Tous les livres de Thierry Coudert
De bals en croisières, de fêtes extravagantes, données dans l'écrin précieux d'hôtels particuliers parisiens ou dans de féériques palais vénitiens, le petit monde de la Cafe Society a mêlé aristocrates, milliardaires, artistes, grands couturiers, chorégraphes et musiciens. Mondaine, frivole, extravagante, souvent exclusive, cette société cosmopolite a multiplié les commandes aux grands créateurs de la première moitié du XXe siècle. Villas et yachts décorés par d'audacieux décorateurs, séances d'essayages chez de jeunes créateurs en mode et joaillerie, soirées mondaines saisies par de célèbres photographes de mode, tel Cecil Beaton : les membres de la Cafe Society ont donné naissance à un mode de vie sophistiqué, original, parfois même avant-gardiste, en mêlant un grand sens de la fantaisie à une élégance racée, anticonformiste et peuplée de personnalités baroques, cette société a fait briller les talents les plus originaux du siècle précédent, de la poétesse Edith Sitwell, aux danseurs des Ballets russes, du couturier Elsa Schiaparelli au musicien Cole Porter.
Un Premier ministre qui reçoit le chef des armées américaines en veste d’appartement et pantoufles armoriées, une fille de bonne famille qui s’étiole d’un amour impossible pour un proche de de Gaulle quand sa soeur se suicide avec un revolver offert par Hitler, des espions recrutés par l’URSS parmi la jeunesse décadente de Cambridge… Est-ce là un monde de fous ? Non, l’Angleterre de la première moitié du XXe siècle.
L’excentricité – cette capacité à développer des comportements originaux au sein d’une société conformiste – participe depuis toujours à l’identité britannique. Mais au XXe siècle, l’influence des excentriques dépasse largement la mondanité : Churchill, Virginia Woolf, Keynes et le Bloomsbury font rayonner l’Angleterre, un pur esthète comme Philip Sassoon crée la RAF, les Glamour Boys, jeunes députés conservateurs homosexuels, soutiennent Churchill – contre leur parti – dans son combat contre Hitler, parfois au prix de leur vie. Pendant une cinquantaine d’années, les excentriques, grâce à un entre-soi fécond, apportent ainsi un souffle nouveau à leur nation. Derniers feux de la suprématie de l’aristocratie britannique en même temps que de l’Empire, ils constituent le chant du cygne d’un pays original, qui, à l’aube de son déclin, affiche ce qu’il a de plus singulier.