Extraits

Il poussa la porte et s'effondra sur son lit, le visage dans l'oreiller.

- Ah! S'ils te voyaient maintenant! se moqua Tobias gentiment. Tous les gars qui parlent de toi comme d'un grand général de guerre, vaillant, héroïque, indestructible!

- Je suis tellement fatigué que je pourrais dormir deux jours! avoua Matt dans l'oreiller.

- Quatre mois à ne rien faire et voilà, on n'est plus habitués à se bouger...Ils disent pas ça dans les grands récits d'aventures! Ils racontent pas comment les héros s'encroûtent... On dit toujours qu'ils rentrent à la maison, célébrés comme des dieux, qu'ils se marient et ont plein d'enfants... Mais on ne raconte jamais qu'ils finissent par divorcer, prendre trente kilos, devenir myopes, moches et qu'au final, ils meurent seuls et pathétiques.

Matt leva la tête de son oreiller pour toiser son ami:

- Dis donc, t'es d'humeur joyeuse et optimiste, toi!

T’as une sale tronche, on dirait que t’as pas dormi de la nuit ! C’est pour ça que je veux pas tomber amoureux, j’aime trop dormir, j’aime trop mon lit !

Ils reviendront. Ici ou ailleurs, mais ils reviendront. Ces enfants-là ne fuient pas. J'ignore ce qui les anime, mais il y a une profonde conviction dans ce qu'ils font.

-Ils nous observent, dit-il. J'en vois deux qui discutent derrière leurs jumelles.

-S'ils s'affolent préviens-moi, demanda Matt calmement.

-Et on fera quoi ?

-Plan B.

-C'est quoi le plan B ?

-On improvise.

Floyd jeta un regard surpris à Matt.

-Tellement rassurant, lâcha-t-il en recollant son œil au bout de la longue-vue.

-Nous marchons dans les pas de nos ancêtres, s'écria Floyd par-dessus le bruit du ressac. Nos grands-parents et nos arrières-grands-parents ont débarqué sur ces plages de Normandie avant nous pour libérer l'Europe de l'occupation tyrannique ! Soyons fiers !

-Je vois pas ce qu'il y a de réjouissant là-dedans, maugréa Tobias. C'est juste la preuve que l'homme est capable de répéter ses pires bêtises !

-Et qu'il en existera toujours d'autres pour s'opposer à l'oppression.

Matt serra plus fort la main de la jeune fille

Il prit une bonne inspiration pour se donner du courage et, sans rien ajouter, se pencha vers elle pour l'embrasser doucement.

Ambre parut surprise, mais ses lèvres s'entrouvrirent aussitôt, et elle se rapprocha de lui. Leur langue se caressèrent timidement, puis fougueusement. Matt sentit la chaleur monter en lui.

Il y avait comme des crépitements dans son cerveau, tels ceux d'un feu d'artifice éblouissant.

Lorsqu'il se redressa pour la regarder, il l'a vit plus belle encore qu'il ne l'avait jamais contemplée. Ses mèches de cheveux ondulées, comme la surface de la mer au large, encadraient son beau visage, les flammes du feu accentuant ses reflets roux. Matt adorait aussi ses yeux, se perdait dans leur émeraude pendant de longues minutes, et ne se lassait jamais de la petite étincelle qui les animait quand Ambre et lui se fixaient.

Elle était son point d'ancrage. Quand les choses allaient mal, il lui suffisait de songer àAmbre et il ssavait pourquoi il devait se lever, agir, se battre, ou prendre une décision difficile.

Plume tourna la tête et donna un grand coup de langue à Tobias, ce qui revint à lui doucher le visage.

– Oh, merci Plume… Maintenant je sens bon le chien !

La chienne le fixait de ses prunelles bienveillantes. Elle avait l’air de trouver ça bien.

L'humanité au sommet de la chaîne alimentaire est révolue, nous en avons abusé, nous nous sommes comportés comme si tout nous était dû, sans respect, en détruisant, et en polluant, en vidant les réserves, comme les parasites que nous étions devenus. Maintenant la Tempête a redonné une impulsion à l'écosystème de la planète, pour qu'il puisse rivaliser avec nous, voire nous dépasser. La végétation pousse plus vite, les animaux mutent à la vitesse de la lumière pour s'adapter, et nous, nous ne sommes plus que des éléments parmi tant d'autres de ce nouveau territoire. A nous de nous adapter, de nous faire une petite place, ou de disparaître.

Bien des espoirs reposaient dans ces petites bibles. Dont celui de ne pas rompre le lien avec les leurs. Car tous ceux qui partaient savaient que c’était peut-être pour un aller sans retour. Personne ne se faisait d’illusions. Ils s’en allaient par-delà l’Océan, vers des terres inconnues, pour plusieurs mois, peut-être des années.Et même s’ils devaient revenir un jour, ce serait en adultes.C’était probablement ça le pire

Matt était conscient d’être le plus renfermé des deux. Lorsqu’ils passaient un moment ensemble, Ambre était tout de suite à l’aise, franche dans ses contacts physiques, elle se posait moins de questions, prenait l’initiative. A Matt, il fallait un temps d’adaptation, pour oser, pour parler sans retenue, pour la prendre dans ses bras. C’était d’autant plus vrai lorsqu’ils ne se voyaient pas pendant plusieurs jours. Matt devait alors prendre sur lui pour redevenir naturel avec Ambre. Ne plus craindre de la froisser, ne plus avoir peur de ses réactions, intégrer qu’elle aussi voulait cette intimité.