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Et ce quelque chose en suspens, à la veille de s'enfuir, ils ont tout de suite vu ce que c'était : la magie. le sortilège étrange qui avait fait qu'ici, pendant quelques jours, chaque instant avait été d'or ; et le moindre geste, le moindre mot, un diamant tombé des étoiles." (p 278)
Afficher en entierJ'espère qu'il n'y a dans cette lettre aucun poison nuisible pour vous, simplement du papier, de l'encre, et de l'amour. Je ne crois pas que ça puisse vous faire du mal mais j'ai un peu peur." (p 243)
Afficher en entierIl en va ainsi des histoires d'amour : même lorsqu'elles sont finies, des riens - bouts de scène, mots en miette, gestes saisis au vol - demeurent figés dans la mémoires des amants et ne meurent qu'avec eux." (p 204)
Afficher en entierJe veux tout de la vie, être une femme et aussi un homme, avoir beaucoup d'amis, et aussi la solitude, travailler énormément, écrire de bons livres, et aussi voyager, m'amuser, être égoïste et aussi généreuse...
Afficher en entierIl faut absolument rester, décrète-t-elle. Défendre bec et ongles ce qui forme le cœur de sa vie : l'écriture. Et le bastion intellectuel qui en garantit le succès, Sartre, la forteresse existentialiste. Si elle part, elle risque de tout perdre.
Mais Simone fait front : céder à un misérable complot de femmes, jamais ! Et l'écriture, parlons-en ! Sans Nelson, maintenant, plus d'inspiration !
A la fin de la nuit, ni vainqueur, ni vaincu. Il faut malgré tout trouver un terrain d'entente. Ce sera une cote mal taillée. Pour commencer, voyage sentimental avec Nelson. Et le 14 juillet, retour au bercail pour soutenir le malheureux Sartre.
Le compromis paraît équilibré : deux mois pour l'un, deux mois pour l'autre, pas de jaloux.
Afficher en entierDepuis sa jeunesse, Nelson dévore les livres. Tout le passionne, Baudelaire comme les traités de base-ball, la science-fiction, les BD, Saint-Ex, les récits de guerre, Dostoïevski, Zola, Huxley, Dickens, la vie des grands hommes, Lincoln ou Lénine, il prend tout, même les biographies de boxeurs. Mais maintenant que Simone est venue chambouler sa vie, il n'a plus le goût à la lecture. ou plus exactement, il n'a plus goût qu'à une seule lecture : celle de ses lettres.
Afficher en entierIls s'étaient pourtant promis une alliance éternelle: ils seraient l'un à l'autre "l'amour nécessaire", avait proclamé Sartre, et leurs autres attachements, des amours "contingentes". A eux deux, ils allaient réinventer l'amour; ils engageraient leur corps ailleurs sans jamais engager leur tête. A une seule condition: tout se dire.
Afficher en entierSeulement voilà:dans la vie de Sartre, nouvelle étoile. A présent c'est vers Dolorès que tout s'enfuit, ses paroles, ses pensées, ses rêveries. L'an passé, en exergue à sa pièce "Morts sans sépulture", il a écrit: "A Dolorès".
Afficher en entierRien ne t'arrive sans que tu l'aies laissé se produire.
Nelson Algren
Ma vie, je l'ai vécue comme je voulais la vivre... Le monde réel est un vrai foutoir.
Simone de Beauvoir
Afficher en entierExtrait de l'avant-propos
«Il m'arrive quelque chose - qu'est-ce qui m'arrive ?»
Cette phrase sort d'un rêve. Celui que fît Simone de Beauvoir à New York, dans sa chambre de l'hôtel Lincoln, à l'aube du dimanche 26 janvier 1947, quelques heures après son arrivée aux États-Unis.
Elle ne parvint jamais à se rappeler ce que racontait ce rêve. Il n'en resta que cette phrase. Et au Lincoln, ce jour-là, en dépit de tous ses efforts, elle ne parvint pas à discerner ce qu'elle signifiait. Cependant, la phrase l'impressionna assez pour qu'elle en fasse mention presque aussitôt dans une de ces missives mi-lettre d'amour, mi-rapport qu'elle adressait à cette époque à Sartre - quand ils étaient séparés, elle lui relatait par écrit ses moindres faits, gestes et pensées.
Le rêve se répéta toutes les nuits suivantes, jusqu'au jeudi, sans qu'elle pût en retenir autre chose que cette angoissante interrogation. Simone de Beauvoir, de plus en plus troublée, en reparla donc dans ses courriers à Sartre.
Mieux : dix-huit mois plus tard, elle fit de cette phrase, à peine modifiée, l'ouverture de l'ouvrage qu'elle publia sur ses voyages en Amérique.
Ses voyages, et non son voyage. En effet, entre le songe du 26 janvier 1947 et la publication de ce livre, elle revint trois fois aux États-Unis. Et pour cause : très exactement vingt-sept jours après son rêve, elle avait fait la connaissance d'un homme dont elle était tombée éperdument amoureuse. De son propre aveu, il fut la seule passion de sa vie. C'était aussi un écrivain. Il s'appelait Nelson Algren et habitait Chicago. Lui aussi s'éprit d'elle avec la même passion.
L'insistance de Simone de Beauvoir à rappeler ce rêve, l'étrange «voix muette» qui lui avait parlé et la prédiction - car ensuite, elle parla expressément de voix et d'annonce - m'ont convaincue qu'elle n'avait jamais considéré comme une simple anecdote sa liaison avec Nelson Algren, l'être le moins destiné à la rencontrer. Même si elle ne le criait pas sur tous les toits, elle en était parfaitement consciente : sans lui, elle n'aurait jamais eu l'énergie de s'atteler à son oeuvre majeure, l'un des livres les plus importants du XXe siècle, puisqu'il révolutionna la vie des femmes et, par là même, celle des hommes : Le Deuxième Sexe.
Les courriers qu'elle adressa à Sartre dans le vif des événements regorgent de détails sur les circonstances qui entourèrent cette liaison - les lieux, les dates y sont très souvent et fidèlement reproduits, les heures aussi, parfois à la minute près. En les croisant avec les innombrables notations qu'elle consigna, toujours sur le vif, dans les centaines de lettres qu'elle envoya à Nelson Algren, on possède sur leur histoire un puzzle d'informations d'une extraordinaire précision. Une fois ces fragments de vie récoltés, on peut les confronter aux récits des témoins de l'affaire, puis aux confidences que Simone de Beauvoir elle-même consentit au soir de sa vie. Enfin les Mémoires du «Castor», comme l'appelaient ses amis, ainsi que ses romans, contiennent des évocations, parfois très fournies, de ces années de folie amoureuse.
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