Extraits

Je zappe l’étape maquillage ainsi que l’étape coiffage. Je ressemble plus à Yvette Horner qu’à Mylène Farmer ce matin, mais le charcutier devrait s’en remettre.

Ben voyons. Le mec est en quête d’un clone de Miss France équipé du QI de Marie Curie, alors qu’il ressemble plutôt à un croisement entre Jacques Villeret et Gérard Jugnot, l’humour en moins. Pas étonnant qu’il soit incapable de se remettre en couple. Je lui rétorque d’un ton un peu sarcastique, illustré d’un clin d’œil aussi lourd que les siens :

— Avec des critères si exigeants, je comprends mieux pourquoi vous n’avez pas réussi à trouver la femme de votre vie.

— C’est que ça se mérite de partager ma vie, réplique-t-il d’un ton sec en fronçant les sourcils.

On devrait mettre en prison le mec qui a décidé qu’il faudrait une majuscule, une minuscule, un caractère spécial et un chiffre pour créer un mot de passe sécurisé. Comment un humain normalement constitué est-il censé pouvoir mémoriser tout ça ? De toute façon, les mots de passe sont des cons. On devrait leur interdire d’exister.

— Et puis, tu pourrais faire un effort vestimentaire. Cette jupe informe ne te met pas du tout en valeur ! On n’attire pas les hirondelles avec du vinaigre, Camille.

— On dit « les mouches », maman.

Elle tourne la tête de gauche à droite d’un air perdu.

— Quelles mouches ?

— L’expression, c’est : « on n’attire pas les mouches avec du vinaigre ».

— Quelle drôle d’idée ! Pourquoi diable voudrait-on attirer une mouche ? Je suis sûre que ce sont les hirondelles, réplique ma mère d’un ton péremptoire, en fronçant les sourcils.

Je réprime un soupir et explique d’une façon aussi diplomate que possible :

— L’expression avec les hirondelles, c’est sur le printemps. Les hirondelles ne font pas le printemps. Tu dois confondre avec celle-ci.

— Dis tout de suite que ta mère est idiote !

Je n’entends pas la fin et me perds dans mes pensées : Bertrand, sa nouvelle copine, sa promotion… Pourquoi tout lui réussit alors que ma vie pue la loose à plein nez ? Cela fait dix ans que je suis à la Gazette de Perclin et que ma carrière ne décolle pas. J’en ai ma claque d’être cantonnée à la rubrique des chiens écrasés. Et côté vie amoureuse, je touche le fond. Pire que le fond. C’est vingt mille lieues sous les mers. Les trois premiers mois qui ont suivi ma séparation, je suis restée terrée chez moi, fuyant tout contact avec la gent masculine.

J’ai regardé le récipient de salade composée et pendant un instant ô combien agréable, je me suis imaginée en train d’y plonger la tête brushinguée de Sonia.

Ben voyons. Le mec est en quête d'un clone de Miss France équipé du QI de Marie Curie, alors qu'il ressemble plutôt à un croisement entre Jacque Villeret et Gérard Jugnot, l'humour en moins.Pas étonnant qu'il soit incapable de se remettre en couple.Je lui rétorque d'un ton un peu sarcastique, illustré d'un clin d'oeil aussi lourd que les siens:

-Avec des critères si exigeants, je comprends mieux pourquoi vous n'avez pas réussi à trouver la femme de votre vie

- C'est que ca se mérite de partager ma vie, réplique t-il d'un ton sec en fronçant les sourcils.

Et modeste avec ça...

Damien1974, quarante-quatre ans, recherche la femme de sa vie, si possible grande, blonde, mince, gentille, intelligente, avec de l’humour et ayant entre vingt-cinq et trente ans.

Bah voyons. Le mec ne ressemble à rien, même sur ses photos (sachant que tout le monde choisit, comme moi, ses meilleurs clichés, imaginez la tête qu’il doit avoir en vrai !). Mais il pense qu’il va pouvoir se taper le sosie de Britney Spears en plus jeune (parce que là, même Britney Spears est trop âgée pour correspondre à ses critères).

À côté de cette grande blonde élancée aux yeux bleus, qui avait la beauté et la jeunesse, j’ai eu l’impression d’être apparentée à Quasimodo, avec mes kilos en trop, mon brun un peu terne, mes yeux pas assez verts à mon goût et mon mètre soixante-cinq et demi qui n’avait jamais daigné atteindre la barre rêvée du mètre soixante-dix. Cela m’a totalement anéanti... Tellement anéantie que j’ai englouti deux pots complets de Nutella. Un suicide au Nutella, voilà ce que j’ai voulu faire. Comme ça, Bertrand aurait eu ma mort sur la conscience et se serait lamenté jusqu’à la fin de ses jours d’avoir perdu une femme aussi formidable que moi et beaucoup plus intéressante que cette pétasse d’Andréa.

Sans surprise, je n’ai pas réussi à me suicider au Nutella. Par contre, j’ai passé presque vingt-quatre heures à vomir.

Pour la dixième fois de la semaine, je tape le nom de Bertrand, mon ex, dans le moteur de recherche de Facebook.

Je sais bien que c’est stupide, mais c’est plus fort que moi. Vous vous demandez peut-être comment une fille comme moi, pourtant saine de corps et d’esprit (enfin à peu près) a pu tomber aussi bas ? Eh bien, cette « addiction » a débuté il y a un mois, lorsque Sonia et Jérôme, des amis de mon ex avec qui j’ai vaguement gardé contact, m’ont conviée à la fête qu’ils donnaient pour célébrer leurs cinq ans de mariage. Comme je ne les apprécie pas plus que ça (Jérôme est plutôt sympa, mais Sonia est aussi agaçante qu’un moustique dans une chambre à coucher), j’ai envisagé de décliner l’invitation. Mais je n’ai pas vu Bertrand depuis la séparation et peut-être qu’il sera présent. Alors, après quelques hésitations, j’ai confirmé ma participation.