Extrait

— Non, je ne viendrai pas avec vous, articula-t-elle.

Alors même qu'elle prononçait ces mots, elle se rendit compte qu'en dépit de tout, elle aurait bel et bien pu se laisser tenter... si Londres n'avait été justement le seul endroit sur terre où il lui était interdit de remettre les pieds. Elle en avait fait la promesse, jadis. Mais, d'un autre côté, la pensée de ne plus jamais le revoir était insupportable. Lucius lui serrait tant la main qu'il lui faisait presque mal.

— Très bien. Dans ce cas c'est moi qui resterai près de vous à Bath, décréta-t-il. Le cœur de Francesca fondit à l'idée qu'il soit capable d'un tel sacrifice. Mais sa joie ne dura pas. Non, c'était impossible. Cela ne fonctionnerait pas. Il était le vicomte Sinclair, un aristocrate reconnu et fortuné, qui aimait les plaisirs de la capitale. À Bath, au bout de quelques semaines, il tournerait en rond et s'ennuierait. Cette option ne servirait qu'à retarder l'inéluctable. Il était inutile de se voiler la face : aucune relationdurable ne pouvait s'établir entre eux. Ils n'avaient pas d'avenir, tout simplement. Il fallait accepter certaines vérités, même si elles étaient dures à entendre. Elle secoua la tête, tenta de dégager ses mains auxquelles il se cramponnait avec obstination.

— Non, vous ne pouvez pas vous installer à Bath.

— Mais pourquoi, bon sang? explosa-t-il. L'exaspération perçait dans sa voix. C'était la réaction d'un homme accoutumé à cequ'on lui obéisse au doigt et à l'œil. — Ces deux journées ont été formidables, mais il est temps de reprendre le cours normal de nos vies, monsieur Marshall... je veux dire, lord Sinclair. Je ne serai jamais votre maîtresse, et vous ne pouvez m'offrir le mariage. Alors à quoi bon vouloir prolonger à tout prix ce qui n'aura été, somme toute, qu'un agréable interlude ?

— Agréable interlude? répéta-t-il, manifestement furieux. C'est tout ce que vous trouvez à dire, Francesca, après ce que nous venons de partager ?

— Oui, assena-t-elle d'une voix affermie. Ce n'était qu'un épisode qui ne se reproduira pas. Voilà pourquoi il est temps de se dire adieu.

Brusquement, il lâcha ses mains. L'expression de son visage s'était modifiée. Il arborait maintenant un sourire cynique. Dans son regard, la lueur implorante avait disparu pour céder la place à une étincelle dure.

Francesca sentit une douleur sourde naître au creux de sa poitrine. Retranché derrière ce masque de dérision, Lucius donnait déjà l'impression d'être loin.

— En toute franchise, je n'ai pas l'habitude de voir une femme repousser mes avances, dit-il. D'ordinaire, elles adorent ma compagnie, surtout au lit, et jamais aucune ne s'est plainte de mes attentions. Bien au contraire. Mais puisque ce n'est pas votre cas, je vais me plier àvos désirs et vous laisser. Adieu, madame.