Extraits

Quiconque a connu l'emprise mentale, cette prison invisible dont les règles sont incompréhensibles, quiconque a connu ce sentiment de ne plus pouvoir penser par soi-même, cet ultrason que l'on es seul à entendre et qui interfère dans toute réflexion, toute sensation, tout affect, quiconque a eu peur de devenir fou ou de l'être déjà, peut sans doute comprendre mon silence face à l'homme qui m'aimait.

«  Tu sais parfois, je me demande s'il n'y a pas quelqu'un qui prend possession de toi. »

Il pensait que je m'étais laissé rattraper par quelque monstre ou fantôme surgi du passé.

Voilà ce que L. avait réactivé : la personne insécurisée en moi capable de tout détruire. L'espace d'une minutes, je me suis tenue juste au bord du désastre, et puis j'ai reculé.

Et bientôt, il ne resterait de moi qu'une peau more, desséchée, une enveloppe vide.

« L'écriture ne répare rien, là-dessus, pour une fois, on est bien d'accord, elle creuse, elle laboure, elle dessine des tranchées de plus en plus larges, de plus en plus profondes, elle fait le vide autour de toi. »

«  Je sais par quel assaut ils peuvent te mettre à terre, alors ne les laisse pas faire, c'est tout ce que je veux te dire. »

« Tu as mis un genou à terre, voilà. Tu as ouvert la brèche par laquelle ils s'engouffrent pour mieux t'atteindre. »

« Et alors ? Tu as de la chance d'avoir entre les mains quelque chose que tous t'envient. Tu peux pas agir comme si cela n'existait pas, comme si cela ne t'appartenait pas. Oui, l'écriture est une arme et c'est tant mieux. Ta famille a engendré l'écrivain que tu es. Ils ont créé le montre, pardonne-moi, et le monstre a trouvé un moyen de faire entendre son cri. De quoi crois-tu que sont faits les écrivains ? Regarde-toi, regarde autour de toi ! Vous êtes le produit de la honte, de la douleur, de secret, de l'effondrement. Vous venez des territoires obscurs, innommés, ou bien vous les avez traversés. »

Mais parfois la surface lisse se déchirait d'un coup et L. révélait d'elle-même une facette surprenante.