toute la soirée. Littéralement incapable de cesser de le contempler. Et de le désirer, d’imaginer en boucle le porno pervers de toutes les saloperies tordues que je veux lui faire. Sans jamais rêver un seul instant qu’il puisse m’y autoriser. »

« Mais dans ma tête, je fais environ un mètre quatre-vingt-dix, je suis sexy, redoutable, et certainement pas mignon, putain. Si j’avais le choix, je voudrais lui ressembler, et c’est une pensée étrange. Comme s’il existait une zone confuse de désir sexuel où vouloir baiser quelqu’un déborde jusqu’à l’envie d’être cette personne. Ou le contraire. »

C'est une journée d'un éclat cristallin, de celles qui donnent l'impression que l'hiver craque comme un œuf et que le printemps se déverse de toutes parts.