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Ma première journée de facteur


Les jours précédents, j'avais fait le tour de la commune pour repérer les lieux et mieux situer les villages, hameaux et fermes ou maisons isolées.
Par une belle journée de printemps, je prends le départ pour ma première tournée. Fier de mon harnachement tout neuf – veste et casquette de facteur –, je porte en bandoulière le grand sac de cuir contenant le courrier. Équipé d'un porte-bagages à l'avant et à l'arrière, mon vélo transporte paquets et colis. Pour l'hiver, ou les jours de pluie, j'ai fait l'acquisition d'une grande pèlerine qui abrite la totalité de mon précieux fardeau. Ainsi lesté, je pédale allègrement vers ma nouvelle vie. Je serai le messager des bonnes nouvelles. Celui dont on guette l'arrivée pour percevoir l'argent du mandat tant attendu, ou la lettre du petit-fils parti là-bas aux armées. Ou bien encore porteur de la missive de l'amoureux à sa bien-aimée. Celui qui dépanne la personne âgée dans l'impossibilité de se déplacer pour aller à la pharmacie, à la poste ou ailleurs. Désormais, je suis investi d'une mission ; je deviens l'homme indispensable.
À l'entrée du village, premier arrêt. Debout devant la porte de sa petite maison, une femme, la soixantaine allègre, m'accueille d'un :
— Seriez-t-y l'nouveau facteur ?
— À ce qui paraît, oui, c'est moi.
— Vous êtes ben jeune dites donc ; ça va nous changer. Parce que l'autre, y n'en pouvait pus. Y traînait de la patte et y rambouinait1 de plus en plus. Entrez donc. Vous allez ben prendre un coup de jus.
— Merci, mais je ne dois pas m'attarder car c'est ma première tournée et ça va me prendre beaucoup de temps.
— Veilloux cha2 ! Pou l'premi coup qu'vous v'nez, j'allons trinquy3.
Comment refuser sans faire affront ? J'entre et, à son invitation, je m'assois sur le banc. Tandis qu'elle prend le petit pot de café sur les braises où il doit rontonner4 du matin au soir, j'observe le séjour-cuisine. Sur le manteau de la cheminée, la photo d'un couple de jeunes mariés. Je demande :
— C'est vous ?
— Oui, avec mon défunt mari, blessé à la guerre de 14, il a jamais été bien portant depuis ce temps-là.
À gauche de la cheminée, un vieux buffet normand, puis un vaisselier où sont posés plats et assiettes. Des moques en terre cuite complètent le décor.
Sur la table, deux gamelles. Suivant mon regard, elle dit :
— Ch'est la pitance aux deux petiots Leblond. J'la récauffe pou l'midi. Pour aller à l'école, trois kilomètres à aller et outant pou arveni cha s'rait trop pour des gamins de c't'âge-là s'i fallait y r'tourner mougi l'midi5.
Café servi, elle y verse, à mon insu, une bonne rasade de calvados. Mes protestations restent sans effet, je dois boire le café bien arrosé en trinquant avec elle. Précautionneux, malgré cet accueil chaleureux, je réussis à éviter la rincette. Prétextant le risque d'une visite inopinée d'un inspecteur, je pars en remerciant vivement la dame pour la qualité de son accueil.
— Mé, ch'est pas madame, ch'est Rosalie que j'm'appelle !
Bredouillant un « merci madame Rosalie », je la quitte en poussant ma bécane jusqu'à la maison voisine. Élevant la voix au fur et à mesure de mon éloignement, elle crie :
— Mettez l'journal sû la f'nêtre, olle partie tchen sa fille6.

Le tri à la poste m'avait aidé à ranger le courrier dans l'ordre de distribution de la tournée. Cela n'empêche pas les hésitations et le temps perdu. Pas de courrier pour les deux premières maisons après l'église et l'école. En face, je glisse une lettre sous la porte. Je trouve sans difficulté les quelques maisons derrière le cimetière. L'unique commerce du village tient café, épicerie et bureau de tabac. On y trouve aussi des sabots de bois, des clous et du fil de fer. La clientèle du bistrot est essentiellement constituée du maréchal-ferrant et de ceux qui utilisent ses services. Pas question de ferrer un cheval sans aller boire une moque de cidre ou une tasse de café calva. La chaleur de la forge, ça donne soif ! Comme de bien entendu, l'invité remet ça en payant sa tournée – pas question de passer pour un pingre – ; on a du savoir-vivre chez nous. Si on se trouve à trois ou quatre, ça fait trois tournées ou quatre. L'épicière m'indique aimablement où je dois joindre le destinataire d'une lettre. Journalier agricole célibataire, il loge dans un réduit attenant à l'écurie. Dans le village, je peux facilement avoir un renseignement en cas de besoin. Mais au fond de la campagne ce sera une autre affaire.

À deux kilomètres du village, le hameau des Pouétils où je ne laisse qu'une lettre. Une centaine de mètres plus loin, à la ferme de la famille Bellet, je suis accueilli par le vieux chien. Il est là pour ça, alors il aboie sans conviction ni agressivité. Au fond de la cour, le tas de fumier face à une rangée d'étables. Dans le prolongement, l'habitation aux portes et fenêtres fortement défraîchies. Quelqu'un vient vers moi.
— C'est bien vous M. Maurice Bellet ?
— Oui, ça fait quarante ans que je porte ce nom-là.
Je lui remets une lettre en mains propres. Relevant sa casquette, il me dit d'un air las :
— Quand je vois arriver le facteur, c'est plus souvent pour une facture que pour une bonne nouvelle. Tout juste, en voilà encore une. Mais faut se consoler comme on peut ; entrez, on va prendre un verre.
Comment refuser une consolation à ce brave homme dans la peine ou la difficulté ? Cidre et café permettent de faire connaissance. Mme Bellet, peu diserte, épluche ses légumes après nous avoir servis. J'apprends qu'ils exploitent en fermage une exploitation de cinquante vergées7 avec une forte proportion de terres en pente pour un prix trop élevé.
— Il y a très peu de terres disponibles. Dès qu'un lopin se trouve libre, tout le monde se jette dessus et ça fait monter les prix.
En partant, je sais tout. Ils ont sept vaches et une jument. Et bien entendu quelques volailles, lapins et un cochon à l'engrais. Trois enfants sont à l'école. Léon, le petit dernier, n'a que cinq ans. À distance respectable, celui-ci observe le nouveau facteur que je suis. Demain, je lui apporterai un bonbon.
Plein de compassion, je quitte cette famille pour qui j'éprouve déjà un début d'attachement. Avant de partir, je demande où habite Mme Cafoin.
— Ah ! La mère Bondieu. Vous la trouverez au fond du chemin à deux cents mètres. Laissez donc votre vélo à la barrière de notre cour ; le chemin n'est guère carrossable.
En effet, j'ai aussi vite fait d'aller à pied. Les fleurs autour de la petite maison couverte en chaume la rendent un peu plus accueillante. On y entre par une porte à deux volets dont le haut reste ouvert pour donner de la lumière. Le volet du bas est fermé pour interdire aux volailles et autres bestioles d'y pénétrer. Ce n'est pas un obstacle pour le chat qui la franchit aisément.
À Mme Cafoin, j'apporte le journal bihebdomadaire La Presse cherbourgeoise, qu'elle continue d'appeler de son nom d'avant-guerre : Le Réveil. Tous les mercredis et samedis, je devrai donc venir jusqu'ici. Dans ce coin isolé, où personne ne lui rend visite, elle souffre de grande solitude. Elle parle, questionne pour me retenir le plus longtemps possible.
L'important retard accumulé depuis ce matin m'oblige à la quitter précipitamment. Désolée, elle me regarde partir en levant les bras au ciel. J'éprouve un sentiment de lâcheté et me promets de lui accorder plus de temps samedi prochain. On ne m'en avait pas prévenu : le métier de facteur est tout autant une affaire de relations sociales que de distribution de courrier. Je repars en sens inverse et rejoins la grand-route. Bien décidé à ne pas me laisser retarder davantage, je fonce aussi vite que je le peux.

1. Boitait en traînant la jambe.
2. Voyez-vous ça !
3. Trinquer.
4. Mijoter.
5. Retourner manger le midi.
6. Elle est partie chez sa fille.
7. Dix hectares.
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