Extraits

Sur ces mots, elle monta à une échelle permettant de rejoindre le réseau de ponts et de passerelles. Son pantalon trempé lui moulait les fesses. Ce n’est que lorsque Miki dit « pardon, mon commandant » en passant à côté de lui qu’il prit conscience qu’il la fixait du regard. Pourquoi s’intéressait-il à ses fesses, voilà qui était un mystère, car il avait eu envie de les lui botter toute la journée.

— Marcus, jusque-là je vivais sur l’océan. Comment, au nom des Six, pourrais-je savoir ce qui se passe des milles à l’intérieur des terres ?

Il la balaya du regard.

— Ça explique ton allure d’escargot.

— Tu aurais voulu courir ?

— Tu as mal aux pieds ?

— Non.

Elle devait avoir les pieds en sang, mais préférait les écorcher jusqu’à l’os plutôt que de lui donner le plaisir de se plaindre.

— Tu as mal, je le vois bien. On s’arrête.

Tous les soldats s’immobilisèrent, mais elle continua à marcher d’un air de défi et fit la sourde oreille lorsqu’il l’appela.

— Teriana ! Tonnerre, pourquoi faut-il que tu sois toujours aussi butée ?

Alors qu’elle s’apprêtait à riposter, elle se retrouva soudain par terre. Marcus lui avait attrapé la cheville et, avant qu’elle ait eu le temps de lui donner un coup de pied, il lui arracha sa botte.

— Espèce d’imbécile ! grogna-t-il. Médecin !

Un monstre, voilà ce qu’il était pour elle. Un individu cruel, qui prenait plaisir à faire souffrir. Et la façon dont elle avait dit cela… Non pas comme une insulte, mais un constat.

Pourtant, elle avait risqué sa vie pour le sauver. Le regard perdu sur la mer limpide, il se remémora la force avec laquelle le navire l’entraînait vers le fond, la futilité de sa lutte, la pression qui lui comprimait la poitrine, la sensation d’étouffement qui le hantait depuis toujours. Puis la main de Teriana autour de son poignet, son salut.

Pourquoi lui avait-elle sauvé la vie si elle l’estimait malfaisant ?

— Tu m’as sauvé la vie, dit-il, indifférent aux cordes que ses soldats lui jetaient depuis le Quincense.

Teriana garda les yeux rivés sur l’eau, fuyant son regard.

— J’ai besoin que tu restes en vie, marmonna-t-elle.

Dans le joli visage de cette fille aux joues rondes, aux lèvres pleines et à la peau d’ébène dénuée d’imperfection, c’étaient ses yeux qu’il avait préférés. Leur honnêteté, surtout. Deux lacs d’un noir d’encre remplis de haine et de peur. Étant donné ce qu’il lui avait fait subir, il ne les verrait sans doute pas sous un autre aspect que celui-là, mais après les manigances politiques, les mensonges et la tromperie dans lesquels il avait baigné dernièrement, cela faisait du bien d’avoir affaire à quelqu’un qui exprimait clairement ses sentiments, même s’ils étaient hostiles.

"Le monde ne se dépeignait pas en noir et blanc, mais avec une infinité de nuances de gris. Des pratiques immorales pouvaient se justifier par des valeurs morales."

«- Je ne pensais pas que les légionnaires échangeaient des ragots, s’étonna Teriana, le désir d’en savoir plus sur legatus Titus l’emportant sur la peur de se faire poignarder dans le dos par un passant.

- Oh, question commérages, on est pire qu’une bande de matronnes dans un cercle de couture, intervient un soldat qui se tenait à côté d’elle. »

“Just because you can't do something doesn't make it impossible.”

- Tu mérites mieux que ça. Mieux que moi.

- C'est à moi d'en juger.

- Par les dieux, la vie avec vous est un véritable cauchemar, maugréa-t-elle en regardant le soleil se coucher. Je déteste être à terre. Je déteste cette chaleur. Je déteste les moustiques. Je déteste marcher. Je déteste tout.