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Jeanne souffrait du « syndrome du premier de la classe ». En présence du juge, ou de son beau-père, elle cherchait toujours à être la meilleure, à faire plaisir aux autres.
« Jeanne, tu sais ici il n’y a pas de notes. Et moi, ce qui me rend heureux, c’est déjà ta présence et que tu acceptes de répondre à mes questions. Tes réponses t’appartiennent et, pour ton âge, tu fais déjà sacrément entendre ta voix. Alors, ce qui compte, c’est ta vérité. Pas celle que l’on a pu te demander de raconter. Pas celle que tu aurais envie de dire pour épargner ta maman, ton beau-père ou le reste de ta famille. Celle que tu ressens, qui est juste, pour nous permettre de faire notre travail. »
Jeanne poussa un léger soupir de soulagement et regarda son avocate.
« De toute façon, je ne connais qu’une seule histoire, la mienne. »
Cette phrase sonna la fin de l’audition et la clôture prochaine de l’instruction
Afficher en entierJeanne retourna s’asseoir en prenant au passage la poupée qui était sur l’étagère. Après quatre auditions, elle savait ce qui l’attendait. La figurine était le témoin de son effraction corporelle. D’abord la déshabiller puis la caresser, la toucher, au niveau des cuisses, de la poitrine, en terminant par les fesses et le sexe. Son beau-père suivait toujours le même rituel dès que sa mère était absente. Jeanne mimait les gestes presque mécaniquement. Sa mémoire corporelle était intacte tandis que son cerveau semblait ailleurs. Il n’y avait plus qu’en ce lieu qu’elle jouait à la poupée. À la maison, elle les avait toutes jetées.
Son avocate la regardait avec admiration autant qu’avec compassion. Elle percevait en elle une résilience et une force dont bien des adultes ne pouvaient se targuer. Une fois l’exercice terminé, les yeux de Jeanne se rallumaient.
« C’est bon, j’ai tout bien fait ? On peut y aller ? »
Afficher en entierCe jour-là, dans le couloir de l’instruction, devant le cabinet 2, on pouvait apercevoir une succession de chaises vides puis cette petite fille aux yeux marron qui serrait son doudou contre son cœur. Elle emplissait tout l’espace par sa présence. Jeanne était ce paradoxe de la jeunesse et de la maturité. Face à elle, Sandra, sa maman, s’agitait, tournait en rond, froissant nerveusement la convocation qu’elle tenait dans sa main. Ce 1er septembre 2016, c’était le jour de leur audition devant M. Deiss, juge d’instruction en charge du pôle des mineurs
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