Extraits

Bruno

— Tu reviendras ?

— Oui, promit-il.

Il s’avança vers Benoit, et lui fit relever la tête.

— Si tu me le demandes, je repasserai. Je ne m’imposerai jamais dans ta vie.

— Et si j’en ai envie ? chuchota-t-il.

— Alors, je le ferai, déclara Bruno en se penchant pour l’embrasser.

Il se lançait sans être sûr du retour. Seulement, il le voulait. Sortir des sentiers battus serait désormais son nouveau mantra, car la sensation des lèvres de Benoit était exquise, presque extatique. Ce dernier glissa sa langue à l’intérieur de sa bouche, ce qui grisa Bruno.

Celui-ci posa sa main sur la nuque de Benoit, le forçant à davantage de proximité. C’était bon de pouvoir faire quelque chose d’imprévu, d’être lui-même, et pas cette façade qu’il arborait en permanence.

" Salut Bruno,

J’apprécie la confiance que tu me témoignes concernant ta santé, ou plutôt ton fonctionnement cérébral hors-norme. Donc, si je résume bien, tu es doué dans plein de domaines, du coup ? Une vraie encyclopédie, si tu t’intéresses à chaque sujet qui t’interpelle. Parce que j’imagine que te faire aborder doit souvent t’arriver, beau brun ! "

" Benoît,

...Oui, nous n’avons discuté qu’une seule fois, rapidement, au détour d’un escalier. Ton regard m’a interpellé. C’était une sensation bizarre. Comme si tu arrivais à lire au-delà de l’apparence, au-delà de ce que j’affiche. Je sais que ce que je te dis est flou, un peu fou aussi. Je vais t’expliquer et soit te faire fuir, soit t’inciter à poursuivre cet échange.

Je suis ce qu’on appelle un autiste Asperger."

Bruno

Il avait fini par accepter sa particularité, sa façon d’agir, de penser, de faire, tout bonnement. Les gens ne pouvaient pas forcément comprendre son besoin d’isolement durant plus de deux jours, afin de se ressourcer suffisamment et ainsi revenir mieux disposé. La différence faisait peur et n’intéressait pas.

— Tu sais à quoi ça me fait penser ? lui demanda-t-il en montrant un œuf.

— Pas du tout. À la poule qui l’a éjecté ?

— Non. Tu as déjà regardé le dessin animé avec Caliméro ?

— Avec la coquille d’œuf ?

— « C’est inzuste, c’est vraiment trop inzuste », t’en rappelles-tu ?

— Ah, si ! C’est d’ailleurs de cette manière qu’on surnomme quelqu’un qui se plaint tout le temps !

— Oui. Alors tu vois, à chaque fois que je casse des œufs je repense à ce truc pour gosses, et je me raconte l’histoire.

— Sauf que toi, tu ne te plains jamais, lui adressa Benoit en souriant.

— Attends qu’on vive ensemble, laissa échapper Bruno.

Bruno commença à briser la coquille, s’amusant à faire une cassure nette de l’enveloppe, quand il remarqua que Benoit était silencieux. Il se retourna et vit que son amant le regardait avec de grands yeux étonnés.

— J’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas ?

— Tu… as parlé de vivre ensemble !