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Extrait

Extrait ajouté par Maririe 2021-11-05T11:52:47+01:00

CHAPITRE 1 :

Telle est ma décision. Et elle est irrévocable, annonça l’homme installé à son écritoire.

Il était déjà retourné à son livre. Ses deux enfants quittèrent la pièce en refermant la porte derrière eux.

— Notre présence est indésirable, marmonna le garçon. Il ne se soucie pas de ce que nous voulons.

— Ce n’est pas nouveau, rétorqua la fille, il ne s’intéresse qu’à ses livres et ses parchemins.

— Je ne veux pas être chevalier ! protesta le garçon en donnant un coup de poing sur le mur. Je veux être un grand sorcier ! Je veux terrasser les démons, côtoyer les dieux…

— Et moi, tu crois que je veux devenir une dame de la cour ? lança sa sœur. Marche lentement, Alanna, mima-t-elle d’un air pincé. Tiens-toi droite, Alanna, redresse les épaules. Comme si je n’étais bonne qu’à cela ! s’énerva-t-elle en faisant les cent pas. Il doit y avoir une solution.

Le garçon observa sa sœur. Thom et Alanna de Trebond étaient jumeaux, avec des cheveux roux et des yeux d’une étrange nuance violette. La seule différence entre eux, la seule du moins qui permettait de les distinguer, était la longueur de leurs cheveux. Mais leurs visages, leurs silhouettes étaient parfaitement identiques.

— Regarde les choses en face, affirma Thom à Alanna. Demain, tu pars pour le couvent, moi je vais au palais. C’est comme ça.

— Pourquoi est-ce toi qui aurais la meilleure part ? se lamenta-t-elle. Je vais être obligée d’apprendre à coudre et à danser. Et toi on va t’enseigner les joutes, le combat à l’épée…

— Tu t’imagines que j’aime ça ? se récria-t-il. J’ai horreur de prendre des coups et d’en donner ! C’est toi qui adores ça, pas moi !

— Tu aurais dû être Alanna, fit-elle avec un sourire. C’est aux filles qu’on apprend la magie …

L’idée la frappa si soudainement qu’elle en perdit un instant le fil de son discours.

— Thom ! J’ai trouvé !

D’après l’expression de sa sœur, Thom comprit qu’elle allait encore lui exposer une idée folle.

— Et peut-on savoir quoi ? lui demanda-t-il, l’air méfiant.

Alanna vérifia d’un coup d’œil qu’aucun serviteur n’était dans les parages.

— Demain, Père va nous confier les lettres d’introduction pour nos maîtres au palais et au couvent. Tu n’as qu’à imiter son écriture et en rédiger de nouvelles où il sera écrit que nous sommes deux garçons. Tu iras au couvent. Précise dans ta lettre que tu es destiné à être sorcier. Les Filles de la Déesse qui résident au couvent initient les jeunes garçons à la magie, n’est-ce pas ? Quand tu seras plus grand, elles t’enverront chez les prêtres. Moi, j’irai au palais et j’apprendrai à devenir chevalier !

— C’est insensé, protesta Thom. Et tes cheveux ? Tu ne pourras pas non plus aller nager nue. Et tu deviendras femme, tu sais bien, avec des seins, et le reste.

— Je me couperai les cheveux, répliqua-t-elle. Quant au reste, comme tu dis, je me débrouillerai quand cela arrivera.

— Mais Coram, et Maude ? Ils vont voyager avec nous, et ils savent très bien que nous ne sommes pas deux garçons.

Elle se mordilla le pouce tout en réfléchissant.

— Je vais menacer Coram de lui jeter un sort s’il révèle quoi que ce soit, conclut-elle. Il a horreur de la magie, ça devrait suffire. Et nous pourrons peut-être convaincre Maude.

Thom réfléchit à son tour, yeux baissés.

— Tu crois qu’on pourrait lui parler ? murmura-t-il.

Alanna considéra le visage plein d’espoir de son jumeau. Sa raison lui dictait d’arrêter tout cela avant que la situation ne soit irréversible, mais son désir était trop fort.

— Si tu ne perds pas ton sang-froid, lui recommanda-t-elle.

Et si je ne le perds pas non plus, songea-t-elle.

— Et Père ? l’interrogea-t-il, ses pensées le conduisant déjà à la Cité des Dieux.

— Il nous oubliera, quand nous serons partis, l’assura Alanna en secouant la tête avant de scruter Thom. Tu veux vraiment être sorcier ? Cela signifie des années d’études et de travail pour nous deux. Tu en auras le courage ?

— Dis-moi ce qu’il faut faire ! lança Thom avec fermeté, en rajustant sa tunique.

— Allons trouver Maude, dit Alanna.

Maude, la guérisseuse du village, écouta sans mot dire. Quand Alanna se tut, la femme se retourna vers la porte et regarda dehors pendant de longues minutes. Puis elle reposa ses yeux sur les jumeaux.

Ils l’ignoraient, mais Maude était confrontée à un dilemme. Elle leur avait transmis toute sa science de la magie. Ils étaient capables d’en apprendre bien plus, seulement il n’y avait pas d’autres enseignants à Trebond. Thom voulait tout connaître de la magie, mais il n’aimait pas les gens. Il écoutait Maude uniquement parce qu’il était convaincu qu’elle avait encore des choses à lui enseigner. Il haïssait Coram, l’autre adulte qui s’occupait des jumeaux, car à ses yeux, il avait l’impression d’être stupide. La seule personne au monde qu’aimait Thom, à part lui-même, était Alanna. Maude pensa à celle-ci et soupira. La fille était très différente de son frère, elle avait peur de son pouvoir magique. Il fallait pousser Thom pour qu’il aille à la chasse, et ruser avec Alanna, l’enjôler afin qu’elle accepte de lancer des sorts.

Maude attendait avec impatience le jour où une autre personne prendrait les jumeaux en charge. Il semblait bien aujourd’hui que les dieux désiraient une dernière fois la tester avant le départ des enfants.

— Je ne peux pas prendre une telle décision sans aide, expliqua-t-elle en hochant la tête. Je dois essayer d’avoir la Vision, dans le feu.

— Je croyais que tu en étais incapable, objecta Thom en fronçant les sourcils. J’étais persuadé que tu savais seulement guérir.

Maude essuya la sueur qui perlait à son visage. Elle avait peur.

— Ce que je peux faire, ou ne pas faire… quelle importance ? trancha-t-elle. Alanna, apporte du bois. Thom, de la verveine.

Ils se précipitèrent, suivant ses instructions à la lettre. Alanna revint la première pour ajouter du bois au feu qui brûlait déjà dans l’âtre. Thom la suivit de près, avec des feuilles de verveine, l’herbe sacrée.

Maude s’agenouilla devant le feu et fit signe aux enfants de prendre place à ses côtés. La sueur dégoulinait dans son dos. Les gens qui essayaient de se servir de la magie sans que les dieux la leur aient donnée mouraient souvent, dans d’atroces souffrances. Maude fit une prière silencieuse à la Grande Déesse Mère, lui jurant un comportement exemplaire le reste de sa vie si Elle avait la mansuétude de la protéger pendant cette épreuve.

Elle jeta les feuilles sur les bûches, ses lèvres prononçant silencieusement les paroles sacrées. Le pouvoir émanant d’elle et des jumeaux envahit lentement le feu. Les flammes devinrent vertes par celui de Maude, violettes par celui des jumeaux. La femme prit une profonde inspiration, saisit les mains gauches des enfants et les plongea dans le feu. Le pouvoir s’infiltra dans leurs bras. Thom gémit et se tortilla sous la douleur du sortilège qui l’envahissait peu à peu. Alanna se mordit la lèvre inférieure jusqu’au sang, combattant la douleur à sa manière. Maude, les yeux grands ouverts et vides, maintenait leurs mains entrelacées dans les flammes.

Soudain, Alanna fronça les sourcils. Une image se formait dans le brasier. C’était impossible. Elle n’était pas censée Voir. Cela aurait dû être réservé à Maude seule, qui avait jeté le sort.

Défiant toutes les lois de la magie qu’Alanna avait apprises, l’image grandissait et s’amplifiait. C’était une cité tout en pierres noires et brillantes. Alanna se pencha en avant, plissant les yeux pour mieux observer. Jamais elle n’avait vu pareille ville. Le soleil illuminait des murs et des tours scintillants. Alanna avait peur, une peur d’une intensité jamais encore éprouvée…

Maude relâcha les jumeaux. L’image s’évanouit. Alanna, très secouée, était glacée. Que représentait donc cette ville ? Où se trouvait-elle ?

Thom examina sa main : pas de brûlure, ni la moindre trace pour prouver que Maude avait maintenu leurs mains dans le feu pendant de longues minutes.

Maude se recula vivement. Elle avait l’air vieille et fatiguée.

— J’ai vu beaucoup de choses que je ne comprends pas, chuchota-t-elle. Beaucoup de choses…

— As-tu vu la ville ? la coupa Alanna.

— Je n’ai pas vu de ville, répondit Maude en la regardant d’un œil acéré.

— Tu as donc eu une vision ? demanda Thom à Alanna, curieux. Mais c’est Maude qui a lancé le sort…

— Non ! s’écria Alanna, je n’ai rien vu ! Rien !

Thom décida d’attendre et de lui en reparler quand elle n’aurait plus cet air terrifié. Il se retourna vers Maude.

— Alors ? l’interrogea-t-il.

— Très bien, soupira la femme. Demain, Thom et moi irons à la Cité des Dieux.

Le lendemain à l’aube, lord Alan confia une lettre scellée à chacun de ses enfants, ainsi que sa bénédiction. Puis il donna ses instructions à Coram et à Maude. Coram ne connaissait pas encore le changement de plan. Alanna n’avait pas l’intention de le lui révéler avant qu’ils ne soient loin de Trebond.

Lord Alan les ayant congédiés, Maude conduisit les jumeaux dans la chambre d’Alanna pendant que Coram préparait les chevaux. Les lettres furent rapidement ouvertes et parcourues.

Lord Alan confiait son fils aux bons soins du duc Gareth de Naxen et sa fille à ceux de la Fille supérieure du couvent. L’argent couvrant leurs frais d’entretien serait envoyé chaque trimestre jusqu’à ce que leurs maîtres estiment venu le temps de les renvoyer chez leur père. Celui-ci était accaparé par ses études et s’en remettait en tout au jugement du duc et de la Fille supérieure. Il était leur débiteur, lord Alan de Trebond.

Bon nombre de lettres semblables arrivaient au couvent et au palais chaque année. Toutes les filles des familles nobles étudiaient dans des couvents jusqu’à l’âge de quinze ou seize ans, puis se rendaient ensuite à la cour pour prendre époux. En général, le fils aîné d’une famille noble apprenait le savoir-faire et les devoirs d’un chevalier au palais du roi. Les cadets pouvaient soit y suivre leurs frères, soit aller au couvent puis aux cloîtres des prêtres, au sein desquels ils étudiaient religion ou sorcellerie.

Thom imitait l’écriture de son père à la perfection. Il rédigea deux nouvelles lettres, l’une pour « Alan », l’autre pour lui-même. Alanna les lut attentivement, soulagée de constater qu’il était impossible de discerner une quelconque différence entre le travail de Thom et l’original. Le garçon arbora un sourire de satisfaction à l’idée que la supercherie ne serait peut-être pas découverte avant des années.

Pendant que Thom revêtait une tenue de voyage, Maude s’occupa de l’apparence d’Alanna. Cette dernière enfila une chemise, une culotte et des bottes. Puis Maude lui coupa les cheveux.

— Il faut que je te dise quelque chose, commença-t-elle au moment où la première boucle tombait sur le sol.

— Quoi ? demanda Alanna avec véhémence.

— Tu as un don de guérisseuse. Il est plus puissant que le mien, plus puissant que tous ceux que j’aie jamais connus. Et tu as d’autres pouvoirs magiques, que tu apprendras à utiliser. Mais le don de guérir… c’est le plus important. J’ai fait un rêve la nuit dernière. C’était un avertissement, aussi clair que si les dieux m’avaient en personne hurlé dans l’oreille.

Alanna, se représentant la scène, ne put retenir un petit rire étouffé.

— On ne doit pas se moquer des dieux, la réprimanda Maude avec sévérité. Mais tu le découvriras bien assez tôt par toi-même.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Qu’importe. Écoute. As-tu déjà pensé aux vies que tu prendras quand tu iras accomplir tes exploits ?

— Non, admit-elle en se mordant la lèvre.

— Je m’en doutais. Tu ne vois que la gloire. Mais sache que pour cela des vies seront ôtées, des familles se retrouveront sans père et plongées dans l’affliction. Réfléchis avant de te battre. Réfléchis contre qui tu te bats, ne serait-ce que parce que, un jour, tu rencontreras ton égal. Et si tu veux payer pour ces vies que tu prendras, utilise ton pouvoir de guérisseuse. Autant que tu peux, le plus possible, sinon tu ne libéreras pas ton âme du poids de la mort pendant des siècles. Il est plus difficile de soigner que de tuer. Seule notre Déesse Mère le sait, mais tu as un don pour les deux, ajouta Maude en brossant rapidement les cheveux courts d’Alanna. Garde ton capuchon sur ta tête, mais tu ressembles assez à Thom pour tromper tout le monde, à part Coram.

Alanna se regarda dans le miroir. Son jumeau la scrutait, ses grands yeux violets dévorant son visage pâle. Satisfaite, elle s’enveloppa dans son manteau. Après un dernier coup d’œil au garçon dans la glace, elle suivit Maude dans la cour. Coram et Thom les attendaient, déjà en selle. Thom remit de l’ordre dans ses jupes, avec un clin d’œil à sa sœur.

Maude retint Alanna avant qu’elle n’enfourche son poney dodu affectueusement nommé Tonnelet.

— Soigne, ma fille, conseilla la femme. Soigne et guéris le plus possible, ou tu le paieras. Les dieux veulent que les dons dont ils nous font grâce soient utilisés.

Alanna se mit en selle et caressa l’encolure de Tonnelet d’une main rassurante. Le poney, reconnaissant le jumeau qui le montait habituellement, arrêta de s’agiter. Quand c’était Thom, il réussissait souvent à le désarçonner.

Les jumeaux et les deux serviteurs firent leurs adieux aux gens du château rassemblés pour leur départ. Ils passèrent lentement la grande porte du château, Alanna faisant de son mieux pour imiter la moue boudeuse de Thom, du moins celle qu’il aurait arborée s’il devait se rendre au palais. Thom baissait la tête, pour cacher son visage. Personne n’ignorait ce que ressentaient les jumeaux à l’idée d’être envoyés au loin.

La route qui partait du château s’enfonçait rapidement dans une végétation dense et un paysage rocheux. Dans quelques jours ils traverseraient les forêts inhospitalières des monts Grimhold, qui formaient l’imposante frontière naturelle entre Tortall et Scanra. Cette terre était familière aux jumeaux. Alors qu’elle pouvait sembler sombre et hostile aux gens du Sud, pour Alanna et Thom elle serait toujours leur terre natale.

Au milieu de la matinée, ils atteignirent l’endroit où le chemin de Trebond rejoignait la Grand-Route. Les hommes du roi patrouillaient sur cette dernière, qui conduisait au nord vers la lointaine Cité des Dieux. Thom et Maude prendraient cette direction. Alanna et Coram se dirigeraient vers le sud, en direction de Corus, la capitale, et du palais royal.

Les deux serviteurs s’éloignèrent pour faire leurs adieux et laisser un peu d’intimité aux jumeaux. Comme Thom et Alanna, Coram et Maude ne se reverraient pas avant des années. Maude retournerait certes à Trebond, mais Coram devrait rester avec Alanna, en tant que serviteur attaché à sa personne durant son séjour au palais.

Alanna considéra son frère et esquissa un léger sourire.

— Ça y est, dit-elle.

— J’aimerais pouvoir dire : « Amuse-toi bien », lâcha Thom avec franchise, mais je ne vois pas comment on peut passer de bons moments en apprenant à être chevalier. Bonne chance quand même. Si on se fait prendre, on risque gros.

— Personne ne nous démasquera, mon cher frère, l’assura-t-elle en se rapprochant pour lui serrer les mains très fort. Bonne chance, Thom. Sois vigilant.

— Beaucoup d’épreuves t’attendent, constata Thom. C’est surtout à toi d’être vigilante.

— Je les surmonterai, affirma Alanna.

C’était là pure bravade, elle en était consciente, mais Thom eut l’air satisfait d’entendre ces mots, comme s’il en avait eu besoin. Ils firent faire demi-tour à leurs montures et rejoignirent les adultes.

— Allons-y, intima Alanna à Coram.

Maude et Thom prirent l’embranchement gauche de la Grand-Route, Alanna et Coram le droit. Alanna s’arrêta soudain et se retourna pour regarder son frère s’éloigner. Elle chassa la brûlure qui montait dans ses yeux, mais ne put s’empêcher de garder la gorge serrée. Elle sentait que Thom serait très différent quand elle le reverrait. Avec un soupir, elle dirigea de nouveau Tonnelet vers la route de la capitale.

Coram, l’air maussade, pressa l’allure de son hongre imposant. Il aurait tout donné plutôt que d’escorter un garçon chichiteux au palais. Autrefois, il était l’un des plus rudes soldats de l’armée royale. Aujourd’hui, il serait la risée de tous. Les gens verraient bien que Thom n’était pas un guerrier, et ils en blâmeraient Coram, censé lui avoir enseigné les rudiments de l’art de la guerre. Il chevaucha des heures sans un mot, perdu dans ses sinistres pensées, trop déprimé pour remarquer que Thom était également silencieux, lui qui habituellement se plaignait après une heure à cheval.

Coram était forgeron, mais dans le passé, il avait été l’un des meilleurs fantassins du roi, avant de retourner au château de Trebond où il était devenu homme d’armes. Il désirait se retrouver en compagnie de soldats, mais pas au risque que l’on se moque de lui parce que son jeune maître était un gringalet. Pourquoi Alanna n’était-elle pas un garçon ? C’était elle, le guerrier. Coram lui avait également donné des leçons, parce que enseigner à l’un était enseigner à l’autre. Ces pauvres petites créatures orphelines de mère ne se séparaient jamais. Puis il avait commencé à apprécier les leçons qu’il lui prodiguait. Elle apprenait vite et bien, mieux que son frère. De tout son cœur, Coram Smythesson rêvait aujourd’hui, comme il l’avait fait dans le passé, qu’Alanna fût le garçon.

Il était sur le point d’être exaucé, finalement, par des voies détournées. Le soleil tombait à la verticale, c’était l’heure du repas de midi. Coram grogna des ordres à l’enfant enveloppé dans son manteau. Ils descendirent de leurs montures pour s’installer dans une clairière près de la route. Sortant du pain et du fromage de ses fontes, il les coupa et en tendit des morceaux à l’enfant. Il prit aussi la gourde de vin accrochée au pommeau de sa selle.

— Nous serons à l’auberge au crépuscule, peut-être avant, grommela-t-il. Jusqu’ici, faudra se contenter de ça.

— Ça me va très bien, dit Alanna en ôtant son lourd manteau.

Coram s’étrangla et recracha le liquide qu’il allait avaler. Alanna dut lui taper dans le dos pour qu’il puisse reprendre son souffle.

— C’est du brandy ? murmura-t-il en considérant la gourde, avant de revenir à son problème immédiat. Par le Dieu noir ! rugit-il, des taches écarlates se formant sur son visage. On rentre sur-le-champ, et j’vas te tanner le cuir ! Où est ton satané frère, ce maudit rejeton du démon ?

— Coram, calme-toi, l’enjoignit-elle. Bois encore.

— Je ne veux pas boire, aboya-t-il. J’veux vous tanner l’cuir à tous les deux, jusqu’à ce que vous soyez secs comme des coups d’trique !

Il engloutit néanmoins une lampée considérable de la gourde.

— Thom est en route avec Maude pour la Cité des Dieux, expliqua Alanna. Elle pense que nous suivons la bonne voie.

Coram jura dans son giron.

— Cette sorcière ne peut qu’être d’accord avec de sales petits sorciers comme vous. Qui se ressemble s’assemble. Et votre père, qu’est-ce qu’il en dit ?

— Pourquoi devrait-il jamais l’apprendre ? l’interrogea Alanna. Coram, tu sais bien que Thom ne veut pas être chevalier. Et que moi, je le veux.

— Vous voudriez être des ours savants tous les deux que je m’en moquerais complètement ! s’excita Coram en avalant une nouvelle gorgée de sa gourde. Tu es une fille.

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