Extrait

La lune atteint son apogée quand je rejoins le cercle de pierres. Je n’ai croisé personne en venant, ce qui est une bonne chose. Je ferme mon esprit à Sean. Il envahit sans cesse la moindre de mes pensées, incitant mes pieds à rebrousser chemin, espérant le retrouver dans la même position dans laquelle je l’ai laissé.

Si Belisama existe, je vais lui demander avec moult ferveur de m’accorder ce vœu. J’y crois. Mes ancêtres, dit-on, ont sacrifié à Belisama leur liberté pour leur pays, en retour elle leur a offert la grâce et la beauté à eux, et à leur descendance, leur assurant réussite et prospérité. Me considérant, il y a dû avoir un raté dans la réalisation de ce vœu. Je me dépêche. Je tremble de froid. De l’étang tout proche s’entend le croassement de mes consœurs les grenouilles, et les bruits propres à la nuit, alors que s’élève au loin les chants et la musique, les braillements et les éclats de voix. Je suis en train de rater mon anniversaire, mais c’est pour la bonne cause. Va-t-on s’apercevoir de mon absence?

Je vide mon esprit, me retrouvant au milieu du cercle de pierres pluriséculaire de notre bosquet sacré. Je dois formuler parfaitement mon vœu, ne laisser aucune place à l’imprévu, pour bien circonscrire les effets. Je ne suis pas une femme libre, donc je n’ai pas ma liberté à sacrifier. J’ai ma jeunesse. Mais Belisama n’est pas du genre pervers selon la tradition orale. C’est la déesse de la lumière. Des esprits éclairés comme moi.

La lune inonde le cercle, parfaitement. Aucune ombre. Je commence à psalmodier :

« Déesse de la lumière, Belisama, la plus belle d’entre les belles, la plus sage d’entre les sages… »