Tous les livres de Georg Christoph Lichtenberg
De qui et de quoi se moque-t-on, dans les écrits de Lichtenberg ? De la sottise, en particulier et en général. Peu importe, au fond qu’elle soit incarnée par la pédanterie d’un de Voss, ou que, comme dans les considérations sur les naissances le 29 février, on raille implicitement les usages, la logique et même l’arithmétique.
La satire vise toujours vers ce qu’elle tient pour plus bas qu’elle, quand bien même – et c’est en fait le cas le plus général – le «bas» serait tenu pour élevé, supérieur, sublime, sacré.
Tous les moyens lui sont bons pour rabaisser le supérieur à l’inférieur, pour niveler et ne reconnaître ni Dieu ni maître, voire pour assimiler les valeurs les plus hautes aux excréments et aux orifices les plus abjects. Évidemment, tout le monde ne se hasarde pas à associer Dieu et merde, comme le célèbre Président Schreber dans sa folie psychotique. Mais se moquer de ce qui est élevé comme le Ciel, de ce qui est intangible comme le Bien et les grandes valeurs de l’humanité, ou encore de ce qui est respectable comme le Tragique ou inadmissible comme la souffrance de l’innocent, la misère ou le malheur, voilà qui est le pain quotidien de l’humoriste.
Le livre contient les quatre textes suivants :
– Consolations à l’adresse des malheureux qui sont nés un 29 février
– Contribution patriotique à une méthyologie des Allemands
– Des queues : un fragment
– Bé, Bé et Bê, Bê ; accents de mouton dans la Grèce ancienne et sur les bords de l’Elbe aujourd’hui. Une étude littéraire, par l’auteur de la Missive à la lune
GCL (1742, 1799) est un superbe représentant de l'époque des "lumières", plein d'esprit, sceptique et humaniste. Qu'il était donc enthousiasmant ce monde où l'homme allait se débarrasser de ses illusions stériles et, par son art et ses oeuvres, rendre sa terre habitable pour tous ! Du haut de cette certitude, on comprend mieux l'ironie manifestée envers ceux qui restent empêtrés dans leurs vieilles croyances :
"Il y a un art de la ventriloquence transcendentale grâce auquel il est possible de convaincre les gens que ce qui est dit sur terre viendrait du ciel"
GCL croit au progrès et surtout à son avènement certain dans le monde à venir. Non que ce soit facile, mais effort et lucidité y conduiront.
"Bien des gens, et sans doute la plupart, ont besoin de savoir qu'une chose existe avant de la découvrir".
Peut-être aujourd'hui croyons nous encore que le progrès est possible ; mais nous savons, forts d'un peu plus d'expérience, que son avènement sera long et pénible, s'il est imaginable, et que les illusions simples en forme de raccourci vers le bien, politiques ou religieuses, ont la vie dure et des adeptes fanatiques. Ce qui, bien entendu n'est pas une raison de baisser les bras, même si la vie est courte. Un optimisme raisonnable y aidera :
"Il faut savoir que, dans tout le pays et depuis cinq cents ans, personne n'est mort de joie".
Une sorte de livre de chevet gourmand, pour garder l'espoir et le sourire.
Editions Findakly (1999) - 78 pages