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Elle se rua dans le hall, dénicha son mari dans son bureau, et se jeta à son cou, renversant le verre qu’il était en train de remplir.
Elle l’embrassa à pleine bouche.
— Je t’aime, je t’aime, je t’aime, bredouilla-t-elle d’une voix hachée.
Il la dévisagea d’un air stupéfait.
— Redis-moi cela.
— Je t’aime, je t’aime, je…
L’étreignant avec force, il la bâillonna d’un baiser.
— J’espère que tu ne te méprends pas, dit-il quand il s’écarta. Ne me crois surtout pas meilleur que je ne suis. Mais tu as vu ce malheureux. Je ne pouvais décemment pas lui briser le cœur.
— Je sais exactement qui tu es, Félix. Et j’aime l’homme que tu es.
Il lui caressa la joue.
— Cela me suffit amplement, ma chérie. Et maintenant, montre-moi comment tu m’aimes…
— Et Mme Lucas ne vous accompagne pas, aujourd’hui ? s’enquit-elle d’un ton anodin.
— Il n’y a pas de Mme Lucas, je ne me suis jamais marié.
Le visiteur but une gorgée de thé tout en posant sur Félix un regard nostalgique.
— Vous ressemblez énormément à votre mère, lord Wrenworth. Elle était d’une beauté renversante.
— Vous l’avez bien connue ? risqua Félix.
Sa voix était suave, mais derrière le sourire affable, Louisa devinait une extrême tension.
— Je ne sais trop que répondre à votre question. Nous entretenions une correspondance régulière – j’ai d’ailleurs gardé toutes ses lettres –, mais nous avions rarement l’occasion de nous voir. Elle était très surveillée.
Il paraissait en pleine forme, débordant d’énergie. S’approchant de Louisa, qui sirotait déjà son thé, il se pencha pour lui murmurer à l’oreille :
— Je crois toujours qu’il m’est impossible de t’aimer davantage, pourtant chaque jour je t’aime un peu plus.
Étrangement, c’était à l’heure du petit déjeuner qu’il lui disait des mots doux, quelquefois, quand l’envie lui en prenait. En cela, du moins, il demeurait imprévisible.
« Moi aussi, je t’aime chaque jour un peu plus », faillit-elle répondre. Elle se mordit les lèvres. Elle avait l’impression d’attendre quelque chose, un signe du ciel, peut-être, qui achèverait de la rassurer et lui donnerait le courage d’avouer ses sentiments.
Je suis désespérément amoureux de toi.
Elle sortit de la pièce en courant presque, comme si elle avait senti sur sa nuque le souffle d’un fantôme.
J’aurais pu colporter cet horrible ragot qui se serait répandu dans tout Londres comme une traînée de poudre. En un rien de temps, lord Firth et Mlle Edwards auraient été mis au ban de la bonne société. On les aurait traités en parias.
Que dire pour sa défense ? Pas grand-chose.
— J’étais certain que tu n’en parlerais à personne, articula-t-il en ayant la sensation de s’enfoncer inexorablement dans la fange. Car si tu avais déclaré que tu tenais cette ignoble information de moi, on ne t’aurait pas crue, et tu le savais pertinemment. Il est entendu que le Gentleman Idéal ne s’abaisserait pas à évoquer un sujet aussi peu ragoûtant. C’est pour cette même raison que j’ai osé te proposer de devenir ma maîtresse.
Il avait profité de la toute-puissance que lui conféraient son titre et sa réputation. Louisa, à ce moment-là, n’était rien, et sa protectrice, lady Balfour, n’était que l’épouse d’un baronnet. L’élite londonienne aurait décrété sans hésiter que la médisante avait perdu l’esprit. Nul ne se serait aventuré à jeter l’opprobre sur lord Wrenworth.
— Vous êtes excessivement intelligent, admit-elle d’un ton morne. Et votre raisonnement était d’une justesse effrayante. Concevoir une aussi remarquable stratégie dans le seul but de coucher avec moi… je devrais être flattée. Je me demande pourquoi je ne le suis pas.
— J’ai eu tort
Louisa avait quitté Londres le lendemain de sa rencontre avec Jane Edwards, mais il avait encore quelques affaires à régler dans la capitale. Elle lui avait en outre clairement signifié qu’elle ne supportait pas sa présence.
La dernière fois qu’il avait pris ce train, il allait se marier. Il feuilletait le Catalogue Messier et riait sous cape en imaginant la réaction de Louisa lorsqu’elle verrait les mannequins de chiffon dans le belvédère.
Aujourd’hui, il ressassait ses paroles, gravées au fer rouge dans son esprit.
Menteur. Tricheur. Quand avez-vous réellement songé à moi ? Je ne suis là que pour vous rassurer.
Elle relégua le bouquet dans un coin de la pièce pour ne plus le voir. Mais il attirait son regard et, cinq minutes après, elle le cacha au fond de l’armoire. Cela ne suffit pas, elle sentait sa présence. Alors elle ouvrit rageusement la fenêtre, avec l’intention de le jeter dans la rue.
Elle se retint de justesse. Le vase en cristal valait une fortune, et à cette époque de l’année, les tulipes étaient sans doute coûteuses. De plus, les ragots provoqués par un tel geste la poursuivraient pendant des années.
S’obligeant à respirer profondément, elle prit le bouquet et sortit. Au bout du couloir, elle entra dans une chambre vide et déposa les tulipes sur le manteau de la cheminée.
Elle rebroussait chemin quand elle aperçut Félix immobile sur le seuil de sa chambre. Il avait assisté au bannissement des fleurs – et de ses sentiments pour elle. La tête haute, elle passa devant lui sans lui accorder un regard.
Elle se tourna brusquement vers lui.
— Que voulez-vous, lord Wrenworth ? lança-t-elle.
Ces mots qui claquaient comme un coup de fouet, le gouffre qu’ils creusaient entre eux donnèrent le vertige à Félix.
— Louisa…
— Ne m’appelez plus ainsi. Le temps où nous étions intimes est révolu.
— Ne dis pas cela. Nous sommes unis devant Dieu, pour la vie. Et sache que si je t’ai proposé le mariage, c’est en partie pour que tu ne pâtisses pas de mes mensonges. Cela n’efface rien, je sais, mais…
— Si j’avais accepté de devenir votre maîtresse, et de perdre ainsi toute chance d’épouser un honnête homme, je n’aurais pas pâti de vos mensonges, selon vous ?
— Je…
Il était au bord d’une falaise, on le poussait dans le vide et il battait l’air de ses bras, tentant d’arrêter sa chute.
— Louisa, je t’en prie, écoute-moi. Ce qui est fait est fait, je ne peux rien y changer. Mais je ne suis plus le même homme.
— Vous voulez dire que vous avez changé ? Dans ce cas, pourquoi ne pas m’avoir tout avoué spontanément ? Mais non, vous avez continué à vous enferrer dans le mensonge. Une partie de chasse en Écosse, lord Firth qui sortait de la chambre de sa sœur en rajustant son pantalon, et cetera. Et vous vous êtes dépêché de m’emmener à Londres pour que je ne risque pas de croiser Jane Edwards à Huntington. Depuis lors, vous avez été charmant avec moi pour brouiller les pistes.
— Je ne voulais pas que tu me juges mal. Je…
Il ne parvenait pas à le dire. Lui qui s’enorgueillissait d’être invincible n’avait pas la force de prononcer ces pauvres mots.
— Je t’aime.
— Vous êtes excessivement intelligent, admit-elle d’un ton morne. Et votre raisonnement était d’une justesse effrayante. Concevoir une aussi remarquable stratégie dans le seul but de coucher avec moi… je devrais être flattée. Je me demande pourquoi je ne le suis pas.
— J’ai eu tort.
— Ah oui ? Un jour, j’ai giflé Julia parce que je l’avais surprise en train de harceler Matilda dans l’espoir de déclencher une crise d’épilepsie. Ça l’amusait, elle n’avait que six ans et ne comprenait pas la gravité de ses actes. J’aurais dû le lui expliquer au lieu de la frapper si fort qu’elle en a eu la joue toute rouge pendant des heures. Ce jour-là, oui, j’ai eu tort.
» Mais ce que vous avez fait, vous, est abject. Vous pensiez que je garderais le silence, que le nom de lord Firth et de sa sœur ne serait pas sali, et vous ne vous êtes pas trompé. Parfait. Pensez-vous cependant que je puisse oublier la façon dont vous m’avez traitée ?
Elle tremblait de fureur, son regard était comme une épée de feu qui l’embrochait.
— J’étais scandalisée que vous vouliez faire de moi une femme entretenue, poursuivit-elle, mais je ne vous méprisais pas pour autant. Vos intentions étaient claires, et vous en parliez sans détour. Je vous trouvais plutôt honnête, il me semblait que nous jouions à armes égales. Or je découvre à présent que le jeu était truqué.
Elle ferma un instant les yeux.
— Je pouvais accepter de vivre avec un vaurien, murmura-t-elle, mais avec un tricheur… non, cela m’est insupportable.
Voilà donc pourquoi Félix s’était hâté de l’éloigner du domaine. Une manipulation tout à fait digne de lui. Quelle idiote elle était ! Dire qu’elle commençait à baisser sa garde, et même à envisager un avenir serein, où elle n’aurait plus à douter de lui.
Pauvre sotte…
Et le voilà qui arrivait, qui entrait dans le salon et la cherchait du regard.
Cependant, quand il découvrit Jane Edwards à côté d’elle, son visage se figea. Il eut l’expression d’un condamné qui attend la sentence fatale. Il eut l’air de ce qu’il était : un coupable qui méritait la corde.
Il en eut un pincement au cœur. La question était effectivement cruciale. Du point de vue de Louisa, il lui avait proposé le mariage sur un coup de tête. Lui demander de s’expliquer signifiait qu’elle était prête à reconsidérer sa position et à oublier ses griefs.
Des griefs pourtant légitimes, hélas !
— Je ne voulais pas que tu sois forcée de te marier avec ton boucher. Cette perspective ne paraissait pas t’enthousiasmer.
— Tu m’as donc épousée par charité ? rétorqua-t-elle, boudeuse.
— Pas vraiment. Quand j’étais célibataire, j’en ai vu, des demoiselles aller à l’autel en traînant les pieds. J’ai laissé faire. Pour toi, c’était différent : t’imaginer dans un lit avec le boucher m’était très désagréable. Et comme tu me répétais que seul ton époux aurait droit aux faveurs que j’espérais…
— Permets-moi de te dire que tu as abattu ton jeu beaucoup trop tôt. Si je n’avais pas trouvé d’autre solution – car je doutais fort que le bon M. Charles soit disposé à prendre Matilda en charge – j’aurais accepté ta proposition initiale.
— Je savais que si le boucher se désistait, il y aurait inévitablement un épicier, un comptable ou un avocat pour sauter sur l’occasion et te passer la bague au doigt. Quel homme sensé n’aurait pas envie de t’avoir pour femme ?
Elle s’empourpra et détourna les yeux.
— Si je comprends bien, tu me désirais trop pour courir le risque qu’un autre m’épouse avant toi.
— Si tu me demandes pourquoi, si je te voulais autant, j’ai fui le lit conjugal après notre nuit de noces, je te répondrai que… reconnaître que j’étais fou de désir m’était pénible.
Il ne pouvait pas en dire davantage sans étaler devant elle ce repli secret de son âme.
Elle demeura un instant silencieuse, continuant d’entortiller sa mèche autour de son doigt.
— Cela signifie-t-il que, depuis, tu as réussi à dompter ton désir ?
Il prit une inspiration ; les aveux qu’elle essayait de lui extorquer étaient pour lui contre nature.
— Non, je suis devenu un simple mortel, j’ai appris à vivre avec.
Elle le dévisagea, lui effleura la joue.
— Merci, Félix.
Il en eut le souffle coupé. Il l’avait priée à maintes reprises de l’appeler par son prénom, ce qu’elle n’avait jamais fait jusqu’ici. Il posa sa main sur la sienne.
— Pourquoi me remercies-tu ?
— Les choses sont plus claires, à présent. Je préfère un mari dont je peux à peu près comprendre les actes.
Il était devenu un merveilleux partenaire, sur tous les plans. N’était-il pas injuste de lui refuser sa tendresse à cause de son attitude passée ?
Elle en avait assez d’être toujours sur le qui-vive. Se délester de ce fardeau de suspicion, de crainte, serait un soulagement. En réalité, elle voulait lui faire confiance.
Depuis le début, elle ne voulait pas autre chose
— Il y a des années de cela – j’étais encore à l’université – j’ai été invité à chasser la grouse en Écosse. Il se trouve que lord Firth et Mlle Edwards étaient là. Je suis un couche-tard, tu le sais. J’avais emporté une lunette astronomique et, une nuit, j’ai quitté ma chambre avec l’intention d’aller observer les étoiles. Et qui ai-je aperçu, au bout du couloir, sortant de chez Mlle Edwards ? Son demi frère, qui rajustait son pantalon.
— Je vois, marmonna-t-elle avec une grimace de dégoût.
Et soudain, sans prévenir, elle l’embrassa sur la joue.
— Merci. Grâce à toi, j’ai échappé au pire. Dire que j’aurais pu me marier avec ce triste sire.
— J’ai aussi ton beau visage et ton immense fortune. Alors oui, mon bonheur est complet.
Félix scrutait son visage dans l’espoir d’y lire quelque chose, il ne savait quoi, qui le consolerait.
Il était amoureux, et il se sentait désespérément seul.
Un jour, il lui avait dit qu’elle était plus énigmatique qu’il ne le supposait.
Cela lui semblait encore plus vrai aujourd’hui. Si elle était un livre, les passages cruciaux en seraient écrits dans une langue étrangère dont il ignorait tout.
— Mais oui, répondit-elle en le poussant sur le lit. J’ai découvert un instrument somptueux. Et j’en ai un autre, là, sous la main…
Il lui entoura la taille du bras. Son cœur se dilatait dans sa poitrine, embrassant l’univers tout entier. C’était douloureux, poignant.
Impossible désormais de le nier :
Il haussa les épaules, comme embarrassé par le compliment.
— Je vais te paraître stupide, mais… n’est-ce pas le plus grand télescope qui ait jamais été conçu ?
— Non, répondit-il en souriant. Celui du comte de Rosse, qu’on appelle le Léviathan de Parsonstown, a cent quatre-vingt-trois centimètres de diamètre. Je suis allé le voir en Irlande, dans le château du comte. Il est gigantesque. Mais le mien a l’avantage d’être mobile.
Louisa promenait la main sur le tube avec une sorte de vénération.
— Je ne me lasse pas de le toucher.
— Je sais. C’est ce que tu me dis toutes les nuits, rétorqua-t-il, pince-sans rire.
Elle ne put s’empêcher de rougir.
— Eh bien, je ne m’extasierai plus sur ton petit instrument, maintenant que j’ai vu ce monstre, riposta-t-elle sur le même ton.
— Hum… bonne chance pour introduire cet engin dans…
Elle haussa les sourcils.
— … ton boudoir, acheva-t-il en riant. Que croyais-tu que j’allais dire, coquine ? Pour en revenir au télescope, nous l’avons assemblé ici même, pièce par pièce. Et il n’ira nulle part
— Bon… voyons voir ce que le guetteur d’étoiles va pouvoir te montrer.
Il consulta ses carnets, effectua quelques réglages, puis s’assit devant l’oculaire pour vérifier le résultat.
— Je suis sûr que, dès demain, tu n’auras plus besoin de moi, déclara-t-il en l’invitant d’un geste à prendre place près de lui, maintenant que tu as trouvé le grand amour. Mais j’espère que tu te souviendras de moi avec affection.
Impulsivement, elle lui étreignit l’épaule et le sentit tressaillir. Ils échangèrent un long regard, d’une intensité troublante, puis Louisa se pencha vers l’oculaire.
— Vous êtes trop aimable. Cinq mille livres par an suffisent amplement, monsieur, ne vous sentez pas obligé d’en faire plus.
— Cinq mille livres, c’est un minimum. Je serais un mari bien négligent si je m’en tenais à cela
Chancelant, il recula d’un pas. Puis d’un autre.
Elle rajusta calmement sa toilette. Puis elle dénoua la lavallière et la lui tendit.
Les torches qui éclairaient la gloriette achevaient de se consumer, mais il voyait clairement le visage de Louisa, comme elle voyait le sien. Il s’attendait à lire sur ses traits de la stupéfaction, de la fureur et, espérait-il, de la honte.
Il en fut pour ses frais. Elle lui décocha un regard où le désir se mêlait au mépris, avant de pivoter et de s’éloigner.
Il la retint par le bras.
— Je n’aurais pas couché avec lady Tremaine.
— Et moi j’avais recommandé à Drummond de ne pas s’approcher de cette gloriette en prétextant qu’elle était infestée de moustiques.
Elle se dégagea et s’en fut, vive et gracieuse, tandis que dans le ciel se déployaient les fontaines dorées du feu d’artifice.
Il la bâillonna de sa bouche, rudement, pour ne plus entendre ces mots cruels.
Il ne luttait plus contre son obsession, il capitulait et s’en moquait.
Ce n’était pas lady Tremaine qui l’inquiétait. Il la connaissait bien : elle ne cherchait qu’à se divertir – son voyage en Scandinavie l’avait certainement laissée sur sa faim. Louisa, en revanche…
— Que diable faites-vous debout à une heure pareille ?
— Je souffre d’insomnie, à l’évidence.
Un froissement de soie, de nouveau, puis des pas légers. Lady Tremaine tournait sans doute autour de lord Wrenworth telle une louve encerclant sa proie.
— J’ai observé votre femme. Je me demande si elle vous aime. Voyez-vous, mon cher, je ne suis même pas sûre qu’elle ait de la sympathie pour vous.
Il resta un long moment silencieux. Était-il contrarié qu’on lui lance une aussi déplaisante vérité à la figure ? Louisa l’espérait. Pour un peu, elle aurait serré lady Tremaine dans ses bras.
— Mon épouse est très réservée, elle déteste exprimer ses sentiments en public, dit-il enfin. Elle et moi sommes les seuls à savoir ce qu’elle éprouve.
Lady Tremaine laissa échapper un ricanement.
— Je ne me suis donc pas trompée. Oh, ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vous forcer à me révéler ce qu’elle ressent ! Ou ce que vous-même ressentez. Une seule chose m’intéresse : comment pourriez-vous m’aider à passer de meilleures nuits ?
Stupéfaite, Louisa pressa une main tremblante sur sa bouche. Son cœur cognait si fort dans sa poitrine qu’elle en était étourdie.
— Puisque le sommeil nous fuit, tous les deux, poursuivit lady Tremaine d’une voix caressante, pourquoi ne pas me rejoindre dans ma chambre ? Vous me ferez l’amour. Vous savez bien que, moi, j’ai de l’affection pour vous. Parfois même je vous adore.
— Voilà une offre alléchante…
— Vous auriez tort de la refuser. Vous le regretteriez.
— Vraiment ?
— Rappelez-vous ce que nous avons partagé, susurra lady Tremaine, telle une sirène attirant le marin. N’était-ce pas délicieux ?
— Je n’ai pas oublié.
— Alors je vous attends à minuit.
— Je n’ai pas dit que je viendrais.
— Vous seriez stupide de ne pas le faire, n’est-ce pas ?
Lady Tremaine s’en alla sur cette note triomphante. La porte se referma, et le silence retomba.
— Je me doutais que vous étiez là, déclara tranquillement son mari.
Il affichait un flegme insolent, lui qui n’avait pas expressément refusé l’invitation lady Tremaine à commettre un adultère.
Comment réagir ? Que lui dire ? Couche avec elle et je t’assomme à coups
de télescope ?
— Cette alcôve est confortable, articula-t-elle. Et la vue est charmante.
— Dans ce cas, je vous laisse à votre lecture.
— Merci.
Et elle se replongea ostensiblement dans son manuel. Un instant après, la bibliothèque glissait de nouveau sur sa coulisse
Et quand elle posait la main sur lui, il ne se rappelait plus pourquoi il devait garder ses distances. Dans ces moments-là, il n’avait qu’un désir : passer sa vie dans ses bras, la faire rire et la faire jouir.
— Tout bien réfléchi, mon amour… pourquoi pas ? murmura-t-elle d’un air canaille. Puisque nous sommes venus jusqu’ici, donnons aux villageois un spectacle dont ils se souviendront.
Il l’entraîna vers un angle du belvédère où ils seraient moins visibles.
— Je sais pourquoi je t’aime, ma douce. Et je t’aimerai encore plus lorsque les braves gens viendront chercher avec leur fourche la sorcière que tu es.
Elle éclata de rire puis, reprenant son sérieux, plongea son regard dans le sien.
— Et moi, je sais qu’aucun homme au monde ne pourrait me rendre plus heureuse.