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Le petit torrent, aux eaux limpides et indomptées, traversait la combe fraîche et humide. Par endroits, il avait creusé le sol créant un petit fossé dont les parois étaient criblées de touffes d'herbes tombantes lui donnant l'aspect d'une cascade de glace figée et verdoyante. Son lit était hérissé de petits cailloux clairs qui contrastaient avec les grosses roches calcaires recouvertes d'une mousse sombre sur lesquelles une eau bruyante et chahuteuse venait s'écraser en une fine dentelle d'écume.
Le val frais et profond était bordé de hauts remparts naturels que l'oxydation teintait de roux et de gris. Cette muraille d'une bonne centaine de mètres de haut s'ornait de profondes crevasses verticales et de multiples excavations aux contours réguliers, fruit du lent travail de l'eau de pluie sur la roche tendre.
Une végétation luxuriante en faisait un havre de paix et de tranquillité. Les érables sycomore aux larges feuilles et à l'écorce grisonnante côtoyaient les frênes fringants et élancés. Quelques bouquets de jeunes hêtres croissaient timidement à l'ombre de leurs aînés. Au pied des sapins, fougères et orties cohabitaient pacifiquement, étroitement mêlées au sein d'un inextricable labyrinthe de racines moussues. Ce sous-bois rafraîchissant était percé de part et d'autre de gigantesques épicéas, aux branches lourdes et épaisses, qui s'allongeaient vers le ciel à la recherche d'une lumière salvatrice.
Confortablement assis sur un tapis de mousse fraîche et épaisse, Roland laissait ses pensées naviguer au gré de son imagination. Les fleurs sauvages exhalaient des senteurs délicates et précieuses, délicieusement mêlées à celles plus fortes des sapins dont les cimes s'élançaient vers les cieux, colonnes baroques d'un temple voué à la simplicité majestueuse de la nature. Face à lui, la roche laissait sourdre un mince filet d'eau qui, telle une clepsydre, égrenait le temps d'une régularité toute naturelle, le soleil dardant ses rayons sur chacune des gouttes, les changeant en autant de perles de cristal étincelantes qui frappaient le sol de mille diadèmes éphémères.
Bientôt le jour déclina, lumière crépusculaire et nébulosité intimement liées en une danse flamboyante, les ocres et les fauves se fondant et fusionnant, le ciel devenant forge de l'enfer. Le soleil tira sa révérence et au crépuscule enflammé succédèrent les ténèbres mystérieuses, insondables et captivantes.
Jouissant pleinement de la douce fraîcheur de la nuit, Roland sortit de la poche de son pantalon un étui dans lequel se trouvait une cigarette américaine. Il la porta à ses lèvres et prit un briquet au métal usé. Il le fit tourner deux ou trois fois dans sa main puis frotta la molette d'un coup sec. De fines étincelles furent projetées sur la mèche qui s'embrasa en libérant une lourde odeur d'essence. Il approcha la flamme vacillante et aspira une bouffée de tabac blond. La fumée bleue s'éleva en de minces filets tourmentés vite dispersés par la brise légère qui soufflait du nord.
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