Extraits

Minerva serra le téléphone comme si c'était le cou d'Artemis lui-même.

- Vous m'avez tendu un piège ! s'exclama-t-elle, la vérité lui apparaissant soudain. Vous m'avez laissé capturer votre démon !

Mais Artemis ne répondit rien. A contrecoeur, il avait refermé le point sur son téléphone. En général, surpasser un adversaire un adversaire lui procurait une sensation de chaleur enivrante, mais berner Minerva Paradizo lui donnait simplement l'impression d'être un faux jeton. Il y avait une certaine ironie dans le fait de se sentir malhonnête, à présent qu'il était devenu quelqu'un de bien.

Butler, perché sur le monticule de terre, lui lança un regard.

- Comment ça s'est passé ? demanda-t-il. C'est votre première longue conversation avec une fille de votre âge.

- Fabuleux, répondit Artémis d'un ton sarcastique. On a l'intention de se marier en juin.

-J'ai dit que tu était intelligent, Bonhomme de Boue. J'avais tort. Tu es exceptionnel. Même dans le tunnel temporel, tu manigançais quelque chose. Ainsi donc tu as volé un peu de magie?

Artemis haussa les épaules, refermant les doigts sur les étincelles.

-Elle flottait autour de moi. Je me suis demandé ce qui se passerait si je la saisissais.

Qwan le regarda en plissant les yeux.

-A présent, tu sais. Tu t'es transformé. Tu es devenu une créature magique, comme nous. J'espère que tu saura utiliser ce don avec sagesse.

-Il ne manquait plus que ça, gémit Holly. Artemis Fowl doté de pouvoirs magiques!

Vous pourrez toujours accumuler les prix, démontrer tous les théorèmes que vous voudrez, cela ne suffira pas à vous faire aimer des autres.

Foaly activa un écran mural puis l'effleura légèrement pour accéder au programme qu'il cherchait.

-J'aime beaucoup ces nouveaux écrans à gaz, dit-il avec un petit rire.Des pulsions électrique chauffent les particules à différentes températures qui modifient les couleurs des gaz et forment ainsi des images.Bien sur, c'est beaucoup plus compliqué que ça, mais j'essaye de simplifier pour le bagnard.

-J'ai été complètement blanchi, protesta Mulch.Vous le savez très bien.

-Les charges ont été abandonnées, fit remarquer Foaly, mais vous n'avez pas été blanchi.C'est différent.Légèrement.

-Oui, tout comme un âne et un centaure sont différents.Légèrement.

-Comment trouvez-vous mon plan, jusqu'ici ?

-Je n'aime pas le début et je ne connais pas la fin. J'espère donc que la partie centrale est extraordinaire.

-Ne vous inquiétez, répondit Artemis. Elle l'est.

<< - C'était Maria ? demanda Artemis en imitant à la perfection le ton d'une conversation banale.

Mais Butler n'était pas dupe. Artemis posait rarement des questions banales.

- Oui c'était Maria. Vous le savez déjà car je l'ai appelé par son nom. D'habitude, vous ne posez pas autant de questions sur les chauffeurs de limousine. Ca fait la quatrième en un quart d'heure. Est-ce que Maria va venir nous chercher ? D'après vous, où se trouve Maria en ce moment ? A votre avis, quel âge a Maria ?

Artemis se massa les tempes.

- C'est à cause de cette maudite puberté, Butler. Chaque fois que je vois une jolie fille, je perds une précieuse partie de mon cerveau à penser à elle. Cette fille à la terrasse du restaurant, par exemple. J'ai regardé dans sa direction une bonne douzaine de fois en quelques minutes. >>

(...) Butler tapota l'épaule de son protégé.

- Il est tout à fait normal d'être distrait par les jeunes filles. Très naturel. Si vous n'aviez pas consacré autant de temps à sauver le monde ces dernières années, cela se serait produit plus tôt. >>

Soudain, Artemis se figea sur place. En plein milieu de la circulation. Butler lança un regard noir en direction des voitures qui roulaient sur trois files, une centaine d'automobilistes exaspérés écrasants leurs klaxons.

- Je sens quelque chose, murmura Artemis. De l'électricité.

- Ne pourriez-vous pas la sentir de l'autre côté de l'avenue ? demanda Butler.

Artemis tendit les bras, ses paumes parcourues de picotements.

- Il a fini par venir, mais à plusieurs mètres de l'endroit prévu. Il y a quelque part une constante qui n'est pas constante.

Une forme se dessina dans l'air. Une gerbe d'étincelles surgit de nulle part et une odeur de souffre se répandit. Au coeur des étincelles apparut une chose verdâtre avec des yeux aux reflets d'or, d'épaisses écailles et de longues oreilles en formes de cornes. Elle sortit du néant et atterrit sur la chaussée.

DOUDADAIS

HAVEN-VILLE, MONDE SOUTERRAIN

La carrière d'elfe détective de Holly Short ne se déroulait pas aussi bien qu'elle l'avait espéré. Cela était surtout dû au fait que l'émission d'actualités la plus regardée du monde souterrain lui avait consacré non pas un mais deux dossiers spéciaux au cours des derniers mois. Il était difficile de passer inaperçue alors que son visage apparaissait sans cesse dans les rediffusions des chaînes câblées.

- Chirurgie esthétique ? suggéra une voix dans sa tête. Cette voix n'était pas un premier signe de folie. C'était celle de son associé, Mulch Diggums, qui lui parlait dans son écouteur.

- Quoi ? dit-elle, sa propre voix retransmise par une puce minuscule, couleur chair, collée à sa gorge.

- J'ai sous les yeux une affiche de votre célèbre visage et je pense que vous devriez subir une opération de chi­rurgie esthétique si vous voulez continuer à travailler. Et je parle d'un vrai travail, pas de ces petites affaires de chasse à la prime. Rien n'est plus méprisable qu'un chas­seur de primes.

Holly soupira. Son nain d'associé avait raison. Même les délinquants étaient considérés comme plus dignes de confiance que les chasseurs de primes.

- Quelques implants, un nouveau nez, et vos meilleurs amis eux-mêmes ne vous reconnaîtront pas, poursuivit Mulch Diggums. De toute façon, vous n'êtes pas vrai­ment un prix de beauté.

- Laisse tomber, répliqua Holly.

Elle aimait beaucoup son visage tel qu'il était. Il lui rappelait sa mère.

- Vous pourriez vous teindre la peau. En vert, par exemple, pour avoir l'air d'un lutin volant.

- Mulch ? Tu es en position ? lança sèchement Holly.

- Ouais, répondit le nain. Vous avez repéré l'individu ?

- Non, il n'est pas encore levé, mais ça ne va pas tarder. Alors, cesse de bavarder et tiens-toi prêt.

Artemis et Butler eurent la chance de trouver un vol pour Nice sur un avion d'Air France. A dix heures, ils avaient pris une suite au Negresco et dégustaient un café avec des croissants sur la promenade des Anglais.

Holly n'avait pas cette chance. Elle était toujours perchée dans un filet à bagages, à bord d'un train. Mais pas le même filet. Elle en était à son troisième en tout. D'abord, ils avaient changé à Rome, puis à Monte-Carlo et enfin, ils roulaient en direction de Nice.

Artemis parlait à son petit doigt qui transmettait les vibrations au téléphone des fées, niché au creux de sa main.

- Des indices sur la destination finale ?

- Pas encore, répondit Holly, fatiguée et agacée. Cette fille mène les adultes à la baguette. Ils ont peur de dire quoi que ce soit. J'en ai assez d'être allongée dans ce wagon. J'ai l'impression d'avoir passé des années dans un filet à bagages. Qu'est-ce que vous faites, tous les deux ?

Artemis posa doucement sa tasse de cappucino décaféiné pour ne pas l'entrechoquer avec la soucoupe.

- Nous sommes à la bibliothèque de Nice où nous essayons de dénicher des renseignements sur cette Minerva. Nous allons peut-être savoir si elle possède une villa près d'ici.

- Contente de l'entendre, répondit Holly. J'ai eu une vision de vous buvant du thé sur la plage pendant que je suais sang et eau dans ce maudit train.

A cinq ou six mètres de l'endroit où se trouvait Artemis, des vagues roulaient le long de la plage comme de la peinture vert émeraude qu'on aurait versé d'un immense seau.

- Du thé ? A la plage ? Nous n'avons pas le temps de nous offrir ce luxe, Holly. Il y a un travail à accomplir.

Il adressa un clin d'oeil à Butler.

- Vous êtes sûrs d'être à la bibliothèque ? J'ai cru entendre un bruit d'eau.

Artemis sourit, prenant plaisir à ce dialogue.

- De l'eau ? Certainement pas. La seule chose qui coule à flots, ici, ce sont les informations.

- Vous ne seriez pas en train de sourire, Artemis ? Je ne sais pas pourquoi mais j'ai l'impression que vous arborez ce sourire suffisant qui vous est familier."

Extrait Chap.5 "Diablement prisonnier"

"La jeune fille parlait français comme seul un Français peut le faire.

- Légalement, dit-elle, le seul délit qu'on puisse nous reprocher, c'est d'avoir un voyageur sans billet, et encore, ce n'est pas sûr. Du point de vue de la loi, comment peut-on kidnapper quelqu'un qui n'est pas censé exister ? Je doute que personne ait jamais accusé le physicien Murray Gell-Mann d'avoir kidnappé un quark, même si on sait qu'il en transporte un milliard dans sa poche.

La jeune fille pouffa de rire, faisant glisser ses lunettes sur son nez.

Personne d'autre ne rit, à part un jeune Irlandais qui écoutait la conversation à trois cents kilomètres de là, à l'aéroport Fontanarossa de Catane, où il s'apprêtait à monter à bord d'un avion d'Alitalia en partance pour Rome."

Extrait Chap.5 "Diablement prisonnier"