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Liste des extraits

** Extrait offert par Suzanne Barclay **

Chapitre 1

Ecosse, août 1393.

Un fin croissant de lune éclairait d’une lueur pâle et parcimonieuse les monts Cheviot. Désolés et dépourvus d’arbres, les sommets arrondis moutonnaient jusqu’à l’horizon, coupés, çà et là, par des gorges profondes et encaissées. Perché sur une butte, le château de Luncarty dominait le pays, ses murailles sombres se fondant dans un à-pic qui plongeait, cinquante pieds plus bas, dans les eaux d’un lac.

A plat ventre dans l’herbe d’une colline voisine, Allisun Murray observait les alentours du château de l’ennemi le plus haï de son clan. Les ancêtres de Jock McKie avaient bien choisi l’emplacement de leur forteresse.

Des vallons étroits et escarpés la protégeaient sur les côtés et la seule voie d’accès était un chemin étroit et tortueux qui aboutissait à un pont-levis jeté au-dessus d’un fossé large et profond. De l’autre côté, deux tours jumelles, percées d’archères, flanquaient une porte cochère en chêne massif. Un seul McKie montait la garde, son casque étincelant dans la lumière de la lune, alors qu’il marchait de long en large sur la plate-forme de la tour de guet.

— Il ne sera pas facile d’entrer et de ressortir avec notre bétail, marmonna Owen Murray.

Allisun soupira. Elle avait les membres rompus par leur longue chevauchée depuis leur refuge de Tadlow, mais elle ne voulait montrer à aucun prix qu’elle était fatiguée. La mort de son frère, Daniel, avait fait d’elle le chef de leur petit clan, mais aucun Ecossais n’était prêt à suivre une femme au combat et encore moins à lui obéir. Elle était là seulement parce qu’elle avait insisté et qu’Owen, le capitaine d’armes de son père, l’avait soutenue.

— Nous y arriverons, dit-elle d’une voix ferme. Il le faut.

— Je propose de lancer nos crochets sur le mur de derrière, d’escalader et de nous battre pour récupérer notre bien, grommela Black Gilbert, accroupi sur sa gauche derrière un gros rocher.

Un grondement approbateur parcourut les trente Murray tapis autour du sommet de la colline.

Allisun comprenait leur colère et leur frustration. Depuis douze ans, la guerre n’avait pas cessé de faire rage entre les Murray et les McKie. La forteresse de sa famille avait été prise et incendiée et, après avoir perdu son père, elle avait vu ses deux frères aînés, Sandie et Daniel, tomber lors des raids dévastateurs de Jock McKie. La mort de Daniel l’avait touchée jusqu’au plus profond d’elle-même, car il avait seulement vingt ans et il n’existait pas de garçon plus doux et pacifique.

— Oui, marmonna-t-elle. Donnons-leur une leçon.

Owen posa la main sur son bras.

— Du calme, ma fille, murmura-t-il. Je sais ce que tu ressens, mais ce serait du suicide. Nous faire tuer ne ramènera pas Danny.

Allisun frissonna.

— As-tu oublié comment ce vieux fourbe l’a incité à venir le rencontrer en lui promettant une trêve, puis s’est emparé de lui et l’a mis à mort après l’avoir torturé ?

— Non, je n’ai pas oublié un seul des crimes de Jock McKie. Chaque mort est gravé dans mon cœur. Mais souviens-toi des derniers mots de Danny avant son départ pour ce funeste rendez-vous : « S’il m’arrive quelque chose, ne cherchez surtout pas à me venger. »

Les traits du visage d’Allisun se contractèrent.

— Nous ne pouvons pas laisser un pareil crime impuni.

— Il le faut. Toi et ta sœur, vous êtes les derniers membres de votre famille. Pense à elle et à tous ceux qui nous attendent à Tadlow. Qui chassera pour eux, qui les protègera s’il nous arrive malheur ?

Le sentiment du devoir étouffa, au moins provisoirement, le désir de vengeance d’Allisun. Avant de partir parlementer avec Jock, Danny l’avait prise à part et lui avait demandé d’emmener Carina et de quitter les Marches, s’il venait à être tué. Elle n’avait pas pu s’y résoudre, mais elle n’avait pas le droit maintenant de prendre des risques inutiles.

Elle hocha la tête.

— Tu as raison. Ils sont trop nombreux.

— Vous êtes deux bonnes femmes froussardes et sans volonté, marmonna Black Gil, les yeux aussi noirs que ses cheveux.

De cinq ans plus jeune qu’Owen, il était cousu de cicatrices et aussi dur et implacable que la terre d’Ecosse.

— Prenons d’assaut ce repaire de brigands et tuons autant de McKie que nous pourrons.

Un nouveau grondement approbateur parcourut les rangs des Murray.

— Il faut leur rendre coup pour coup, marmonna Wee Harry, le géant qui faisait office de forgeron. Sinon, ils continueront de nous tuer l’un après l’autre, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus un seul Murray vivant.

Allisun savait que c’était le but de Jock, son obsession. Wee Harry avait raison. Ils devaient faire quelque chose pour tenir en respect les McKie. Pour y parvenir, ils avaient besoin de nourriture. De la viande, si possible, afin que leurs guerriers restent forts et que leurs enfants survivent aux rigueurs de l’hiver. Ils n’avaient pas d’argent pour remplacer les bêtes à cornes qu’ils avaient perdues lors des raids des McKie. Dix-huit têtes, pour être précis. Allisun était prête à tout pour les récupérer.

— Où pensez-vous qu’il garde son troupeau ?

— Dans la basse-cour, probablement, répliqua Black Gil. C’est pour cela que nous devons pénétrer à l’intérieur des murs.

— En venant ici, nous avons contourné des bâtiments de ferme et un grand pâturage. J’ai entendu des meuglements…

— Un raid sur cette ferme ne nous vengera pas de Jock McKie, répliqua Black Gil, ses yeux noirs étincelant de fureur. Cela ne vous trouble pas de savoir qu’il est vivant et en bonne santé, alors que votre père et vos frères pourrissent dans la terre ?

Allisun sentit des larmes envahir ses yeux, mais elle les chassa avec détermination.

— Si, bien sûr, et, un jour, nous aurons notre revanche. Je le jure, ajouta-t-elle en regardant, l’un après l’autre, les hommes aux visages rudes qui l’entouraient.

Elle les connaissait depuis toujours. Elle avait connu avec eux les jours fastes de Keastwicke, avant le début de cette maudite guerre entre les McKie et les Murray. Puis ils avaient été traqués d’un refuge à un autre, forcés de s’abriter dans des ruines ou dans des masures abandonnées. Chaque fois, avec Carina, elle avait travaillé dur pour essayer de leur donner l’apparence d’un foyer — jusqu’au jour où les hommes de Jock les retrouvaient et les obligeaient à fuir de nouveau.

Une vie dure. Une vie qui les avait tous marqués profondément. Le manque de nourriture avait rendu leurs corps maigres et secs. La menace constante qui pesait sur eux avait produit des enfants qui pleuraient rarement et ne riaient jamais. En pensant à eux, Allisun sentait son cœur se serrer. Un jour ou l’autre, elle ferait payer à Jock McKie tous les malheurs qu’il leur avait fait endurer.

Elle redressa le menton et regarda Black Gil droit dans les yeux.

— Il doit y avoir au moins une centaine de McKie derrière les murs de Luncarty. S’aventurer à l’intérieur serait du suicide et nous ne pouvons pas nous permettre de perdre ne serait-ce qu’un seul homme. Pour nous venger de Jock, il vaut mieux attendre un moment plus favorable. Le raid sur le bétail de l’un de ses tenanciers l’incitera peut-être à sortir en terrain découvert, ajouta-t-elle en voyant la plupart de ses hommes hocher la tête approbativement.

— Oui, acquiesça Gibb’s Martin, un guerrier grand et efflanqué qui avait perdu toute sa famille lors d’un raid des McKie. Allisun a raison. Nous allons attaquer la ferme et attirer ces brigands hors de leur repaire. Il nous sera facile, alors, de leur tendre une embuscade et de les massacrer, comme ils ont massacré les nôtres.

En voyant Gibb’s et ses compagnons commencer à se mettre en selle, Allisun leva la main.

— Attendez. L’effet de surprise sera perdu si nous lançons une attaque frontale à travers les bois. Allons d’abord nous poster sur cette petite colline, derrière la ferme. Une fois là-bas, Owen et Mouse iront inspecter la zone en éclaireurs, afin de voir où sont postés les gardes. Nous frapperons à leur retour, quand nous serons sûrs du succès.

Owen sourit.

— Un plan parfait. Vous êtes aussi avisée que votre père, paix à son âme.

Allisun rougit, flattée par un tel compliment, surtout venant de la part d’un vieux routier comme Owen. Son père et ses frères ne l’avaient jamais autorisée à participer à leurs raids, mais elle les avait écoutés pendant des heures avec avidité, quand ils échafaudaient leurs plans de bataille. Aucun d’entre eux n’avait jamais imaginé qu’elle aurait un jour besoin de leurs leçons.

Black Gilbert grommela.

— Je persiste à dire…

Un cri de la sentinelle postée sur les murailles de Luncarty l’empêcha de finir sa phrase. Allisun tourna la tête et vit une troupe de cavaliers remonter le chemin conduisant à la forteresse. Elle en compta au moins une vingtaine. Malgré la distance, leurs chevaux lui semblèrent immenses. Les cavaliers aussi lui parurent immenses. Des hommes entièrement revêtus de métal.

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** Extrait offert par Suzanne Barclay **

Prologue

Château de Luncarty, Ecosse.

Juillet 1381.

Le soleil couchant jetait ses derniers feux sur les sommets des monts Cheviot et les ombres s’allongeaient dans les bois où serpentait le torrent dont les eaux alimentaient les douves de la forteresse. Bientôt, il ferait nuit noire et tout le monde savait que les terres aux alentours étaient sauvages et dangereuses.

Alors, pourquoi diable sa tante quittait-elle à cette heure la sécurité des murailles du château ?

L’estomac noué par l’appréhension, Hunter Carmichael se glissa derrière elle, en prenant soin de rester en arrière, alors qu’elle descendait le sentier qui sinuait jusqu’au bord du brûlis. Elle marchait d’un pas rapide et nerveux, ce qui ne lui ressemblait pas du tout, elle qui, d’habitude, était toujours si calme et gracieuse. Mais, à vrai dire, elle avait été ainsi pendant toute la journée.

Hunter fronça les sourcils. Cela pouvait-il être de la faute de son oncle Jock ?

La nuit précédente, Hunter avait entendu son oncle et sa tante se disputer. Le bruit de leurs voix et les sanglots de sa tante l’avaient réveillé. Il était resté allongé dans le noir, dans la petite chambre qu’il occupait à côté de la chambre seigneuriale en se demandant ce qu’il devait faire. Il arrivait parfois à ses parents de ne pas être d’accord, mais, jusqu’à présent, ils ne criaient pas et son père n’avait jamais fait pleurer sa mère.

Un sentiment de nostalgie l’avait alors envahi. Il avait passé un été agréable auprès de sa tante, mais il avait hâte de retrouver ses parents et le château de Carmichael. Les sourires pleins de tendresse de sa mère, les sages conseils de son père et même les leçons de lecture et d’écriture du père Matthew lui manquaient. Oncle Jock, lui, méprisait les clercs et n’éprouvait aucun intérêt pour les livres. Aussi, il avait laissé Hunter vagabonder dans la forêt, pêcher, monter à cheval et faire tout ce dont il avait envie. L’adolescent goûtait à cette liberté, mais néanmoins, en pensant à ses parents, il avait senti sa gorge se serrer et ses yeux s’embuer de larmes.

Il avait treize ans. Bientôt, il serait un homme. Et le devoir d’un homme était de protéger sa famille, les femmes tout particulièrement, comme son père, Ross, le lui avait enseigné. Un précepte qui l’avait incité à sortir de son lit douillet et, malgré le froid qui régnait dans les couloirs, à aller frapper à la porte de la chambre seigneuriale.

— Qui diable vient nous déranger à une heure aussi tardive ?

— Hun… Hunter.

Oncle Jock avait juré et grommelé, mais, finalement, il avait ouvert la porte et sa silhouette massive était apparue, éclairée par la lumière flageolante des chandelles.

— Qu’est-ce que tu veux ? avait-il demandé d’une voix irritée.

— Je… j’ai entendu crier.

Hunter avait jeté un coup d’œil dans la chambre et aperçu sa tante assise devant la cheminée, les yeux rouges et la mine défaite. En la voyant ainsi, toute malheureuse et recroquevillée sur elle-même, il avait contourné son oncle et était allé lui prendre les mains. Elles étaient glacées.

— Il y a quelque chose qui ne va pas, ma tante ?

— Mais non, elle n’a rien ! avait répliqué Jock. Nous avons eu seulement un petit différend, voilà tout. N’est-ce pas, Brenna ?

— Oui, rien de plus, avait-elle acquiescé immédiatement.

Hunter avait été soulagé de voir qu’elle n’avait aucune marque de coups sur le visage. A Carmichael, l’un des soldats de son père avait battu une servante. Une brute qui prétendait qu’une femme avait besoin d’être battue, si on voulait qu’elle soit docile et obéissante. Ross l’avait fait fouetter et l’avait chassé de Carmichael. Une leçon que Hunter avait retenue.

— Nous nous sommes disputés et un peu emportés, comme cela arrive souvent entre gens mariés, avait ajouté sa tante. Nous sommes désolés de t’avoir réveillé.

Hunter avait froncé les sourcils.

— Papa dit souvent que nous avons tous hérité du caractère soupe au lait de grand-père…

— Parce que lui n’en a pas hérité, peut-être ? l’avait taquiné sa tante ?

— Si, mais maman dit qu’il lui faut plus de temps pour exploser !

Un sourire avait éclairé le visage de Hunter.

— Il essaie de m’apprendre à maîtriser le mien, mais…

— Bah, pour être un homme, un vrai, il faut avoir le sang chaud, l’avait interrompu oncle Jock.

Et, certes, Jock McKie l’avait. Quand il élevait la voix, tous les hommes de son clan se mettaient à trembler. Il dirigeait Luncarty d’une main de fer, mais, pendant les deux mois où il avait séjourné chez lui, Hunter ne l’avait jamais vu lever la main — ou, même, la voix — sur sa femme.

Il s’était inquiété pour rien. Ils avaient eu simplement une petite dispute et tout était rentré dans l’ordre.

Rassuré, Hunter était retourné à sa chambre, mais il avait laissé le battant entrouvert. Il n’y avait pas eu d’autres cris, mais, au bout d’un moment, il avait entendu des soupirs et des gémissements rauques. Avant cet été, il n’aurait pas su ce qu’ils signifiaient, mais, deux semaines plus tôt, il avait assisté par hasard à l’étreinte d’un garçon d’écurie et d’une servante derrière la grange.

Embarrassé et un peu honteux à l’idée que son oncle et sa tante se livraient à de tels ébats à leur âge, Hunter avait refermé le battant. Visiblement, ils s’étaient réconciliés.

Mais, au matin, sa tante s’était conduite d’une manière étrange. Elle avait été trop occupée pour l’accompagner dans leur promenade quotidienne et même pour venir s’asseoir et bavarder avec lui. Au début, Hunter s’était senti rejeté, presque abandonné. Puis il avait eu peur que sa tante ait deviné qu’il avait entendu ses ébats amoureux avec oncle Jock. Cependant, elle n’avait pas eu l’air embarrassée. Elle lui avait semblé plutôt nerveuse, préoccupée. Dès les premières lueurs de l’aube, elle avait harcelé les chambrières et les domestiques, souvent sans aucune raison, et, finalement, elle avait décidé de faire un « grand ménage ».

Les matelas avaient été sortis pour être battus et aérés, le paillage de joncs balayé et gratté dans la grande salle, tandis qu’une équipe de domestiques était envoyée en couper des frais au bord de la rivière. En outre, il n’y avait pas eu de repas chaud à midi, car elle avait décrété que le cuisinier et ses marmitons devaient nettoyer les fourneaux et récurer à fond les poêles et les casseroles.

Chassé du château par tout ce remue-ménage, Jock avait rassemblé une partie de ses hommes et était allé se réfugier dans une taverne où il pourrait boire, manger et jouer aux dés sans être dérangé. Courir les filles, également, à en juger aux remarques égrillardes qui avaient fusé çà et là.

— Emmenez donc Hunter avec vous ! avait ordonné Brenna.

Jock avait tout de suite accepté.

— Il est temps que ce garçon achève son éducation, avait-il déclaré avec un clin d’œil paillard.

Hunter avait été tenté, car, depuis quelque temps, il était fasciné par les charmes souvent opulents des chambrières de Luncarty. Jeunes ou moins jeunes, jolies ou laides, le balancement de leurs hanches et de leurs croupes avaient mis le feu à ses reins. Un embrasement qu’il avait fort envie d’éteindre, mais son sens du devoir l’avait emporté. Il avait prétendu avoir mal au ventre et était resté pour veiller sur sa tante. Dans quel but ? Il n’aurait su le dire.

Après le départ de son mari, elle s’était enfermée pendant un long moment dans la pièce où Jock rangeait ses livres de comptes. Quand elle en était sortie, elle portait un panier recouvert par un torchon. En apercevant Hunter, elle l’avait envoyé dire au forgeron de venir ferrer sa jument. Il avait fait semblant d’y aller et s’était dissimulé dans une encoignure de porte pour la surveiller. Lorsqu’elle avait mis sa pelisse et quitté Luncarty, son panier à la main, il l’avait suivie en cachette.

— Je vais cueillir des bétoines d’eau, l’avait-il entendue dire au garde en faction à la porte.

Le soldat l’avait laissée passer, en lui conseillant seulement de ne pas trop s’attarder. Après tout, Lady Brenna n’avait pas de comptes à lui rendre.

Hunter avait hésité brièvement. Jock n’étant pas là, il était le plus proche parent de Brenna et avait le devoir de veiller sur elle. Surtout maintenant, alors qu’il avait l’impression qu’elle était bizarre.

S’arrachant à ses pensées, il se concentra sur sa filature. Grâce aux leçons de Wee Wat Carmichael, un vieil éclaireur au visage tout ridé, il avait appris à suivre quelqu’un sans se faire voir.

C’était un jeu pour lui. Ramper, bondir de rocher en rocher, se dissimuler derrière un buisson, s’aplatir dans un fossé… Cependant, quand sa tante entra dans la forêt, il faillit perdre sa trace. Le craquement d’une branche sur sa droite lui permit heureusement de la retrouver. Tout en prenant soin de rester en arrière, il la regarda se frayer un chemin le long de la rive du torrent. Elle ne s’arrêtait pas pour cueillir des herbes et marchait d’un pas rapide et déterminé.

Peu à peu, le terrain devint plus abrupt, avec des gros rochers qui barraient le sentier, comme s’ils avaient été jetés là par un géant. Hunter les contourna, un peu inquiet parce que le murmure du torrent étouffait le bruit des pas de Brenna. La lune s’était levée. Sa lumière argentée perçait à travers l’épaisse frondaison des arbres et éclairait parcimonieusement le sentier. Oncle Jock était sans doute de retour maintenant. Inquiet, angoissé, peut-être.

Hunter accéléra le pas, décidé à la rattraper. Il devait la convaincre de rentrer ou, au moins, lui proposer son aide.

Il contourna un énorme rocher et s’arrêta brusquement, pétrifié, en voyant sa tante… dans les bras d’un homme.

L’homme était grand et large d’épaules. Ses cheveux roux étincelaient dans la lumière de la lune. Il y avait des roux dans le clan des McKie, mais cet homme était un inconnu pour Hunter.

Qui était-il ? Que faisait-il ici avec tante Brenna ?

Elle se dégagea brusquement de l’étreinte de l’homme et leva les yeux vers lui. Malgré l’éloignement, Hunter perçut une immense détresse sur son visage.

— Non, je ne peux pas partir avec vous.

— Il le faut.

L’homme la saisit par les épaules.

— Non.

Brenna se dégagea de nouveau.

Hunter n’attendit pas plus longtemps. Tirant son épée de son fourreau, il se jeta en avant, en regrettant de n’avoir qu’une petite épée d’entraînement, car son père avait décrété qu’il n’était pas encore assez fort pour manier la claymore, l’arme favorite des guerriers écossais.

— Lâchez-la !

En entendant son cri, l’homme se retourna et, poussant Brenna derrière lui, tira son épée. La lame de la claymore brilla dangereusement dans la lumière de la lune.

— Qui diable êtes-vous ?

— C’est mon neveu !

Brenna essaya de s’interposer, mais l’homme lui prit le poignet avec sa main gauche et l’obligea à rester en arrière.

— Lâchez-la ! cria de nouveau Hunter.

Son adversaire était non seulement plus grand et mieux armé, mais, en plus, il occupait une position dominante. Néanmoins, il était prêt à l’affronter, au prix de sa vie, s’il le fallait.

L’homme jura.

Brenna tendit une main suppliante vers Hunter.

— Je t’en prie, va-t’en, retourne à Luncarty. Je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose.

— Je ne peux pas vous abandonner ici.

Hunter fit un pas en avant, mais il s’arrêta net en sentant le froid d’une lame d’acier sur sa gorge.

— Eh bien, eh bien, mon garçon, on veut jouer au méchant ? marmonna une voix rocailleuse à son oreille.

Brenna poussa un cri de terreur.

— Ne lui fais pas de mal, Owen, ordonna l’homme qui lui tenait le poignet.

— Pourquoi ? grommela Owen.

— C’est son neveu. Lâche ton arme, mon garçon.

Hunter hésita, pesant ses chances.

— Alex t’a dit de lâcher ton arme, répéta Owen en appuyant la lame un peu plus sur sa gorge.

Hunter ouvrit la main et son épée tomba sur le sol en émettant un son métallique. Il regarda sa tante, la mine défaite, puis reporta son attention sur l’homme qui lui tenait le poignet.

Alex avait les yeux d’un bleu plus pâle que celui des yeux de Brenna. Un regard vif et intelligent. Il était bien habillé. Il portait une tunique en laine, propre et sans accrocs ; des bottes en cuir souple et un haut-de-chausses en velours. La poignée de sa claymore était ouvragée, et sa façon de parler moins âpre que celle d’Owen. Mais, malgré cela, c’était un bandit qui s’apprêtait à enlever une femme.

— Je suis prêt à me battre contre vous, homme à homme, dit Hunter, d’une voix pleine de défi.

Derrière lui, Owen ricana. Un rire froid et horrible.

— Ecoutez-moi ce fanfaron ! Je suis d’avis de lui passer une lame en travers du corps, pour lui apprendre à être plus modeste.

— Non !

Brenna dégagea son poignet et se précipita en avant, les mains tendues.

— Cours, Hunter ! Cours ! Echappe-toi !

Profitant du flottement provoqué par la réaction inattendue de sa tante, Hunter saisit le poignard qui était à sa ceinture et, se retournant, tenta d’en frapper son agresseur.

L’homme était grand et massif, avec un torse aussi large qu’une barrique, des longs cheveux noirs et un visage dont Hunter devait ne jamais oublier les traits rudes et grossiers.

— Que diable… Sale petit morveux !

Détournant le coup avec l’un de ses bras, il saisit Hunter par le devant de sa tunique et le repoussa brutalement en arrière. Le jeune garçon roula par terre et sa tête heurta un rocher. La nuit s’embrasa, puis ce fut le noir. Juste avant de sombrer dans le néant, il entendit sa tante crier… un cri d’effroi, suraigu, terrifié.

Le cri résonnait encore dans sa tête quand, peu à peu, il reprit conscience.

— Tante Brenna ?

Pas de réponse. Aucun bruit, hormis le murmure régulier du torrent.

Sa tête l’élançait douloureusement. Il s’assit. Il était seul, à côté du torrent. Son poignard et son épée avaient disparu.

— Tante Brenna ?

Toujours pas de réponse.

Tout tournait autour de lui et sa vision était encore embrumée. En rampant, il alla jusqu’au torrent et plongea sa tête dans l’eau glacée. Le froid lui éclaircit les idées, mais ne fit rien pour apaiser son sentiment de culpabilité.

Il fallait qu’il la retrouve. En s’aidant de ses mains, il grimpa le long de la pente rocailleuse, mais, soudain, il perdit pied et tomba en arrière. Une longue chute qui lui meurtrit les membres et le dos. Un gros rocher l’arrêta brutalement. Il ne perdit pas connaissance, mais il avait du sang dans la bouche, et sa jambe gauche le faisait souffrir atrocement.

Il n’aurait su dire combien de temps il resta ainsi, tout endolori, recroquevillé sur lui-même. Plusieurs heures, sans doute.

Puis, soudain, la voix de Jock l’arracha à sa léthargie.

— Hunter ! Hunter ! Je te retrouve enfin !

Son oncle apparut, suivi par une douzaine de McKie.

— Par le Christ, que t’est-il arrivé ?

— Tante Brenna… enlevée…

Jock jura et jeta des ordres à ses hommes qui, aussitôt, se dispersèrent en petits groupes dans les bois.

— Sais-tu qui l’a enlevée ? Où on l’a emmenée ?

— Deux hommes… Alex… un noble, je pense… il a les cheveux roux. L’autre…

Hunter tourna la tête et cracha un peu de sang. Le visage de son oncle était flou et il sentait qu’il allait perdre de nouveau connaissance.

— Owen… cheveux noirs… une brute…

Jock McKie jura de nouveau.

— Alex et Owen Murray ! Sacré bon Dieu, j’aurais dû m’en douter, à la façon dont Alex tournait autour de ma Brenna à la foire de Kelso.

— Elle le connaît ?

Une notion qui résonna étrangement dans l’esprit confus et désorienté du jeune garçon.

— Alors, il ne lui fera peut-être pas de mal.

Les yeux de Jock étincelèrent et il laissa échapper un nouveau chapelet de jurons.

— Elles sont toutes pareilles ! Infidèles et prêtes à suivre n’importe quel bellâtre. J’aurais dû prévoir un coup de ce genre.

Il saisit Hunter aux épaules.

— A-t-elle emporté quelque chose avec elle ? Un livre de comptes, par exemple ?

— Je… Je ne sais pas… Attendez… Elle a passé un long moment dans la pièce où vous serrez vos livres de comptes. Quand elle en est sortie, elle avait un panier à la main.

— Par tous les diables de l’enfer !

Il se leva et poussa un rugissement de fureur. Après avoir rappelé ses hommes, il décida de rentrer à Luncarty.

— Cela ne sert à rien de continuer. Ils sont loin, maintenant. Mais je jure devant Dieu qu’Alex Murray regrettera cette traîtrise.

— Vous ramènerez tante Brenna, n’est-ce pas ? murmura Hunter.

— Oui, je la ramènerai. Alex Murray regrettera d’avoir pris ce qui m’appartient. Il le paiera chèrement. Lui et son clan.

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- Je propose de lancer nos crochets sur le mur de derrière, d'escalader et de nous battre pour récupérer notre bien, grommela Black Gilbert, accroupi sur sa gauche derrière un gros rocher.

Un grondement approbateur parcourut les trente Murray tapis autour du sommet de la colline.

Allisun comprenait leur colère et leur frustration. Depuis douze ans, la guerre n'avait pas cessé de faire rage entre les Murray et les McKie. La forteresse de sa famille avait été prise et incendiée et, après avoir perdu son père, elle avait vu ses deux frères aînés, Sandie et Daniel, tomber lors des raids dévastateurs de Jock McKie. La mort de Daniel l'avait touchée jusqu'au plus profond d'elle-même, car il avait seulement vingt ans et il n'existait pas de garçon plus doux et pacifique.

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Ecosse, août 1393.

Un fin croissant de lune éclairait d'une lueur pâle et parcimonieuse les monts Cheviot. Désolés et dépourvus d'arbres, les sommets arrondis moutonnaient jusqu'à l'horizon, coupés, çà et là, par des gorges profondes et encaissées.

Perché sur une butte, le château de Luncarty dominait le pays, ses murailles sombres se fondant dans un à-pic qui plongeait, cinquante pieds plus bas, dans les eaux d'un lac.

A plat ventre dans l'herbe d'une colline voisine, Allisun Murray observait les alentours du château de l'ennemi le plus haï de son clan. Les ancêtres de Jock McKie avaient bien choisi l'emplacement de leur forteresse.

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