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— D’un côté, j’aimerais qu’on les attrape, qu’on leur fasse payer, vous comprenez ? Mais, de l’autre, ils m’ont élevée. Ils m’ont donné une vie plutôt pas mal. Si seulement ils ne m’avaient pas menti, si seulement…
Mentir. Le monde ne fait que cela. Cette fille ne fait que cela. Des larmes me jaillissent des yeux, de vraies larmes, qui coulent naturellement, si facilement que cela me fait peur.
— Je suis désolée, dis-je dans un sanglot.
Je m’essuie les yeux avec ma manche et Mme Silverman attire mon visage contre le sien. Ce n’est pas grand-chose mais mes pleurs redoublent . Pourquoi ? Pourquoi est-ce que je pleure ? Le conseiller toussote et fait un geste de la main.
— Ça suffit, Katie. Restons-en là.
— La vérité est toujours difficile à dire, répond Katie d’un ton compatissant, même si les caméras sont déjà éteintes.
Mais ce n’est pas la vérité. Aucune vérité ne pourrait rivaliser avec toutes ces épines qui me transpercent plus profondément, plus douloureusement, chaque jour que je passe dans le nid des bras de cette femme. Ce n’est jamais qu’une arnaque. J’en ai déjà monté des centaines. Pourquoi celle-ci me fait-elle souffrir ?
Afficher en entierLe temps joue pour moi. Encore un peu et tous les proches d’Erica me feront confiance, et, une fois que la confiance sera là, le code ne sera plus très loin. L’horloge du micro-ondes brille dans la nuit et la fausse fille remonte l’escalier pour dormir dans son faux lit, dans sa fausse maison, remplie de gens qui, eux, ne sont pas faux. Qui sont faits de chair et de sang, alors qu’elle n’est faite que de mensonge et de toc.
Afficher en entier— C’est juste mon rôle de mère.
Cette dernière phrase résonne dans ma tête pendant que je me brosse les dents, me frotte les cheveux avec le shampooing de luxe et le gant de loofah qui ont dû coûter plus cher que toutes les fripes que je mettais avant réunies. Je ne sais pas quel est le rôle d’une mère . Ma vraie mère, celle qui m’a mise au monde, m’a abandonnée sur les marches d’une église . Elle était sûrement trop jeune pour avoir un enfant. Le curé m’a confiée à une famille d’accueil et Sal est venu me chercher quand j’avais cinq ans. Je ne sais pas ce que veut dire vraiment le mot mère. Sal m’aimait, j’imagine, mais pas d’une manière si profonde, si désespérée . J’avais vu des films et tout, mais ce sentiment particulier ne m’avait jamais traversée jusqu’à maintenant. Je commence à comprendre.
Mon lit est froid . Sur les étagères, les poupées me regardent d’un air méchant.
Afficher en entier— Je ne pourrai jamais leur pardonner.
— Je ne pourrais pas non plus, acquiesce-t-elle, avant de se mettre à couper une tomate avec énergie.
— Tu es prête, Erica ?
De l'entrée s'échappe la voix de Mme Silverman.
— L'hôpital ferme bientôt.
— Oui, j'arrive.
J'engloutis le croissant, et ma colère avec.
— Merci, Marie, tu fais vraiment bien la cuisine.
Mme Silverman hésite avant de sortir de la maison. Ses yeux embués regardent au loin. Des journalistes sont amassés devant le portail, maintenus à distance par la grille de sécurité en fer forgé. Je lui prends la main et la rassure.
— Toutes les deux.
Afficher en entier- James te plaît mais tu as peur de décider, de t'engager, et donc tu ne veux même pas essayer. C'est comme entre moi et tes copines populaires, tu hésites. Tu m'aimes bien, mais tu les aimes bien aussi, même si elles n'ont rien dans la tête. Tu restes là plantée au milieu et tu dis n'importe quoi pour ne pas avoir à choisir entre nous parce que tu ne sais pas choisir. Parce que tu n'as jamais eu à faire tes propres choix. Il y a toujours eu quelqu'un pour décider à ta place, pas vrai ?
Bien sûr que c'est vrai. Je n'ai pas le choix. Toute ma vie, je n'ai fait que me préparer à cette arnaque. Je me suis complètement oubliée pour devenir une autre. Je n'ai jamais rien pu décider. Je n'ai rien pu faire contre. J'ai toujours fait partie d'un plan. Chaque souffle, chaque instant de ma vie, chaque rire, chaque petite maladie, chaque poupée Barbie faisait partie du plan. J'ai passer ma vie à creuser ma tombe. Et je ne peux plus en sortir.
Afficher en entier- Je me trompe peut-être, mais pas de beaucoup. Le problème, c'est qu'on ne sait pas très bien qui on est, ni de quoi on est capable, avant d'avoir rencontré les bonnes personnes, celles qui vont faire sortir tout ça de vous. Certaines personnes vous font du bien, mais le fait est que nous réagissons aux êtres et que nous n'en prenons conscience qu'une fois qu'on a rencontré le bon catalyseur. C'est comme en chimie, et toutes ces conneries qu'on apprend.
Afficher en entierJe m'installe sur un tabouret de bar.
Elle a ce rire des gens qui essaient de se montrer diplomates. Elle m'a entendue faire ma crise. Elle a au moins vingt ans de plus que Mme Silverman et sa peau fripée en dit long sur les difficultés par lesquelles elle est passée. À part le livreur du fast-food qui venait de temps en temps, Marie a été le seul témoin de ce mois de retrouvailles.
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