Ajouter un extrait
Liste des extraits
Un mot de Haven
Quand j’avais cinq ans, mon frère m’a appris à chanter. Je chantais tout le temps, allongée sur le tapis flasque du dressing, le drap déchiré remonté jusqu’au menton.
Le vent d’hiver sifflait à travers le bois pourrissant des rebords de fenêtres. Je me bouchais les oreilles et fredonnais pour ne pas l’entendre. Ma mère m’avait dit un jour que le vent était un monstre édenté, avec des grandes mains comme des griffes. Qu’il avait un trou noir en guise de bouche, dont s’échappaient les mugissements. Elle m’avait raconté que ses bras étaient comme des élastiques et que, quand les enfants n’étaient pas sages, il se faufilait à travers les fentes dans la maison pour les emporter.
Le vent me faisait peur.
Je ne voulais pas qu’il m’arrache à mon frère, Ream.
Les mois d’hiver étaient les pires et, certaines nuits, Ream venait me rejoindre en catimini dans mon placard et chantait avec moi. Mais il ne devait pas faire de bruit. Ma mère n’aimait pas qu’on chante. Mon frère ne s’inquiétait jamais de se faire attraper. Moi si. Parce que s’il se faisait prendre, je ne le verrais pas pendant des jours.
Ce n’était pas juste le vent. C’était les bruits. Les craquements de la maison, les cris de ma mère et de ses amis, les objets brisés, les hurlements, les rires.
Puis le silence.
Afficher en entier